Au Brésil, un millier de lycées et d’universités occupés contre les politiques d’austérité
Le
3 octobre, dans la ville de São José dos Pinhais, dans l’État brésilien
du Paraná (sud du Brésil), un groupe de lycéennes et lycéens décide
d’occuper leur établissement. Ils contestent les politiques menées par
le gouvernement de droite de Michel Temer. Le mouvement a vite pris de
l’ampleur. Dans tout le Brésil, près de 1200 lycées publics sont
actuellement occupés par leurs élèves, ainsi qu’une centaine
d’universités. La plupart se trouvent dans l’État du Paraná, qui compte
800 lycées occupés, la moitié des établissements de cet État.
Lycéens et étudiants s’opposent au projet de réforme de
l’enseignement voulu par l’actuel gouvernement de droite, mais aussi à
la réforme constitutionnelle qui prévoit le gel des dépenses publiques
pendant vingt ans, dont celles en faveur de l’éducation et de la santé
(voir notre article).
Ce nouveau mouvement lycéen conteste aussi le projet dit d’“école sans
parti” initié par des conservateurs, qui vise à supprimer toute forme de
pensée critique jugée de gauche dans l’éducation. « Une école sans
parti est une école sans sens critique, une école raciste, une école
homophobe (...). La réforme constitutionnelle est un affront à
l’éducation, à la santé et à l’assistance sociale. Nous ne pouvons pas
rester les bras croisés. Nous sommes ici pour des idéaux », lançait
courageusement une lycéenne de 16 ans, Ana Júlia Ribeiro, le 31
octobre. Elle s’exprimait devant les députés du Paranà pour leur
expliquer les raisons du mouvement. La jeune femme est devenue depuis
une icône du mouvement, face à des députés restés sans voix (voir la vidéo de son discours, en Portugais).
Dans les lycées occupés, les jeunes travaillent en commissions et
décident de leurs actions en assemblée. Le 26 octobre, les représentants
d’environ 600 écoles occupées du Paraná se sont ainsi réunis en une
assemblée générale commune pour décider de la suite du mouvement, pour « une éducation publique gratuite et de qualité », comme le défend
l’Union brésilienne des lycéens. Le mouvement s’affirme fermement
indépendant de tout parti politique même s’il est résolument opposé au
gouvernement de Michel Temer. Il échappe jusqu’ici aux tentatives de
récupération par des syndicats ou des partis de la gauche
institutionnelle.
Un mouvement de jeunes pauvres qui s’élargit et s’attaque à la politique d’austérité
Les lycéens brésiliens s’étaient déjà massivement mobilisés l’an
dernier, en particulier dans l’État de São Paulo. Des centaines de
lycées publics avaient été investis par leurs élèves, jour et nuit et
pendant plusieurs semaines, en opposition au projet du gouverneur de
fermer de nombreux établissements d’enseignement.
« Marqué par la spontanéité et par son caractère essentiellement
horizontal, sans hiérarchie, ce mouvement est en première ligne de la
lutte contre le gouvernement fédéral, le conservatisme des couches
supérieures et la nouvelle vague de politiques d’austérité, analyse Glauber Aquiles Sezerino, sociologue, administrateur de l’association Autres Brésils. Déjà, en juin 2013 lors des mobilisations contre la hausse du tarif des transports, ou avec les "rolezihnos",
ces "promenades" des jeunes issus des banlieues dans des centres
commerciaux destinés aux couches favorisées, il s’agissait de mouvements
spontanés et autonomes. Mais jusqu’ici, les mobilisations se centraient
sur une revendication limitée, le tarif des transports, la carte
scolaire ou l’accès aux loisirs. Désormais, les mots d’ordre sont plus
larges et visent directement les politiques nationales, l’austérité
économique et le manque de dialogue de la part du gouvernement
fédéral. »
Face à cette nouvelle dynamique, le pouvoir fédéral, les gouverneurs
d’État et les différents partis de droite sont peu ouverts au dialogue.
Les autorités n’hésitent pas à faire appel à la police militaire pour
réprimer violemment les occupations, comme la semaine dernière dans
l’État de Santa Catarina (Sud), où la police a pointé des fusils sur les
lycéens. À São Paulo, la police a évacué de force les occupations à
peine commencées, comme c’est arrivé le 25 octobre dans le nord de la capitale économique du pays. Malgré l’ampleur du mouvement, la presse mainstream a mis des semaines avant de s’y intéresser. Le plus souvent pour stigmatiser les lycéens.