Vous trouverez sur ce blog, beaucoup d'articles et de vidéos d'actualité. Les points de vue présentés dans ces articles et vidéos ne sont pas forcément les miens, mais ils peuvent amener une réflexion. Chacun se fera une opinion avec autre chose que le discours formaté des politiques et des médias.Vous y trouverez aussi les réponses aux questions qui me sont posées concernant mes livres. Les thèmes de mes ouvrages sont le développement personnel et la spiritualité.
dimanche 30 septembre 2012
samedi 29 septembre 2012
vendredi 28 septembre 2012
Expulsez c'est gagné ! ( blog de Seb Musset)
Expulsez c'est gagné !
Publié par Seb Musset vendredi 28 septembre 2012
Libellés :barbarie ordinaire / Comments: (1)
On a les révoltes populaires que l'on mérite. A l'heure où l'Espagne et La Grèce s'embrasent contre l'austérité, selon le quotidien La Provence, la nuit dernière à Marseille c'est à un camp de Roms que le peuple en colère a mis le feu, après en avoir délogé ses occupants "sans violences physiques" précise Le Figaro inaugurant le concept de soft-expulsion avec une quarantaine de potes et des torches.
Le plus terrifiant ? La razzia nocturne, selon l'AFP, est arrivée au vu et au su des élus locaux et de la police. Alors que l'hypothèse d'ébauche du début d'une manifestation possible contre des caricatures entraînait une interdiction d'office la semaine passée, préalable à une débauche policière sur Paris le jour même, étonnons-nous de la bonne fin de cette initiative citoyenne.
Sur se fond de misère sociale, quand le concept "Indignez-vous", compris de travers, rencontre celui des "voisins vigilants" compris au premier degré: voilà ce qui arrive. Une partie des gouvernements successifs ayant jugé qu'il était plus simple de montrer les muscles avec une centaine de Roms qu'avec une dizaine de grandes entreprises en position de force, il n'est pas si étonnant qu'en bout de chaîne, par capillarité médiatique, des riverains désinhibés se mettent à en faire autant. D'autant que, dans ce climat de sérénité et de confiance avec les autorités, ce ne sont pas les Roms qui porteront plainte. Allez zou, affaire classée !
Reste à savoir qui sont vraiment ces "voisins excédés" et pourquoi un tel laissez-faire policier ? Le tout à une heure de l'intervention télévisée du Premier Ministre.
Deuxième interrogation. A quelle heure Jean-François Copé nous fera son point presse sur l'intolérable stigmatisation des blancs dans les campings des Bouches-du-Rhône ?
Éoliennes domestiques : comment les pouvoirs publics encouragent une vaste escroquerie
Énergie
Éoliennes domestiques : comment les pouvoirs publics encouragent une vaste escroquerie
Par Nolwenn Weiler (27 septembre 2012)
Méfiance avec les petites éoliennes domestiques ! De plus en plus de particuliers se font arnaquer par des entreprise sans scrupules : installation là où le vent ne souffle pas, promesses de production fantaisistes, risques importants d’endommager les maisons... Ces éoliennes bénéficient pourtant d’un important crédit d’impôt. Les pouvoirs publics, sourds aux avertissements des professionnels de la filière, encouragent actuellement une vaste escroquerie. Au détriment du véritable petit éolien.
« En installant une éolienne à votre domicile, vous pourrez réduire sensiblement votre facture d’électricité » : C’est ainsi qu’Optim’eo, entreprise spécialisée dans les « solutions d’amélioration de la performance énergétique », résume les avantages de ses petits moulins à vent domestiques. Patrice Filly, qui habite à une trentaine de kilomètres de Rennes, a été démarché par l’entreprise au cours de l’été 2011. Il se laisse tenter par les très alléchantes propositions du commercial, qui a même griffonné sur un coin de papier que son client pouvait envisager une économie de 700 euros par an sur sa facture d’électricité ! Las, trois mois après l’installation, les factures n’ont pas bougé. Et le fort sympathique commercial n’est plus joignable.
Patrice Filly rejoint ainsi la triste cohorte des arnaqués du petit éolien, de plus en plus nombreux. « Depuis que le crédit d’impôt pour le photovoltaïque a diminué, les entreprises spéculatrices se sont rabattues sur le petit éolien », remarque un conseiller d’un espace Info énergie, mis en place par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et les collectivités locales pour sensibiliser et informer le grand public. « Ils prennent les gens par les bons sentiments : qui peut être contre les énergies renouvelables ? Et puis une petite éolienne, c’est sympathique, c’est pittoresque », poursuit Franck Turlan, du Site expérimental pour le petit éolien national (Sepen). À ce capital sympathie, s’ajoute une véritable méconnaissance. « Tout le monde sait ce que sa voiture consomme, et combien cela coûte, en gros, avance Frédéric Boutet, artisan électricien. Mais en matière de production et de consommation d’électricité, les gens n’y connaissent rien. »
Des promesses de production mensongères
Calculs faits, Patrice Filly s’est rendu compte que pour atteindre les 700 euros d’économies promis, il aurait fallu que son éolienne de 700 watts tourne et produise de l’électricité pendant 10 000 heures ! Soit plus que n’en compte une année. « L’occasion était trop belle. C’était évident. Nous étions quelques uns à voir venir tout cela. Nous avons tenté de sonner l’alerte, en vain, » tempête Franck Turlan, qui se désole de cette très mauvaise publicité faite à une ressource pourtant prometteuse. « Il y a un vrai gisement pour le petit éolien en France. On pourrait produire des mégaWatts chaque année ! Mais plutôt en milieu rural, dans une zone dégagée, et en plaçant les éoliennes là où souffle le vent, c’est-à-dire assez haut, une vingtaine de mètres environ. » Dans une telle configuration, et avec une machine de 2kW, on peut espérer une production d’environ 3000 kWh par an. Sachant qu’une famille de quatre personnes consomme en moyenne 4000 kWh par an, hors chauffage et eau chaude sanitaire.
Les promesses d’autonomie avec une « éolienne de pignon », comme on les appelle, sont donc de vrais mensonges. « De toute façon, en ville, il n’y a pas assez de vent », résume simplement Jean-Marc Noël, président de l’Association française des professionnels du petit éolien (AFPPE) et ancien professionnel du secteur. « Une étude commandée par la Commission européenne vient même de conclure qu’il n’y a pas de développement possible de l’éolien en ville. Le gisement y est bien trop faible. Il est en plus traversé de turbulences. Et si vous voulez le mesurer, cela coûte plus cher que la machine que l’on installerait éventuellement ensuite. »
15 000 euros pour une éolienne qui ne tourne pas
Les entreprises vendeuses d’éoliennes domestiques démarchent pourtant essentiellement en milieu urbain, dans les banlieues et lotissements, ignorant (ou faignant d’ignorer) ces évaluations... L’entreprise Planétair 35 affirme qu’une petite éolienne peut fournir jusqu’à 10 000 kWh par an ! Et qu’elle produit de l’énergie avec des vents inférieurs à 10 km/h. « A 10 km/h, l’éolienne démarre. Il n’y a donc pas grand chose en terme d’énergie, rectifie Jean-Marc Noël. Chez les Anglais, qui ont une longueur d’avance sur nous dans le domaine des petites éoliennes, on considère que la vitesse moyenne du vent pour installer une machine doit être de 40 km/h. » Contacté par Basta !, l’entreprise Optim’éo assure n’avoir rien à dire sur le sujet, et que « tout va bien ». Sur la nécessité ou non de faire une évaluation préalable du « gisement » de vent, l’interlocuteur a carrément affirmé : « Il est inutile de faire une étude ». Étude qui risquerait sans doute d’empêcher l’entreprise d’empocher quelques milliers d’euros en vendant une éolienne inutile...
Econhoma, autre société citée par plusieurs particuliers bernés, et partenaire des émissions télévisées D&CO sur M6 ou Tous Ensemble sur TF1 (et même de la fondation Good Planet de Yann Arthus-Bertrand !), n’a pas souhaité répondre à nos questions. Nous aurions pourtant aimé savoir comment leur « éco-brigade » s’y prend pour installer des éoliennes qui produisent « de l’électricité gratuite au moindre souffle de vent ». La « gratuité » étant toute relative, puisque les installations coûtent en moyenne 15 000 euros. « Mais cela varie beaucoup selon la tête du client, remarque un conseiller Info énergie. Cela va de 7000 à 19 000 euros, pour le même matériel. » Un témoin rapporte avoir payé 15 000 euros son éolienne qui ne tourne pas. Au bout de 120 mois de traite, avec les intérêts bancaires, elle lui aura coûté… 24 000 euros ! Les banques partenaires des entreprises (Financo, Domofinance, Solféa... ) se sucrant évidemment au passage. Ce type d’éolienne coûte pourtant moins de 1000 euros en sortie d’usine !
Des installations illégales
« Au mieux, ces éoliennes ne marchent pas. Mais au pire, elles s’écrasent », renchérit Jean-Marc Noël, de l’Association française des professionnels du petit éolien. Et emportent avec elles une partie des murs ! « Dans mon bureau des pleurs, j’ai aussi une personne dont une partie du toit a été arrachée. Les murs d’une maison sont faits pour supporter des efforts verticaux et en aucun cas horizontaux ». L’AFPPE déconseille simplement de fixer une éolienne au bâti. « Pour la simple raison que celui-ci n’a pas été conçu pour ça ! »
Ajoutons que nombre de ces éoliennes de pignon sont illégales. Posée sur un mât en deçà de 12 mètres, une éolienne domestique n’a pas besoin de permis. Mais accrochée à une maison, elle doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la mairie. Personne ne le fait. C’est même un argument de vente : « Ne nécessite pas de permis de travaux », prétend ainsi le site internet d’Optim’éo. Exit aussi le passage du professionnel qui doit vérifier la conformité de l’installation et du branchement. « Le raccordement au réseau de distribution doit obligatoirement faire l’objet d’une demande de convention d’exploitation auprès du gestionnaire du réseau ERDF, afin de garantir la sécurité des intervenants sur le réseau », précise l’AFPPE.
Malgré tout, ces éoliennes bénéficient d’un crédit d’impôt (jusqu’à 40% du prix d’achat). Un financement public au bénéfice d’entreprises peu recommandables... À côté de ces arnaques, il reste toujours très compliqué de faire installer une éolienne domestique à plus de 12 mètres. Seule garantie, pourtant, qu’elle soit vraiment efficace. Certaines agences régionales de santé demandent des compléments d’infos sur le bruit. L’instruction des permis de construire est longue et fastidieuse. « C’est tout juste si on installe pas une centrale nucléaire ! », ironise un artisan du secteur. Le risque est grand que les particuliers perdent confiance dans cette source d’énergie, comme pour le photovoltaïque. La France va-t-elle persévérer dans le non-développement des énergies renouvelables ?
Nolwenn Weiler
Photos : DR
Patrice Filly rejoint ainsi la triste cohorte des arnaqués du petit éolien, de plus en plus nombreux. « Depuis que le crédit d’impôt pour le photovoltaïque a diminué, les entreprises spéculatrices se sont rabattues sur le petit éolien », remarque un conseiller d’un espace Info énergie, mis en place par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et les collectivités locales pour sensibiliser et informer le grand public. « Ils prennent les gens par les bons sentiments : qui peut être contre les énergies renouvelables ? Et puis une petite éolienne, c’est sympathique, c’est pittoresque », poursuit Franck Turlan, du Site expérimental pour le petit éolien national (Sepen). À ce capital sympathie, s’ajoute une véritable méconnaissance. « Tout le monde sait ce que sa voiture consomme, et combien cela coûte, en gros, avance Frédéric Boutet, artisan électricien. Mais en matière de production et de consommation d’électricité, les gens n’y connaissent rien. »
Des promesses de production mensongères
Calculs faits, Patrice Filly s’est rendu compte que pour atteindre les 700 euros d’économies promis, il aurait fallu que son éolienne de 700 watts tourne et produise de l’électricité pendant 10 000 heures ! Soit plus que n’en compte une année. « L’occasion était trop belle. C’était évident. Nous étions quelques uns à voir venir tout cela. Nous avons tenté de sonner l’alerte, en vain, » tempête Franck Turlan, qui se désole de cette très mauvaise publicité faite à une ressource pourtant prometteuse. « Il y a un vrai gisement pour le petit éolien en France. On pourrait produire des mégaWatts chaque année ! Mais plutôt en milieu rural, dans une zone dégagée, et en plaçant les éoliennes là où souffle le vent, c’est-à-dire assez haut, une vingtaine de mètres environ. » Dans une telle configuration, et avec une machine de 2kW, on peut espérer une production d’environ 3000 kWh par an. Sachant qu’une famille de quatre personnes consomme en moyenne 4000 kWh par an, hors chauffage et eau chaude sanitaire.
Les promesses d’autonomie avec une « éolienne de pignon », comme on les appelle, sont donc de vrais mensonges. « De toute façon, en ville, il n’y a pas assez de vent », résume simplement Jean-Marc Noël, président de l’Association française des professionnels du petit éolien (AFPPE) et ancien professionnel du secteur. « Une étude commandée par la Commission européenne vient même de conclure qu’il n’y a pas de développement possible de l’éolien en ville. Le gisement y est bien trop faible. Il est en plus traversé de turbulences. Et si vous voulez le mesurer, cela coûte plus cher que la machine que l’on installerait éventuellement ensuite. »
15 000 euros pour une éolienne qui ne tourne pas
Les entreprises vendeuses d’éoliennes domestiques démarchent pourtant essentiellement en milieu urbain, dans les banlieues et lotissements, ignorant (ou faignant d’ignorer) ces évaluations... L’entreprise Planétair 35 affirme qu’une petite éolienne peut fournir jusqu’à 10 000 kWh par an ! Et qu’elle produit de l’énergie avec des vents inférieurs à 10 km/h. « A 10 km/h, l’éolienne démarre. Il n’y a donc pas grand chose en terme d’énergie, rectifie Jean-Marc Noël. Chez les Anglais, qui ont une longueur d’avance sur nous dans le domaine des petites éoliennes, on considère que la vitesse moyenne du vent pour installer une machine doit être de 40 km/h. » Contacté par Basta !, l’entreprise Optim’éo assure n’avoir rien à dire sur le sujet, et que « tout va bien ». Sur la nécessité ou non de faire une évaluation préalable du « gisement » de vent, l’interlocuteur a carrément affirmé : « Il est inutile de faire une étude ». Étude qui risquerait sans doute d’empêcher l’entreprise d’empocher quelques milliers d’euros en vendant une éolienne inutile...
Econhoma, autre société citée par plusieurs particuliers bernés, et partenaire des émissions télévisées D&CO sur M6 ou Tous Ensemble sur TF1 (et même de la fondation Good Planet de Yann Arthus-Bertrand !), n’a pas souhaité répondre à nos questions. Nous aurions pourtant aimé savoir comment leur « éco-brigade » s’y prend pour installer des éoliennes qui produisent « de l’électricité gratuite au moindre souffle de vent ». La « gratuité » étant toute relative, puisque les installations coûtent en moyenne 15 000 euros. « Mais cela varie beaucoup selon la tête du client, remarque un conseiller Info énergie. Cela va de 7000 à 19 000 euros, pour le même matériel. » Un témoin rapporte avoir payé 15 000 euros son éolienne qui ne tourne pas. Au bout de 120 mois de traite, avec les intérêts bancaires, elle lui aura coûté… 24 000 euros ! Les banques partenaires des entreprises (Financo, Domofinance, Solféa... ) se sucrant évidemment au passage. Ce type d’éolienne coûte pourtant moins de 1000 euros en sortie d’usine !
Des installations illégales
« Au mieux, ces éoliennes ne marchent pas. Mais au pire, elles s’écrasent », renchérit Jean-Marc Noël, de l’Association française des professionnels du petit éolien. Et emportent avec elles une partie des murs ! « Dans mon bureau des pleurs, j’ai aussi une personne dont une partie du toit a été arrachée. Les murs d’une maison sont faits pour supporter des efforts verticaux et en aucun cas horizontaux ». L’AFPPE déconseille simplement de fixer une éolienne au bâti. « Pour la simple raison que celui-ci n’a pas été conçu pour ça ! »
Ajoutons que nombre de ces éoliennes de pignon sont illégales. Posée sur un mât en deçà de 12 mètres, une éolienne domestique n’a pas besoin de permis. Mais accrochée à une maison, elle doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la mairie. Personne ne le fait. C’est même un argument de vente : « Ne nécessite pas de permis de travaux », prétend ainsi le site internet d’Optim’éo. Exit aussi le passage du professionnel qui doit vérifier la conformité de l’installation et du branchement. « Le raccordement au réseau de distribution doit obligatoirement faire l’objet d’une demande de convention d’exploitation auprès du gestionnaire du réseau ERDF, afin de garantir la sécurité des intervenants sur le réseau », précise l’AFPPE.
Malgré tout, ces éoliennes bénéficient d’un crédit d’impôt (jusqu’à 40% du prix d’achat). Un financement public au bénéfice d’entreprises peu recommandables... À côté de ces arnaques, il reste toujours très compliqué de faire installer une éolienne domestique à plus de 12 mètres. Seule garantie, pourtant, qu’elle soit vraiment efficace. Certaines agences régionales de santé demandent des compléments d’infos sur le bruit. L’instruction des permis de construire est longue et fastidieuse. « C’est tout juste si on installe pas une centrale nucléaire ! », ironise un artisan du secteur. Le risque est grand que les particuliers perdent confiance dans cette source d’énergie, comme pour le photovoltaïque. La France va-t-elle persévérer dans le non-développement des énergies renouvelables ?
Nolwenn Weiler
Photos : DR
jeudi 27 septembre 2012
En sortir par Frédéric Lordon
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mercredi 26 septembre 2012, par Frédéric Lordon
Il faut lire le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Il faut le lire non pas tant pour en découvrir les dispositions puisque celles-ci ont déjà fait l’objet d’abondantes présentations, mais pour être frappé par sa langue. Terrible novlangue où les grands principes des considérants, supposés apporter à un texte le souffle d’une vision historique, ne sont plus qu’une écœurante bouillie, où l’idéologie à peine travestie et présentée comme force d’évidence – « les parties contractantes tenant compte du fait de la nécessité de maintenir des finances publiques saines et soutenables » (le fait de la nécessité dont nous sommes bien obligés de tenir compte…) – le dispute au contentement répugnant – « se félicitant des propositions législatives formulées le 23 novembre 2011 » –, à l’imposition sans fard – « rappelant la nécessité d’inciter et au besoin de contraindre les Etats membres en déficit excessif » –, ou au mensonge pur et simple, presque rigolard – « désireuses de favoriser les conditions d’une croissance économique » –, il faut lire ce texte, donc, pour se faire une idée assez exacte d’où en est la politique en Europe et de ce qu’elle n’hésite pas à faire prétendument en notre nom.
Il faut le lire aussi pour y trouver quelques perles encore mal aperçues comme ces délicieux articles 7 et 8, le premier forçant les « parties contractantes » au soutien obligatoire de la Commission quand elle met un pays à l’index et lui impose la purge (« les parties contractantes s’engagent à appuyer les propositions ou recommandations soumises par la Commission européenne lorsque celle-ci estime qu’un Etat membre de l’Union ne respecte pas le critère du déficit ») [1], le second, encore meilleur, instituant la délation entre les Etats-membres : « Lorsqu’une partie contractante estime indépendamment du rapport de la Commission qu’une autre partie contractante n’a pas respecté [le critère de déficit structurel], elle peut saisir la Cour de justice de cette question » (Art.8.1) ; « lorsque sur la base de sa propre évaluation ou de celle de la Commission une partie contractante considère qu’une autre partie contractante n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice visé au paragraphe 1 (précédent), elle peut saisir la Cour de justice et demander que des sanctions financières soient infligées ». Et l’on voit d’ici l’excellente ambiance que ces petites lignes vont répandre dans la chose qui se dit encore « Union » européenne : de sa seule initiative et d’après ses seules évaluations, un Etat-membre pourra en balancer un autre auprès de la Cour de justice (CJUE) s’il estime que cet autre, insuffisamment orthodoxe, ne s’est pas assez « structurellement ajusté », puis demander à cette même Cour de le pénaliser financièrement s’il continue de regimber. Le pire est que dans l’atmosphère particulièrement amicale qui règne ces temps-ci dans la Désunion européenne, on n’aura aucun mal à trouver une balance pour faire le sale boulot de saisine de la CJUE dont, soit dit en passant, la Commission se lave courageusement les mains.
Il y a bien sûr celui, le plus visible, économique, de la restriction budgétaire – quelle bonne idée au bord de la dépression –, avec ses astucieuses innovations. L’objectif de solde structurel d’abord, introduit par le vertigineux article 3, alinéa 1-a : « La situation budgétaire d’une partie contractante est en équilibre ou en excédent », formidable énoncé qui, à l’indicatif, ne formule même pas un objectif ou un devoir-être, mais un simple état de fait – « le budget est en équilibre (ou en excédent) » –, sans doute identique en droit à une loi de la physique ou au simple constat que le ciel est bleu, sans la moindre réserve de modalité, un pur « c’est ainsi », emportant que ça ne saurait être autrement et que si, par impossible, « ça » venait à être autrement, on passerait tout de suite à l’article 3.1-b (mise en examen, ajustement automatique, dénonciation à la CJUE, pénalités financières) pour que soit aussitôt restauré le règne de la normale, de la nature, de l’ordre de la nature – étrangement consacré par voie de traité… Derrière ce morceau totalement baroque, il y a toute l’incertaine macroéconomie des « soldes structurels ». Très simple à définir vu de loin – le solde structurel est le déficit que l’on constaterait si l’économie était au plein emploi des capacités de production [4] –, le critère TSCG est redoutablement insaisissable quand il s’agit de l’évaluer de près. C’est que, par définition, il ne procède pas d’une mesure statistique directe mais d’une sorte d’expérience de pensée passant par une simulation modélisée avec toutes ses conventions – et par conséquent son arbitraire.
Le Wall Street Journal, peu suspect d’être un agent du laxisme budgétaire, ironise sur la divergence des estimations d’écart conjoncturel (la différence entre le déficit courant et le déficit structurel) rendues à propos des finances publiques étasuniennes respectivement par la Commission européenne (qui s’occupe généreusement des autres) et le Congressional Budget Office (CBO), la commission parlementaire vigie des finances publiques US. Là où le CBO (qui n’est pas non plus un organe de la révolution) évalue l’écart conjoncturel étasunien à 5,3 points de PIB, la Commission et ses méthodes ne voient qu’un ridicule 0,5 % [5] – soit tout de même une différence du simple au décuple… Aussi cette malencontreuse boulette a-t-elle la propriété de mettre en évidence que derrière leurs prétentions de parfaite objectivité, les partis pris « métriques » de la Commission tendent à systématiquement minimiser l’écart conjoncturel, c’est-à-dire à proclamer que la presque totalité du déficit est du déficit structurel – à réduire à la schlag, ce qu’il fallait démontrer. Nous tolérerons les déficits conjoncturels, jure le TSCG… sauf que les biais délibérés de ses méthodes de calcul attestent déjà que jamais elles ne détecteront de déficit susceptible d’être qualifié de conjoncturel…
Les européistes, experts et journalistes de service, diront que tout ceci est très exagéré : n’y a-t-il pas le mirifique article 13, corne d’abondance démocratique qui autorise les parlements nationaux et le Parlement européen « à défini(r) ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence (…) afin de débattre des politiques budgétaires ». Soulagement général : une conférence est non seulement prévue, mais « organisée » et « promue », et l’on pourra y « débattre » : qui pourra dire sans une mauvaise foi honteuse que l’exercice de la souveraineté démocratique n’est pas la priorité des priorités de l’Union européenne ?
Maintenant il est plus que temps d’en finir. Les grands malades, les demi-pleutres et les complets ralliés (socialistes) qui nous gouvernent en nous précipitant dans la dépression et dans une forme douce, juridiquement correcte, de dictature financière – car il faut tout de même le faire d’inscrire un principe de politique économique, qui plus est aussi inepte que la règle d’or, dans des normes juridiques quasi-constitutionnelles [6] ! – cette clique au service de la rente financière, le sachant ou non (le pire étant bien sûr quand elle ne le sait pas), n’en démordra pas, n’en démordra plus. Et ceci d’autant moins que, l’esprit traversé, alors qu’il était moins une, par une rationalité élémentaire de persévérance, la Banque centrale européenne (BCE) a fini par se décider à faire ce qu’appelait à très court terme la survie pure et simple de l’euro – et la sienne propre [7] ! La manœuvre est doublement gagnante puisque ce faisant, elle stabilise les marchés obligataires où se totalisaient toutes les contradictions de la politique économique européenne, et met fin, mais sans doute pour un petit moyen terme seulement, à l’incendie spéculatif qui les exprimait.
La face sombre de cette temporaire réussite est qu’il ne faut plus compter, tant qu’elle produira ses effets, sur l’explosion en vol vers quoi la monnaie unique se dirigeait à grande allure. Or l’effondrement endogène de la construction monétaire européenne, croulant sous le simple faix de ses propres contradictions, était finalement pour les populations européennes la voie de sortie la plus probable. Et la voilà temporairement fermée – temporairement puisqu’il est bien entendu que l’intervention de la BCE ne règle rien de fondamental [8]. Privées de la paradoxale providence du collapsus financier, les populations ne peuvent plus compter que sur elles mêmes pour secouer le joug, à l’image du premier pas des Portugais descendus par centaines de milliers dans les rues pour défaire le tour de vis de trop [9].
Mais pour faire quoi ? Pour organiser la paradoxale providence si elle ne vient pas toute seule ! C’est-à-dire forcer au défaut.
Or le problème se trouve moins dans les flux que dans les stocks. On rappellera tout de même que la dette publique espagnole passe de 36,1 points de PIB en 2007… à 68,5 en 2011 – multipliée par deux. Celle de l’Irlande, de 25 à 108 % sur la même période – multipliée par quatre, qui dit mieux ! On défendra difficilement la thèse qu’Espagnols, ou Irlandais se sont jetés frénétiquement sur les médicaments ou bien ont décidé de partir en retraite à 40 ans (comme les traders, au passage) : c’est le désastre de systèmes bancaires irresponsables qu’ils ont sur les bras. La France, dont la dette passe de 63,8 % de PIB à 85,8 %, le Portugal de 62,7 % à 107,8 % [10], payent eux aussi les dégâts de la finance, mais indirectement et par récession de credit crunch interposée – faut-il redire que tout ceci a commencé avec la crise des subprime en 2007-2008 et que, médiatement ou immédiatement, les populations européennes éclusent les petits désastres de la finance privée (que l’Union a si gentiment déréglementée pour elles) ? De tout ce surplus de dette, indiscutablement né de la crise financière, il faut dire que nous ne sommes pas comptables. Et par conséquent que nous ne le payerons pas.
Le paysage de la politique économique, notamment budgétaire, ne commencera à changer vraiment qu’avec, oui, des taux d’intérêt souverains équivalents à ceux que les banques centrales accordent gracieusement aux banques privées pour les tenir à bout de bras, mais surtout avec 20 à 40 points de PIB de dette publique en moins. Il est vrai que pour que ce paysage-là change ainsi, il faudra préalablement en avoir chamboulé un autre, celui de l’Union européenne elle-même. Mais tout ça va du même pas en vérité puisqu’il suffirait d’annoncer le refus d’« honorer » tout ou partie de la dette publique pour qu’aussitôt explosions financière, monétaire et institutionnelle s’entraînent l’une l’autre. C’est bien là le genre d’idée propre à dégonder les amis de l’Europe (telle qu’elle est), qui hurleront à l’insanité mentale, peut-être au nihilisme des irresponsables attachés à tout détruire. Pour ne rien leur cacher, sinon tout détruire, du moins détruire tout ça, c’est en effet un peu le but de la manœuvre…
Car à la fin, il faut avoir un peu de suite dans les idées et, si ça n’est pas trop demander, procéder logiquement. En l’occurrence, la prémisse réside dans le constat que nous vivons une de ces époques historiques de surendettement généralisé – et passons sur le fait que ce surendettement de tous les agents (ménages, institutions financières, Etats) est le produit même du néolibéralisme… – : les ménages se surendettent sous l’effet de la compression salariale ; les banques se surendettent pour tirer, par « effet de levier », le meilleur parti des opportunités de profit de la déréglementation financière ; les Etats se surendettent par abandon de recettes fiscales sous le dogme de la réduction des impôts (pour les plus riches). De cet énorme stock de dette, il va bien falloir se débarrasser. Or la chose ne peut se faire que selon deux options : soit en préservant les droits des créanciers – l’austérité jusqu’à l’acquittement du dernier sou –, soit en allégeant le fardeau des débiteurs – par l’inflation ou le défaut. Nous vivons à l’évidence en une époque qui a choisi de tout accorder aux créanciers. Que pour leur donner satisfaction il faille mettre des populations entières à genoux, la chose leur est indifférente. C’est à cette époque qu’il faut mettre un terme.
Changer d’époque suppose en premier lieu d’affirmer le droit des « débiteurs » à vivre dignement contre celui des créanciers à l’exaction sans limite. Seuls les fétichistes du droit des créanciers pourront s’insurger qu’on y attente, en tout cas qu’on lui en oppose un autre, pas moins légitime, et même beaucoup plus si l’on se souvient des origines de la dette. Où le parti pris acharné des créanciers nous conduit, nous ne le savons maintenant que trop. L’alternative est donc simplissime : ou bien nous poursuivons dans cette voie, par ailleurs exposée à la perspective d’un échec macroéconomique très probable, ou bien nous choisissons le parti inverse, celui des corps sociaux.
Bien sûr, après la décision de la BCE et la garantie de taux « raisonnables », le cartel orthodoxe croit plus que jamais possible de faire suer le burnous aux populations pour leur faire tout payer rubis sur l’ongle, quitte à ce qu’il y faille une décennie ou deux. Mais outre les incertitudes proprement économiques dont ce pari se trouve grevé, l’histoire atteste abondamment que vient un moment où la bête débitrice n’en peut plus et se libère de sa servitude d’un geste souverain qui envoie les créanciers au diable. C’est bien ce qui se joue avec Syriza en Grèce, comme avec tous les mouvements sociaux en Espagne ou ailleurs.
Y compris les banques centrales, dont les demi-habiles prophétisent déjà bruyamment la perte : d’une part la BCE s’est chargée de titres souverains avec le SMP [11] de 2011 (et promet de le faire plus encore par son programme OMT [12]), d’autre part le système TARGET 2 des règlements internes à l’eurosystème de banques centrales accuse des soldes polarisés, avec une Bundesbank très créditrice et les banques centrales des Etats en difficulté très débitrices. Que le défaut souverain se prolonge ou non en défauts internes à TARGET 2, le système européen de banques centrales encaissera un rude coup. Les faux clairvoyants vaticinent déjà à la possible disparition des fonds propres de la BCE et à la nécessité de la faire recapitaliser par les Etats actionnaires – « au bon soin du contribuable » n’omettent-ils pas d’ajouter pour frapper un peu plus d’horreur les esprits.
La vérité est qu’il n’en est rigoureusement rien. Il faut avoir soit l’idéologie monétariste, soit l’insuffisance conceptuelle, chevillées au corps pour soutenir qu’une banque centrale puisse faire faillite, et même doive être recapitalisée, thèse parfaitement inepte qui témoigne d’une incompréhension profonde de ce qu’est vraiment cette institution, absolument dérogatoire du droit économique commun. Créatrice souveraine et ex nihilo de la base monétaire – la forme supérieure de la monnaie – adossée à son pouvoir entièrement symbolique de faire accepter son signe, la banque centrale peut faire des pertes comptables mais sans aucune incidence au regard de sa propre économie institutionnelle puisqu’elle peut tout simplement monétiser ses pertes et s’autorecapitaliser par création monétaire.
Bien sûr il en résulte une augmentation de la masse monétaire puisque les dettes correspondantes, annulées, ne passeront pas par le moment de destruction monétaire de leur remboursement. Et alors ? Contrairement à ce que croient les illuminés du monétarisme, la création monétaire, même très importante, n’est nullement vouée à dégénérer par essence en inflation : on ne sache pas, par exemple, que le doublement du passif de la Réserve fédérale (Fed) ait porté les Etats-Unis au bord de l’hyperinflation… Et, s’il est vrai que la Banque centrale aura un moment délicat à négocier quand toutes ces (ses) liquidités se redéverseront des banques privées (où elles restent entassées) vers l’économie réelle, la politique monétaire n’en est pas moins réversible, et un bon timing de stérilisation permettra de reprendre l’excès de liquidité.
Seuls donc ceux qui ont envie de s’inquiéter – ou intérêt à le faire – s’inquiéteront. A la rigueur, ils feraient mieux de réserver leurs angoisses aux institutions financières privées. Pour le coup, celles-ci vont déguster. Disons les choses sans détour : un défaut simultané de plusieurs « grands » Etats membres (entendre à fort encours de dette), les mettra par terre – à l’image exactement de ce qui s’est passé en 2008 avec Lehman Brothers mais avec des titres souverains en lieu et place des actifs dérivés de subprime. Faire remonter l’horloge de la dette publique à 2007 aurait ainsi pour effet d’effacer d’un coup dans les bilans des créanciers 79 milliards d’euros au titre du Portugal, 122 pour l’Irlande, 355 pour l’Espagne, 509 pour la France [13]… pour ne rien dire d’un défaut qui n’aurait pas la courtoisie de se contenter de ce retour en arrière limité et profiterait de l’occasion pour faire plus nettement table rase. Banques privées, fonds de pension, assurances, avec en prime bien sûr toutes leurs interactions systémiques médiatisées par les liens de contreparties et de crédit : le carnage promet d’être à grand spectacle. Et sans rémission possible venue de quelque Etat secourable puisque, précisément, c’est le défaut des Etats, ruinés, qui aura été le fait générateur.
Au prix sans doute d’attrister le Parti de la Concorde Universelle, il faut donc rappeler qu’un ordre de domination ne cède que renversé de vive force. Ce peut-être d’abord, dans l’ordre d’un arsenal de riposte bien graduée, la force de la ruine financière. C’est précisément ce dont il est question dans le projet de faire du défaut une arme politique. Tous ces messieurs de la finance et leurs imposantes institutions y finiraient immanquablement en guenilles. C’est-à-dire adéquatement « préparés » pour être aussitôt ramassés à la pelle et au petit balai. Rappelons que des banques faillies sont par définition des banques qui ne valent plus rien, des entreprises dont la valeur financière est tombée à zéro. C’est précisément à ce prix que la puissance publique se proposera alors de les récupérer – et voilà que l’indispensable nationalisation, premier pas (et sûrement pas le dernier ! [14]) pour mettre enfin un terme au désordre de la finance libéralisée, ne nous coûtera même pas le taxi pour renvoyer les banquiers à une retraite précoce, sans chapeau, bonus ni stock-options (mais grosse décote), faut-il le dire.
Mais que faut-il entendre par « la puissance publique » préposée à cette opération, ou plus exactement quelle pourrait être sa capacité financière ? L’Etat n’est-il pas ruiné, par construction même de ce scénario ? Seul le lavage de cerveau à grande eau libérale a pu nous faire croire que la personnalité financière de la puissance publique s’épuise dans l’Etat fiscal – alors qu’elle inclut notoirement la banque centrale. C’est donc à elle, évidemment reprise en main par le pouvoir souverain, qu’il appartiendrait de rattraper le déséquilibre délibérément organisé par le défaut. D’une part, mais à la manière dont la BCE et la Fed agissent déjà, en octroyant de très amples concours au secteur bancaire pour le maintenir dans la liquidité (éventuellement en admettant temporairement à ces concours certaines institutions financières non bancaires). D’autre part en se chargeant de l’apurement des pertes et de la recapitalisation nécessaires au redémarrage des opérations bancaires ordinaires – évidemment redéfinies sur des bases toute nouvelles, dont les activités spéculatives seraient exclues.
Reste la question des dépôts et des épargnes du public. Il va sans dire que les dépôts à vue et les épargnes-livrets doivent être garantis à concurrence du plafond légal. Et les portefeuilles de titres ? Les rapports financiers dont ils sont la matérialisation sont par définition maintenus quand bien même les institutions custodian [15] font faillite. Sauf, premièrement, quand ces titres sont des actions des institutions financières faillies elles-mêmes, puisque leur propriété financière privée aura été annulée. Et bien sûr, deuxièmement, quand il s’agit des titres souverains en défaut. Il faut bien voir que, par contrats d’assurance-vie, SICAV variées et PEA interposés, ces deux annulations auront de sérieux effets sur les patrimoines des particuliers. Mais d’une part l’ampleur de ces effets est indexée sur le degré de fortune des particuliers en question, de sorte que ces pertes, frappant surtout les plus riches, ont spontanément d’assez bonnes propriétés de justice sociale. Et d’autre part il est tout à fait possible d’envisager un mécanisme de compensation des pertes mêlant conditions de ressource et plafonds de garantie variés.
Or, rappelé que la création monétaire n’a rien d’inflationniste par soi, « intervention monétaire décisive » ne veut pas nécessairement dire d’ampleur. La restauration des dépôts par exemple ne nécessite a priori aucune création monétaire particulière : les dépôts sont inscrits au passif des banques et ils y restent. Comme toujours la seule contrainte demeure celle de la liquidité, à savoir celle de servir les déposants en monnaie lorsque ceux-ci veulent faire des retraits. On dira que ce sera précisément le cas au moment où le système bancaire traversera cette énorme turbulence, très propice en tant que telle à déclencher un mouvement de run. Mais un run peut être contrecarré de deux manières. Premièrement en affirmant haut et clair la garantie par la Banque centrale de la liquidité des banques de second rang, donc leur capacité à faire face à tous leurs engagements, y compris les retraits. Un run n’est jamais nourri que par la propagation d’un soupçon d’incapacité des banques à faire face à l’obligation de convertibilité des dépôts, c’est-à-dire un soupçon d’illiquidité. Ce soupçon fermement écarté par une garantie de la Banque centrale, le run s’éteint de lui-même : les déposants rassurés ne se ruent pas, les banques n’ont à faire face à aucun choc de trésorerie, et la croyance en leur liquidité s’autoréalise.
En vérité la crainte de l’illiquidité n’est pas le seul mobile susceptible de déclencher un run : on y trouve aussi les arbitrages des plus fortunés pour maintenir le pouvoir d’achat international de leurs encaisses monétaires dans la perspective d’une forte dépréciation de la monnaie nationale. Contre ces arbitrages-là, et aussi parce que les mouvements de panique peuvent être irrésistibles au plus chaud d’une transition critique, il faudra sans doute mettre en place un dispositif temporaire de type corralito, c’est-à-dire une restriction de l’accès des déposants à leurs fonds. D’une manière plus générale d’ailleurs un contrôle des capitaux s’imposera beaucoup plus largement, d’une part pour entamer la déconnexion du système bancaire national refondé d’avec les marchés de capitaux internationaux, d’autre part pour éviter que le taux de change ne connaisse une trop importante plongée, en troisième lieu pour interdire la fuite à l’étranger du cash des entreprises.
Le gros du problème – comme toujours – tient aux banques, qui vont se retrouver dans une situation d’actif net très négatif (de passif net très positif) avec un impact redoutable sur leur cash flow. Comme toute entreprise, une banque a contracté un certain passif, c’est-à-dire de ressources génératrices d’engagements à payer – des dividendes quand ces ressources sont des fonds propres, des intérêts quand elles sont des dettes – avec lesquelles elle a financé des actifs supposés générateurs de recettes. Or la « grande bifurcation » entraînera une contraction massive de l’actif, directement : par le fait même de l’annulation des titres souverains dont la banque est détentrice, et aussi sans doute indirectement : par la dévalorisation de bon nombre d’autres actifs financiers corrélative de l’état de chaos des marchés qui suivra inévitablement une vague de défauts souverains. Contraction des flux reçus du côté de l’actif avec persistance des engagements à payer du côté du passif [16], l’effet ciseau est voué à laminer le cash flow de la banque, c’est-à-dire sa capacité interne à dégager les moyens de financer son activité ordinaire. Restaurer la situation de cash flow des banques, c’est-à-dire leur aptitude à opérer « normalement », suppose de réduire le déséquilibre actif-passif – et, en l’absence d’un Etat recapitalisateur, la question est de savoir quelle est la part de cet ajustement que l’intervention monétaire de la Banque centrale aurait à prendre à sa charge.
A l’image de la solution vigoureusement pratiquée par l’Islande, l’ajustement en question peut d’abord passer par la dénonciation des passifs bancaires non-résidents : les banques françaises refuseront donc d’« honorer » le service des créances acquises sur elles par les investisseurs internationaux. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il s’agira moins d’un acte agressivement unilatéral que d’une mesure élémentaire de survie que toutes les banques de tous les pays seront appelées à prendre dans un système bancaire mondial très probablement en voie de dislocation – et la simultanéité vaudra réciprocité…
On notera au passage qu’il n’est pas d’expérience de réalité plus décisive pour juger des prétentions de la « mondialisation irréversible » qu’une crise financière saignante, à l’occasion de laquelle les systèmes bancaires se rétractent spontanément sur des bases nationales – les banquiers les plus audacieusement mondialisés savent très bien dans ces cas-là où se rendre pour trouver leur salut : auprès de l’Etat, l’Etat ringard, l’Etat détesté, mais au guichet duquel ils accourent éperdus et chialant, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a personne d’autre auprès de qui quémander les mesures d’exception vitales. Que la finance se fragmente pour se recomposer dans le périmètre national, il n’y a que les amis de la mondialisation financière pour le déplorer, ou bien ceux qui ont l’internationalisme si égaré que la perte de n’importe quoi labellisé « international » les attriste, même quand il s’agit de la finance.
Les passifs bancaires non-résidents envoyés à dache, restent les passifs bancaires résidents. Pour l’essentiel, ce sont des passifs interbancaires, donc compensables – et cette logique de compensation pourra être étendue jusqu’aux institutions financières non bancaires (en incluant notamment les compagnies d’assurance). Seul le passif interbancaire net aura donc à être refinancé et c’est cette part que la banque centrale prendra en charge jusqu’à son extinction [17].
Cette intervention monétaire sera d’autant moins ample que la restauration de la situation de cash flow des banques ne visera plus que l’adaptation à un périmètre d’opérations bancaires ordinaires considérablement réduit. Il ne sera évidemment plus question que les banques fassent autre chose que du crédit à l’économie, et tout le chancre de leurs activités spéculatives, fort gourmandes en passifs, ne sera plus qu’un souvenir. La création monétaire de compensation n’aura pas davantage à se fixer des objectifs de ratio de capital semblables à ceux qui prévalent aujourd’hui. Les ratios de solvabilité n’ont leur importance présente qu’au regard d’un système bancaire privé actionnarial plongé dans des marchés de capitaux qui ont précisément élu ce paramètre comme l’un des critères d’après lesquels juger d’une banque comme débitrice ou contrepartie. Parce qu’il fait l’objet d’une polarisation interprétative de l’opinion financière, le ratio de solvabilité conditionne le rating des banques et leur accès aux marchés de gros du crédit, à part quoi il n’a aucune incidence sur leurs conditions d’opérations économiques. Mais c’est un tout autre modèle de financement des banques qui surgira de cette transition radicale, dans lequel les marchés de capitaux internationaux n’auront plus aucune part – et, donc, leurs indicateurs fétiches aucune importance.
La création monétaire qui accompagnera cette grande transformation sera donc limitée à trois emplois : premièrement le refinancement du passif interbancaire « netté » et la restauration de la situation de cash flow des banques ; deuxièmement la compensation, sous condition (de ressource et de plafond), des pertes patrimoniales des particuliers liées aux dettes souveraines (en défaut) et aux actions bancaires (annulées) qui entraient dans leurs comptes-titres – soit tout de même des montants limités – ; troisièmement le maintien plein et entier des nouvelles banques dans la liquidité… mais c’est cela même dont les banques centrales se chargent déjà à coup de trillions de dollars ou d’euros (LTRO) ! Qu’on ne vienne donc pas nous raconter que ce qui fait la grande satisfaction du capital financier aujourd’hui pourrait devenir une abomination monétaire demain.
Le désir européen qui ne désarme pas, comme celui d’Attac, continue de poursuivre une perspective politique dans laquelle les dix-sept, Allemagne incluse, feraient, bien coordonnés, un joli pas en avant pour engendrer la nouvelle Europe progressiste. La « croyance monétaire » allemande n’a aucun caractère d’essence, suggère cet argument, elle aussi peut être renversée ; derrière la sainte alliance des partis de droite, entendre par là les conservateurs de la CDU comme les sociaux-démocrates du SPD, parfaits équivalents en cela du duopole libéral français UMP-PS, la population accumule du mécontentement et commencera à ruer dans les brancards lorsque la récession finira par gagner l’Allemagne à son tour. A ce moment, la situation enfin mûre pour un grand aggiornamento doctrinal, l’Allemagne rejoindra le mouvement antilibéral des peuples européens pour enfin envoyer l’orthodoxie monétaire par-dessus les moulins.
Il y a malheureusement bien des raisons d’être sceptique à propos de ce scénario politique idéal – dont par ailleurs on partagerait volontiers la visée… si elle était atteignable. Il y a d’abord que, évidemment legs de l’histoire et non essence de la germanité, la croyance monétaire allemande n’en a pas moins, attesté par sa longévité même, le statut métapolitique d’une sorte de consensus national, sur fond duquel et dans le respect duquel ne se déploient qu’ensuite les différences politiques. C’est dire qu’il faudrait des dégâts économiques considérables, toujours possibles en principe mais d’une ampleur exceptionnelle, pour produire un commencement de remise en question en cette matière. Or, par sa position dans la division internationale du travail et sa politique structurelle de déflation salariale anti-coopérative, l’Allemagne sera le dernier pays touché par la récession et celui où, comparativement, les effets y seront les moins violents. La probabilité pour que le choc économique franchisse le seuil de déclenchement des remises en cause politiques est donc des plus faibles – et il faut imaginer l’état de destruction où en seraient alors les autres Etats européens : probablement tel que ces derniers auraient fait mouvement de longue date sans avoir gentiment attendu que l’Allemagne prenne son temps pour mûrir puis envisager de bouger…
Il y a aussi que la politique se fait avec les ressources qu’elle a sous la main. La ressource première du soulèvement transformateur, c’est la colère. Qui est en colère ? Qui descend dans la rue ? Qui exprime à une échelle significative le refus de l’ordre néolibéral ? Pas les Allemands. Pas encore objectera la thèse d’Attac. Sans doute, mais l’objection va finir par ressembler étrangement aux éternelles promesses de la gauche de droite : « il faut voter (respectivement attendre) pour faire progresser l’Europe malgré tout et avoir l’Europe sociale plus tard (respectivement pour faire mûrir la prise de conscience allemande… et avoir l’Europe sociale plus tard), appels à la patience qui, si politiquement opposés soient-ils, ne sont simplement plus tenables. S’il faut le moyen ou le long terme pour que le corps social allemand, qui part de beaucoup plus loin, fasse éventuellement le chemin de la révision monétaire, la réponse est que nous n’avons plus le temps d’attendre – toujours cette indéfectible bonne vieille idée keynésienne que dans le long terme nous serons tous morts…
Pour l’heure ce sont les Grecs, les Espagnols, les Italiens, les Portugais qui descendent dans la rue – et les Français qui les rejoindront s’ils arrivent à surmonter l’espèce de stupéfaction anesthésique qui leur interdit d’habitude tout mouvement social d’ampleur quand la « gauche » est au pouvoir (et que ses auxiliaires syndicaux veillent à ne surtout rien déclencher de fâcheux). Le mobile des solidarités internationalistes existe surtout dans les têtes des élites intellectuelles internationalistes. La pratique est sensiblement différente – moins reluisante si l’on veut : on commence d’abord par manifester pour soi, et l’on constate ensuite d’éventuelles solidarités de situation.
A la question « avec qui ? », la réponse, toute prosaïque, est donc : on verra ! Pour l’heure en tout cas, se mettront en mouvement ceux qui veulent et ceux qui peuvent. C’est à l’usage et en route que se dessinera le périmètre d’un possible regroupement de nations désireuses de refaire monnaie unique mais hors de l’orbite du capital financier. Dans le court terme de la colère et sous l’évidence réaliste des mobiles d’abord égocentriques de la protestation – dont aucun sermon à base de moraline solidariste ne viendra jamais à bout –, ce sont d’abord des projets à base nationale qui se manifesteront et pour une raison très simple : l’existence de structures institutionnelles déjà là, aussi bien en matière politique – il y a déjà une constitution et un parlement – que monétaire – il y a déjà une Banque centrale, en attente d’être réarmée – est un attracteur ultra-puissant. C’est qu’il est d’une rustique et raisonnable logique de chercher à agir là où existent déjà les moyens d’agir…
Rien de tout ceci pourtant n’exclut que l’exemple d’un pays plus décidé que les autres et faisant mouvement avant les autres, donc par construction armé d’un projet d’abord propre, ne fasse tache d’huile en donnant des idées aux peuples d’à-côté. Car, oui, il y a quelques raisons de penser que le mouvement unilatéral de l’un des peuples européens, résolu, sans attendre et pour son propre compte, à tout envoyer cul par-dessus tête, fait partie de ces spectacles aux puissantes propriétés d’émulation, très susceptibles de répandre l’envie d’imiter – et peut-être de la donner jusqu’aux Allemands, qui sait ? C’est alors, mais alors seulement, que se construiraient, en chemin, les solidarités d’un internationalisme concret, donc viable.
A la question « quoi faire ? », la réaction, pour sa part, continue d’apporter ses sempiternelles rengaines. Quoi faire ? La même chose ! « Il faut engranger tous les progrès même quand ils sont modérés pour construire les conditions des grandes avancées de demain » serinent aussi bien le PS que Cohn-Bendit qui, lorsqu’il est question d’Europe, feront toujours passer pour des progrès les pires régrès, comme celui du TSCG – on se demande jusqu’où, sous couleur « d’avancée », il faudrait que l’Union européenne aille dans l’ignoble pour que Dany le Bleu finisse par dire « ah non là tout de même, stop ». A l’Europe de la Sécu privatisée et du travail des enfants, tu t’arrêtes Dany, ou on continue ?
Dans un mouvement paradoxal où se mêlent une très inintentionnelle lucidité et une sorte de panique rhétorique qui sent l’extrémité, Jean-Marc Ayrault a trouvé malin de considérer que les opposants au TSCG sont des partisans de « la sortie de l’euro » [18]. Eternelle menace du quitte ou double, de l’ordre des choses ou bien du chaos, qui dit la misère argumentative où l’européisme se trouve rendu. Il faut vraiment être au bout du bout de l’incapacité politique pour en venir à ce genre de propos sans réaliser qu’on ne s’y prendrait pas autrement pour rendre délibérément haïssable la construction monétaire européenne, et donner très fort l’envie d’essayer le « chaos » — qui n’en est pas un : c’est juste un autre ordre que le leur. Que Jean-Marc Ayrault se rassure : depuis deux décennies, l’idée d’une solidarité profonde entre le fléau néolibéral et la monnaie unique a fait de grand progrès dans l’esprit public. Opposants au TSCG = partisans de la sortie de cet euro ? Mais tout à fait Jean-Marc !
Encore quelques déclarations de cette farine et l’idée subséquente d’en finir avec tout ça et d’en sortir pour de bon commencera à avoir l’avenir pour elle.
Il faut le lire aussi pour y trouver quelques perles encore mal aperçues comme ces délicieux articles 7 et 8, le premier forçant les « parties contractantes » au soutien obligatoire de la Commission quand elle met un pays à l’index et lui impose la purge (« les parties contractantes s’engagent à appuyer les propositions ou recommandations soumises par la Commission européenne lorsque celle-ci estime qu’un Etat membre de l’Union ne respecte pas le critère du déficit ») [1], le second, encore meilleur, instituant la délation entre les Etats-membres : « Lorsqu’une partie contractante estime indépendamment du rapport de la Commission qu’une autre partie contractante n’a pas respecté [le critère de déficit structurel], elle peut saisir la Cour de justice de cette question » (Art.8.1) ; « lorsque sur la base de sa propre évaluation ou de celle de la Commission une partie contractante considère qu’une autre partie contractante n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la Cour de justice visé au paragraphe 1 (précédent), elle peut saisir la Cour de justice et demander que des sanctions financières soient infligées ». Et l’on voit d’ici l’excellente ambiance que ces petites lignes vont répandre dans la chose qui se dit encore « Union » européenne : de sa seule initiative et d’après ses seules évaluations, un Etat-membre pourra en balancer un autre auprès de la Cour de justice (CJUE) s’il estime que cet autre, insuffisamment orthodoxe, ne s’est pas assez « structurellement ajusté », puis demander à cette même Cour de le pénaliser financièrement s’il continue de regimber. Le pire est que dans l’atmosphère particulièrement amicale qui règne ces temps-ci dans la Désunion européenne, on n’aura aucun mal à trouver une balance pour faire le sale boulot de saisine de la CJUE dont, soit dit en passant, la Commission se lave courageusement les mains.
Le « solde structurel » en plein arbitraire
Ces fleurs de rhétorique mises à part, il y a le reste – le fumier sur lequel on les fait pousser. En France en tout cas, la justification européiste, consciente que les plaidoyers d’ajustement budgétaire en pleine récession commencent à passer moins bien, penche de plus en plus pour le parti de la minimisation : rien de véritablement neuf dans le TSCG, tout ceci était déjà dans le vieux pacte de stabilité, au moins en principe. C’est bien ce sur quoi insiste autant qu’il le peut le Conseil constitutionnel, notamment dans les considérants 15 et 16 d’une décision [2] dont la rigueur argumentative a d’ailleurs été aussi peu questionnée qu’elle est pourtant questionnable [3]). Mais alors pourquoi en passer par la solennité d’un traité, et friser la révision constitutionnelle, si c’est pour simplement redire business as usual ? En vérité sous des dehors de continuité – et il est bien certain qu’en matière d’erreur économique, l’Europe est d’une remarquable persévérance – des crans ne cessent d’être franchis, et le TSCG en est un de taille. Un ou plusieurs d’ailleurs ?Il y a bien sûr celui, le plus visible, économique, de la restriction budgétaire – quelle bonne idée au bord de la dépression –, avec ses astucieuses innovations. L’objectif de solde structurel d’abord, introduit par le vertigineux article 3, alinéa 1-a : « La situation budgétaire d’une partie contractante est en équilibre ou en excédent », formidable énoncé qui, à l’indicatif, ne formule même pas un objectif ou un devoir-être, mais un simple état de fait – « le budget est en équilibre (ou en excédent) » –, sans doute identique en droit à une loi de la physique ou au simple constat que le ciel est bleu, sans la moindre réserve de modalité, un pur « c’est ainsi », emportant que ça ne saurait être autrement et que si, par impossible, « ça » venait à être autrement, on passerait tout de suite à l’article 3.1-b (mise en examen, ajustement automatique, dénonciation à la CJUE, pénalités financières) pour que soit aussitôt restauré le règne de la normale, de la nature, de l’ordre de la nature – étrangement consacré par voie de traité… Derrière ce morceau totalement baroque, il y a toute l’incertaine macroéconomie des « soldes structurels ». Très simple à définir vu de loin – le solde structurel est le déficit que l’on constaterait si l’économie était au plein emploi des capacités de production [4] –, le critère TSCG est redoutablement insaisissable quand il s’agit de l’évaluer de près. C’est que, par définition, il ne procède pas d’une mesure statistique directe mais d’une sorte d’expérience de pensée passant par une simulation modélisée avec toutes ses conventions – et par conséquent son arbitraire.
Le Wall Street Journal, peu suspect d’être un agent du laxisme budgétaire, ironise sur la divergence des estimations d’écart conjoncturel (la différence entre le déficit courant et le déficit structurel) rendues à propos des finances publiques étasuniennes respectivement par la Commission européenne (qui s’occupe généreusement des autres) et le Congressional Budget Office (CBO), la commission parlementaire vigie des finances publiques US. Là où le CBO (qui n’est pas non plus un organe de la révolution) évalue l’écart conjoncturel étasunien à 5,3 points de PIB, la Commission et ses méthodes ne voient qu’un ridicule 0,5 % [5] – soit tout de même une différence du simple au décuple… Aussi cette malencontreuse boulette a-t-elle la propriété de mettre en évidence que derrière leurs prétentions de parfaite objectivité, les partis pris « métriques » de la Commission tendent à systématiquement minimiser l’écart conjoncturel, c’est-à-dire à proclamer que la presque totalité du déficit est du déficit structurel – à réduire à la schlag, ce qu’il fallait démontrer. Nous tolérerons les déficits conjoncturels, jure le TSCG… sauf que les biais délibérés de ses méthodes de calcul attestent déjà que jamais elles ne détecteront de déficit susceptible d’être qualifié de conjoncturel…
La démocratie façon UE
Comme toujours avec l’Union européenne on ne se pose plus que la question de savoir où est le pire : dans son économie ou dans sa politique ? Peut-être les passages les plus ignobles du TSCG sont-ils à trouver dans ces lignes qui font assaut de correction formelle, par exemple, article 7, « Dans le respect total des exigences procédurales établies par les traités… », pauvres haillons juridiques jetés sur la réalité de la dépossession démocratique organisée – mais dans les formes ! –, puisqu’il n’est question en fait que de « mécanisme de correction déclenché automatiquement » (art. 3.1-e), de « dispositions contraignantes et permanentes » (art. 3.2), de « plein respect et de stricte observance » (id.) de la règle d’or, et tant pis pour ceux qui croyaient que la politique est affaire de délibération démocratique souveraine : voici venu le temps des servofreins et du pilotage automatique.Les européistes, experts et journalistes de service, diront que tout ceci est très exagéré : n’y a-t-il pas le mirifique article 13, corne d’abondance démocratique qui autorise les parlements nationaux et le Parlement européen « à défini(r) ensemble l’organisation et la promotion d’une conférence (…) afin de débattre des politiques budgétaires ». Soulagement général : une conférence est non seulement prévue, mais « organisée » et « promue », et l’on pourra y « débattre » : qui pourra dire sans une mauvaise foi honteuse que l’exercice de la souveraineté démocratique n’est pas la priorité des priorités de l’Union européenne ?
Maintenant il est plus que temps d’en finir. Les grands malades, les demi-pleutres et les complets ralliés (socialistes) qui nous gouvernent en nous précipitant dans la dépression et dans une forme douce, juridiquement correcte, de dictature financière – car il faut tout de même le faire d’inscrire un principe de politique économique, qui plus est aussi inepte que la règle d’or, dans des normes juridiques quasi-constitutionnelles [6] ! – cette clique au service de la rente financière, le sachant ou non (le pire étant bien sûr quand elle ne le sait pas), n’en démordra pas, n’en démordra plus. Et ceci d’autant moins que, l’esprit traversé, alors qu’il était moins une, par une rationalité élémentaire de persévérance, la Banque centrale européenne (BCE) a fini par se décider à faire ce qu’appelait à très court terme la survie pure et simple de l’euro – et la sienne propre [7] ! La manœuvre est doublement gagnante puisque ce faisant, elle stabilise les marchés obligataires où se totalisaient toutes les contradictions de la politique économique européenne, et met fin, mais sans doute pour un petit moyen terme seulement, à l’incendie spéculatif qui les exprimait.
La face sombre de cette temporaire réussite est qu’il ne faut plus compter, tant qu’elle produira ses effets, sur l’explosion en vol vers quoi la monnaie unique se dirigeait à grande allure. Or l’effondrement endogène de la construction monétaire européenne, croulant sous le simple faix de ses propres contradictions, était finalement pour les populations européennes la voie de sortie la plus probable. Et la voilà temporairement fermée – temporairement puisqu’il est bien entendu que l’intervention de la BCE ne règle rien de fondamental [8]. Privées de la paradoxale providence du collapsus financier, les populations ne peuvent plus compter que sur elles mêmes pour secouer le joug, à l’image du premier pas des Portugais descendus par centaines de milliers dans les rues pour défaire le tour de vis de trop [9].
Mais pour faire quoi ? Pour organiser la paradoxale providence si elle ne vient pas toute seule ! C’est-à-dire forcer au défaut.
Le parti des créanciers ou celui des débiteurs
Les propositions hétérodoxes qui rivalisent d’inventivité pour monter des solutions de refinancement des Etats toutes moins coûteuses les unes que les autres ont sans doute l’heureuse propriété d’alléger le service du fardeau… mais pas son poids principal – ainsi de la proposition de Roosevelt 2012, qui s’escrime encore à chercher des voies traités-compatibles, avec passage par l’intermédiaire d’un établissement bancaire public qui tirerait sa ressource de la BCE pour la transférer à marge nulle à l’Etat, ou bien de l’autorisation du financement direct des Etats par la BCE à taux très faible, etc.Or le problème se trouve moins dans les flux que dans les stocks. On rappellera tout de même que la dette publique espagnole passe de 36,1 points de PIB en 2007… à 68,5 en 2011 – multipliée par deux. Celle de l’Irlande, de 25 à 108 % sur la même période – multipliée par quatre, qui dit mieux ! On défendra difficilement la thèse qu’Espagnols, ou Irlandais se sont jetés frénétiquement sur les médicaments ou bien ont décidé de partir en retraite à 40 ans (comme les traders, au passage) : c’est le désastre de systèmes bancaires irresponsables qu’ils ont sur les bras. La France, dont la dette passe de 63,8 % de PIB à 85,8 %, le Portugal de 62,7 % à 107,8 % [10], payent eux aussi les dégâts de la finance, mais indirectement et par récession de credit crunch interposée – faut-il redire que tout ceci a commencé avec la crise des subprime en 2007-2008 et que, médiatement ou immédiatement, les populations européennes éclusent les petits désastres de la finance privée (que l’Union a si gentiment déréglementée pour elles) ? De tout ce surplus de dette, indiscutablement né de la crise financière, il faut dire que nous ne sommes pas comptables. Et par conséquent que nous ne le payerons pas.
Le paysage de la politique économique, notamment budgétaire, ne commencera à changer vraiment qu’avec, oui, des taux d’intérêt souverains équivalents à ceux que les banques centrales accordent gracieusement aux banques privées pour les tenir à bout de bras, mais surtout avec 20 à 40 points de PIB de dette publique en moins. Il est vrai que pour que ce paysage-là change ainsi, il faudra préalablement en avoir chamboulé un autre, celui de l’Union européenne elle-même. Mais tout ça va du même pas en vérité puisqu’il suffirait d’annoncer le refus d’« honorer » tout ou partie de la dette publique pour qu’aussitôt explosions financière, monétaire et institutionnelle s’entraînent l’une l’autre. C’est bien là le genre d’idée propre à dégonder les amis de l’Europe (telle qu’elle est), qui hurleront à l’insanité mentale, peut-être au nihilisme des irresponsables attachés à tout détruire. Pour ne rien leur cacher, sinon tout détruire, du moins détruire tout ça, c’est en effet un peu le but de la manœuvre…
Car à la fin, il faut avoir un peu de suite dans les idées et, si ça n’est pas trop demander, procéder logiquement. En l’occurrence, la prémisse réside dans le constat que nous vivons une de ces époques historiques de surendettement généralisé – et passons sur le fait que ce surendettement de tous les agents (ménages, institutions financières, Etats) est le produit même du néolibéralisme… – : les ménages se surendettent sous l’effet de la compression salariale ; les banques se surendettent pour tirer, par « effet de levier », le meilleur parti des opportunités de profit de la déréglementation financière ; les Etats se surendettent par abandon de recettes fiscales sous le dogme de la réduction des impôts (pour les plus riches). De cet énorme stock de dette, il va bien falloir se débarrasser. Or la chose ne peut se faire que selon deux options : soit en préservant les droits des créanciers – l’austérité jusqu’à l’acquittement du dernier sou –, soit en allégeant le fardeau des débiteurs – par l’inflation ou le défaut. Nous vivons à l’évidence en une époque qui a choisi de tout accorder aux créanciers. Que pour leur donner satisfaction il faille mettre des populations entières à genoux, la chose leur est indifférente. C’est à cette époque qu’il faut mettre un terme.
Changer d’époque suppose en premier lieu d’affirmer le droit des « débiteurs » à vivre dignement contre celui des créanciers à l’exaction sans limite. Seuls les fétichistes du droit des créanciers pourront s’insurger qu’on y attente, en tout cas qu’on lui en oppose un autre, pas moins légitime, et même beaucoup plus si l’on se souvient des origines de la dette. Où le parti pris acharné des créanciers nous conduit, nous ne le savons maintenant que trop. L’alternative est donc simplissime : ou bien nous poursuivons dans cette voie, par ailleurs exposée à la perspective d’un échec macroéconomique très probable, ou bien nous choisissons le parti inverse, celui des corps sociaux.
Bien sûr, après la décision de la BCE et la garantie de taux « raisonnables », le cartel orthodoxe croit plus que jamais possible de faire suer le burnous aux populations pour leur faire tout payer rubis sur l’ongle, quitte à ce qu’il y faille une décennie ou deux. Mais outre les incertitudes proprement économiques dont ce pari se trouve grevé, l’histoire atteste abondamment que vient un moment où la bête débitrice n’en peut plus et se libère de sa servitude d’un geste souverain qui envoie les créanciers au diable. C’est bien ce qui se joue avec Syriza en Grèce, comme avec tous les mouvements sociaux en Espagne ou ailleurs.
Ingénierie économique du défaut
Alors défaut. Au minimum celui de la part de dette indiscutablement assignable à la finance elle-même, soit pour la France, les 20 points de PIB qui séparent 2007 de 2011, les 32 points de l’Espagne, les 45 points du Portugal… les 83 points de l’Irlande, etc. Comme dirait l’autre, pour sûr ça va faire du grabuge. Mais du grabuge pour qui ? Si le défaut n’est que partiel, il faudra se poser la question de sa distribution parmi les créanciers. S’il est total, tout le monde en prendra pour son grade.Y compris les banques centrales, dont les demi-habiles prophétisent déjà bruyamment la perte : d’une part la BCE s’est chargée de titres souverains avec le SMP [11] de 2011 (et promet de le faire plus encore par son programme OMT [12]), d’autre part le système TARGET 2 des règlements internes à l’eurosystème de banques centrales accuse des soldes polarisés, avec une Bundesbank très créditrice et les banques centrales des Etats en difficulté très débitrices. Que le défaut souverain se prolonge ou non en défauts internes à TARGET 2, le système européen de banques centrales encaissera un rude coup. Les faux clairvoyants vaticinent déjà à la possible disparition des fonds propres de la BCE et à la nécessité de la faire recapitaliser par les Etats actionnaires – « au bon soin du contribuable » n’omettent-ils pas d’ajouter pour frapper un peu plus d’horreur les esprits.
La vérité est qu’il n’en est rigoureusement rien. Il faut avoir soit l’idéologie monétariste, soit l’insuffisance conceptuelle, chevillées au corps pour soutenir qu’une banque centrale puisse faire faillite, et même doive être recapitalisée, thèse parfaitement inepte qui témoigne d’une incompréhension profonde de ce qu’est vraiment cette institution, absolument dérogatoire du droit économique commun. Créatrice souveraine et ex nihilo de la base monétaire – la forme supérieure de la monnaie – adossée à son pouvoir entièrement symbolique de faire accepter son signe, la banque centrale peut faire des pertes comptables mais sans aucune incidence au regard de sa propre économie institutionnelle puisqu’elle peut tout simplement monétiser ses pertes et s’autorecapitaliser par création monétaire.
Bien sûr il en résulte une augmentation de la masse monétaire puisque les dettes correspondantes, annulées, ne passeront pas par le moment de destruction monétaire de leur remboursement. Et alors ? Contrairement à ce que croient les illuminés du monétarisme, la création monétaire, même très importante, n’est nullement vouée à dégénérer par essence en inflation : on ne sache pas, par exemple, que le doublement du passif de la Réserve fédérale (Fed) ait porté les Etats-Unis au bord de l’hyperinflation… Et, s’il est vrai que la Banque centrale aura un moment délicat à négocier quand toutes ces (ses) liquidités se redéverseront des banques privées (où elles restent entassées) vers l’économie réelle, la politique monétaire n’en est pas moins réversible, et un bon timing de stérilisation permettra de reprendre l’excès de liquidité.
Seuls donc ceux qui ont envie de s’inquiéter – ou intérêt à le faire – s’inquiéteront. A la rigueur, ils feraient mieux de réserver leurs angoisses aux institutions financières privées. Pour le coup, celles-ci vont déguster. Disons les choses sans détour : un défaut simultané de plusieurs « grands » Etats membres (entendre à fort encours de dette), les mettra par terre – à l’image exactement de ce qui s’est passé en 2008 avec Lehman Brothers mais avec des titres souverains en lieu et place des actifs dérivés de subprime. Faire remonter l’horloge de la dette publique à 2007 aurait ainsi pour effet d’effacer d’un coup dans les bilans des créanciers 79 milliards d’euros au titre du Portugal, 122 pour l’Irlande, 355 pour l’Espagne, 509 pour la France [13]… pour ne rien dire d’un défaut qui n’aurait pas la courtoisie de se contenter de ce retour en arrière limité et profiterait de l’occasion pour faire plus nettement table rase. Banques privées, fonds de pension, assurances, avec en prime bien sûr toutes leurs interactions systémiques médiatisées par les liens de contreparties et de crédit : le carnage promet d’être à grand spectacle. Et sans rémission possible venue de quelque Etat secourable puisque, précisément, c’est le défaut des Etats, ruinés, qui aura été le fait générateur.
Une occasion historique à ne pas louper
C’est le propre de la domination que le désastre est le plus souvent la meilleure chance des dominés. La fenêtre de ce désastre bancaire-là, à l’inverse de celle de 2008, il ne faudra pas la manquer. Une fois de plus il faut rappeler les effrayés à la conséquence. En situation de surendettement historique, il n’y a de choix qu’entre l’ajustement structurel au service des créanciers et une forme ou une autre de leur ruine. A chacun de choisir son camp et de dire clairement pour laquelle des deux options il penche. A tous ceux qui n’auront pas pris le parti des rentiers mais que la perspective de la convulsion continue d’inquiéter, il faut redire qu’on n’a jamais vu un ordre de domination, a fortiori quand il est aussi puissant que le néolibéralisme, « rendre les clés » de son mouvement spontané. C’est dans le monde des rêves social-démocrates qu’on se plait à imaginer des gentils puissants, qui d’eux-mêmes trouveraient les voies de la décence et de l’autolimitation. Sauf hypothèse de sainteté, on ne voit pas bien par quel improbable mouvement de l’âme les dominants pourraient consentir de leur propre gré à la transformation d’un monde qui leur fait la vie si belle et auquel tous leurs intérêts, patrimoniaux aussi bien qu’existentiels, ont intimement partie liée.Au prix sans doute d’attrister le Parti de la Concorde Universelle, il faut donc rappeler qu’un ordre de domination ne cède que renversé de vive force. Ce peut-être d’abord, dans l’ordre d’un arsenal de riposte bien graduée, la force de la ruine financière. C’est précisément ce dont il est question dans le projet de faire du défaut une arme politique. Tous ces messieurs de la finance et leurs imposantes institutions y finiraient immanquablement en guenilles. C’est-à-dire adéquatement « préparés » pour être aussitôt ramassés à la pelle et au petit balai. Rappelons que des banques faillies sont par définition des banques qui ne valent plus rien, des entreprises dont la valeur financière est tombée à zéro. C’est précisément à ce prix que la puissance publique se proposera alors de les récupérer – et voilà que l’indispensable nationalisation, premier pas (et sûrement pas le dernier ! [14]) pour mettre enfin un terme au désordre de la finance libéralisée, ne nous coûtera même pas le taxi pour renvoyer les banquiers à une retraite précoce, sans chapeau, bonus ni stock-options (mais grosse décote), faut-il le dire.
Mais que faut-il entendre par « la puissance publique » préposée à cette opération, ou plus exactement quelle pourrait être sa capacité financière ? L’Etat n’est-il pas ruiné, par construction même de ce scénario ? Seul le lavage de cerveau à grande eau libérale a pu nous faire croire que la personnalité financière de la puissance publique s’épuise dans l’Etat fiscal – alors qu’elle inclut notoirement la banque centrale. C’est donc à elle, évidemment reprise en main par le pouvoir souverain, qu’il appartiendrait de rattraper le déséquilibre délibérément organisé par le défaut. D’une part, mais à la manière dont la BCE et la Fed agissent déjà, en octroyant de très amples concours au secteur bancaire pour le maintenir dans la liquidité (éventuellement en admettant temporairement à ces concours certaines institutions financières non bancaires). D’autre part en se chargeant de l’apurement des pertes et de la recapitalisation nécessaires au redémarrage des opérations bancaires ordinaires – évidemment redéfinies sur des bases toute nouvelles, dont les activités spéculatives seraient exclues.
Reste la question des dépôts et des épargnes du public. Il va sans dire que les dépôts à vue et les épargnes-livrets doivent être garantis à concurrence du plafond légal. Et les portefeuilles de titres ? Les rapports financiers dont ils sont la matérialisation sont par définition maintenus quand bien même les institutions custodian [15] font faillite. Sauf, premièrement, quand ces titres sont des actions des institutions financières faillies elles-mêmes, puisque leur propriété financière privée aura été annulée. Et bien sûr, deuxièmement, quand il s’agit des titres souverains en défaut. Il faut bien voir que, par contrats d’assurance-vie, SICAV variées et PEA interposés, ces deux annulations auront de sérieux effets sur les patrimoines des particuliers. Mais d’une part l’ampleur de ces effets est indexée sur le degré de fortune des particuliers en question, de sorte que ces pertes, frappant surtout les plus riches, ont spontanément d’assez bonnes propriétés de justice sociale. Et d’autre part il est tout à fait possible d’envisager un mécanisme de compensation des pertes mêlant conditions de ressource et plafonds de garantie variés.
La création monétaire sans brouette
Disons-le d’emblée, toutes ces opérations de garantie et de recapitalisation supposent une intervention monétaire décisive. Il suffit généralement d’évoquer cette perspective pour faire aussitôt surgir dans les esprits les plus colonisés par les dogmes monétaristes des images de brouettes de billets, destinées comme il se doit à acheter une baguette ou un timbre poste.Or, rappelé que la création monétaire n’a rien d’inflationniste par soi, « intervention monétaire décisive » ne veut pas nécessairement dire d’ampleur. La restauration des dépôts par exemple ne nécessite a priori aucune création monétaire particulière : les dépôts sont inscrits au passif des banques et ils y restent. Comme toujours la seule contrainte demeure celle de la liquidité, à savoir celle de servir les déposants en monnaie lorsque ceux-ci veulent faire des retraits. On dira que ce sera précisément le cas au moment où le système bancaire traversera cette énorme turbulence, très propice en tant que telle à déclencher un mouvement de run. Mais un run peut être contrecarré de deux manières. Premièrement en affirmant haut et clair la garantie par la Banque centrale de la liquidité des banques de second rang, donc leur capacité à faire face à tous leurs engagements, y compris les retraits. Un run n’est jamais nourri que par la propagation d’un soupçon d’incapacité des banques à faire face à l’obligation de convertibilité des dépôts, c’est-à-dire un soupçon d’illiquidité. Ce soupçon fermement écarté par une garantie de la Banque centrale, le run s’éteint de lui-même : les déposants rassurés ne se ruent pas, les banques n’ont à faire face à aucun choc de trésorerie, et la croyance en leur liquidité s’autoréalise.
En vérité la crainte de l’illiquidité n’est pas le seul mobile susceptible de déclencher un run : on y trouve aussi les arbitrages des plus fortunés pour maintenir le pouvoir d’achat international de leurs encaisses monétaires dans la perspective d’une forte dépréciation de la monnaie nationale. Contre ces arbitrages-là, et aussi parce que les mouvements de panique peuvent être irrésistibles au plus chaud d’une transition critique, il faudra sans doute mettre en place un dispositif temporaire de type corralito, c’est-à-dire une restriction de l’accès des déposants à leurs fonds. D’une manière plus générale d’ailleurs un contrôle des capitaux s’imposera beaucoup plus largement, d’une part pour entamer la déconnexion du système bancaire national refondé d’avec les marchés de capitaux internationaux, d’autre part pour éviter que le taux de change ne connaisse une trop importante plongée, en troisième lieu pour interdire la fuite à l’étranger du cash des entreprises.
Le gros du problème – comme toujours – tient aux banques, qui vont se retrouver dans une situation d’actif net très négatif (de passif net très positif) avec un impact redoutable sur leur cash flow. Comme toute entreprise, une banque a contracté un certain passif, c’est-à-dire de ressources génératrices d’engagements à payer – des dividendes quand ces ressources sont des fonds propres, des intérêts quand elles sont des dettes – avec lesquelles elle a financé des actifs supposés générateurs de recettes. Or la « grande bifurcation » entraînera une contraction massive de l’actif, directement : par le fait même de l’annulation des titres souverains dont la banque est détentrice, et aussi sans doute indirectement : par la dévalorisation de bon nombre d’autres actifs financiers corrélative de l’état de chaos des marchés qui suivra inévitablement une vague de défauts souverains. Contraction des flux reçus du côté de l’actif avec persistance des engagements à payer du côté du passif [16], l’effet ciseau est voué à laminer le cash flow de la banque, c’est-à-dire sa capacité interne à dégager les moyens de financer son activité ordinaire. Restaurer la situation de cash flow des banques, c’est-à-dire leur aptitude à opérer « normalement », suppose de réduire le déséquilibre actif-passif – et, en l’absence d’un Etat recapitalisateur, la question est de savoir quelle est la part de cet ajustement que l’intervention monétaire de la Banque centrale aurait à prendre à sa charge.
A l’image de la solution vigoureusement pratiquée par l’Islande, l’ajustement en question peut d’abord passer par la dénonciation des passifs bancaires non-résidents : les banques françaises refuseront donc d’« honorer » le service des créances acquises sur elles par les investisseurs internationaux. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il s’agira moins d’un acte agressivement unilatéral que d’une mesure élémentaire de survie que toutes les banques de tous les pays seront appelées à prendre dans un système bancaire mondial très probablement en voie de dislocation – et la simultanéité vaudra réciprocité…
On notera au passage qu’il n’est pas d’expérience de réalité plus décisive pour juger des prétentions de la « mondialisation irréversible » qu’une crise financière saignante, à l’occasion de laquelle les systèmes bancaires se rétractent spontanément sur des bases nationales – les banquiers les plus audacieusement mondialisés savent très bien dans ces cas-là où se rendre pour trouver leur salut : auprès de l’Etat, l’Etat ringard, l’Etat détesté, mais au guichet duquel ils accourent éperdus et chialant, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a personne d’autre auprès de qui quémander les mesures d’exception vitales. Que la finance se fragmente pour se recomposer dans le périmètre national, il n’y a que les amis de la mondialisation financière pour le déplorer, ou bien ceux qui ont l’internationalisme si égaré que la perte de n’importe quoi labellisé « international » les attriste, même quand il s’agit de la finance.
Les passifs bancaires non-résidents envoyés à dache, restent les passifs bancaires résidents. Pour l’essentiel, ce sont des passifs interbancaires, donc compensables – et cette logique de compensation pourra être étendue jusqu’aux institutions financières non bancaires (en incluant notamment les compagnies d’assurance). Seul le passif interbancaire net aura donc à être refinancé et c’est cette part que la banque centrale prendra en charge jusqu’à son extinction [17].
Cette intervention monétaire sera d’autant moins ample que la restauration de la situation de cash flow des banques ne visera plus que l’adaptation à un périmètre d’opérations bancaires ordinaires considérablement réduit. Il ne sera évidemment plus question que les banques fassent autre chose que du crédit à l’économie, et tout le chancre de leurs activités spéculatives, fort gourmandes en passifs, ne sera plus qu’un souvenir. La création monétaire de compensation n’aura pas davantage à se fixer des objectifs de ratio de capital semblables à ceux qui prévalent aujourd’hui. Les ratios de solvabilité n’ont leur importance présente qu’au regard d’un système bancaire privé actionnarial plongé dans des marchés de capitaux qui ont précisément élu ce paramètre comme l’un des critères d’après lesquels juger d’une banque comme débitrice ou contrepartie. Parce qu’il fait l’objet d’une polarisation interprétative de l’opinion financière, le ratio de solvabilité conditionne le rating des banques et leur accès aux marchés de gros du crédit, à part quoi il n’a aucune incidence sur leurs conditions d’opérations économiques. Mais c’est un tout autre modèle de financement des banques qui surgira de cette transition radicale, dans lequel les marchés de capitaux internationaux n’auront plus aucune part – et, donc, leurs indicateurs fétiches aucune importance.
La création monétaire qui accompagnera cette grande transformation sera donc limitée à trois emplois : premièrement le refinancement du passif interbancaire « netté » et la restauration de la situation de cash flow des banques ; deuxièmement la compensation, sous condition (de ressource et de plafond), des pertes patrimoniales des particuliers liées aux dettes souveraines (en défaut) et aux actions bancaires (annulées) qui entraient dans leurs comptes-titres – soit tout de même des montants limités – ; troisièmement le maintien plein et entier des nouvelles banques dans la liquidité… mais c’est cela même dont les banques centrales se chargent déjà à coup de trillions de dollars ou d’euros (LTRO) ! Qu’on ne vienne donc pas nous raconter que ce qui fait la grande satisfaction du capital financier aujourd’hui pourrait devenir une abomination monétaire demain.
Avec qui ?
La question politique princeps « faire quoi ? » n’est pas séparable de la question subsidiaire « avec qui ? ». Un internationalisme méritoire voudrait tout sauver et rêve de conserver les dix-sept européens et leur monnaie unique, mais refaite à neuf. Dans un monde parfait on leur accorderait volontiers ce droit à l’imagination. Il est à craindre que le monde réel n’en laisse pas le loisir. Enoncée très généralement, la question est donc la suivante : qui, des dix-sept, serait prêt à prendre la bifurcation du défaut ? Et pour ne pas tourner cent sept ans autour du pot on va nommer carrément le nœud du problème : c’est l’Allemagne.Le désir européen qui ne désarme pas, comme celui d’Attac, continue de poursuivre une perspective politique dans laquelle les dix-sept, Allemagne incluse, feraient, bien coordonnés, un joli pas en avant pour engendrer la nouvelle Europe progressiste. La « croyance monétaire » allemande n’a aucun caractère d’essence, suggère cet argument, elle aussi peut être renversée ; derrière la sainte alliance des partis de droite, entendre par là les conservateurs de la CDU comme les sociaux-démocrates du SPD, parfaits équivalents en cela du duopole libéral français UMP-PS, la population accumule du mécontentement et commencera à ruer dans les brancards lorsque la récession finira par gagner l’Allemagne à son tour. A ce moment, la situation enfin mûre pour un grand aggiornamento doctrinal, l’Allemagne rejoindra le mouvement antilibéral des peuples européens pour enfin envoyer l’orthodoxie monétaire par-dessus les moulins.
Il y a malheureusement bien des raisons d’être sceptique à propos de ce scénario politique idéal – dont par ailleurs on partagerait volontiers la visée… si elle était atteignable. Il y a d’abord que, évidemment legs de l’histoire et non essence de la germanité, la croyance monétaire allemande n’en a pas moins, attesté par sa longévité même, le statut métapolitique d’une sorte de consensus national, sur fond duquel et dans le respect duquel ne se déploient qu’ensuite les différences politiques. C’est dire qu’il faudrait des dégâts économiques considérables, toujours possibles en principe mais d’une ampleur exceptionnelle, pour produire un commencement de remise en question en cette matière. Or, par sa position dans la division internationale du travail et sa politique structurelle de déflation salariale anti-coopérative, l’Allemagne sera le dernier pays touché par la récession et celui où, comparativement, les effets y seront les moins violents. La probabilité pour que le choc économique franchisse le seuil de déclenchement des remises en cause politiques est donc des plus faibles – et il faut imaginer l’état de destruction où en seraient alors les autres Etats européens : probablement tel que ces derniers auraient fait mouvement de longue date sans avoir gentiment attendu que l’Allemagne prenne son temps pour mûrir puis envisager de bouger…
Il y a aussi que la politique se fait avec les ressources qu’elle a sous la main. La ressource première du soulèvement transformateur, c’est la colère. Qui est en colère ? Qui descend dans la rue ? Qui exprime à une échelle significative le refus de l’ordre néolibéral ? Pas les Allemands. Pas encore objectera la thèse d’Attac. Sans doute, mais l’objection va finir par ressembler étrangement aux éternelles promesses de la gauche de droite : « il faut voter (respectivement attendre) pour faire progresser l’Europe malgré tout et avoir l’Europe sociale plus tard (respectivement pour faire mûrir la prise de conscience allemande… et avoir l’Europe sociale plus tard), appels à la patience qui, si politiquement opposés soient-ils, ne sont simplement plus tenables. S’il faut le moyen ou le long terme pour que le corps social allemand, qui part de beaucoup plus loin, fasse éventuellement le chemin de la révision monétaire, la réponse est que nous n’avons plus le temps d’attendre – toujours cette indéfectible bonne vieille idée keynésienne que dans le long terme nous serons tous morts…
Pour l’heure ce sont les Grecs, les Espagnols, les Italiens, les Portugais qui descendent dans la rue – et les Français qui les rejoindront s’ils arrivent à surmonter l’espèce de stupéfaction anesthésique qui leur interdit d’habitude tout mouvement social d’ampleur quand la « gauche » est au pouvoir (et que ses auxiliaires syndicaux veillent à ne surtout rien déclencher de fâcheux). Le mobile des solidarités internationalistes existe surtout dans les têtes des élites intellectuelles internationalistes. La pratique est sensiblement différente – moins reluisante si l’on veut : on commence d’abord par manifester pour soi, et l’on constate ensuite d’éventuelles solidarités de situation.
A la question « avec qui ? », la réponse, toute prosaïque, est donc : on verra ! Pour l’heure en tout cas, se mettront en mouvement ceux qui veulent et ceux qui peuvent. C’est à l’usage et en route que se dessinera le périmètre d’un possible regroupement de nations désireuses de refaire monnaie unique mais hors de l’orbite du capital financier. Dans le court terme de la colère et sous l’évidence réaliste des mobiles d’abord égocentriques de la protestation – dont aucun sermon à base de moraline solidariste ne viendra jamais à bout –, ce sont d’abord des projets à base nationale qui se manifesteront et pour une raison très simple : l’existence de structures institutionnelles déjà là, aussi bien en matière politique – il y a déjà une constitution et un parlement – que monétaire – il y a déjà une Banque centrale, en attente d’être réarmée – est un attracteur ultra-puissant. C’est qu’il est d’une rustique et raisonnable logique de chercher à agir là où existent déjà les moyens d’agir…
Rien de tout ceci pourtant n’exclut que l’exemple d’un pays plus décidé que les autres et faisant mouvement avant les autres, donc par construction armé d’un projet d’abord propre, ne fasse tache d’huile en donnant des idées aux peuples d’à-côté. Car, oui, il y a quelques raisons de penser que le mouvement unilatéral de l’un des peuples européens, résolu, sans attendre et pour son propre compte, à tout envoyer cul par-dessus tête, fait partie de ces spectacles aux puissantes propriétés d’émulation, très susceptibles de répandre l’envie d’imiter – et peut-être de la donner jusqu’aux Allemands, qui sait ? C’est alors, mais alors seulement, que se construiraient, en chemin, les solidarités d’un internationalisme concret, donc viable.
A la question « quoi faire ? », la réaction, pour sa part, continue d’apporter ses sempiternelles rengaines. Quoi faire ? La même chose ! « Il faut engranger tous les progrès même quand ils sont modérés pour construire les conditions des grandes avancées de demain » serinent aussi bien le PS que Cohn-Bendit qui, lorsqu’il est question d’Europe, feront toujours passer pour des progrès les pires régrès, comme celui du TSCG – on se demande jusqu’où, sous couleur « d’avancée », il faudrait que l’Union européenne aille dans l’ignoble pour que Dany le Bleu finisse par dire « ah non là tout de même, stop ». A l’Europe de la Sécu privatisée et du travail des enfants, tu t’arrêtes Dany, ou on continue ?
Dans un mouvement paradoxal où se mêlent une très inintentionnelle lucidité et une sorte de panique rhétorique qui sent l’extrémité, Jean-Marc Ayrault a trouvé malin de considérer que les opposants au TSCG sont des partisans de « la sortie de l’euro » [18]. Eternelle menace du quitte ou double, de l’ordre des choses ou bien du chaos, qui dit la misère argumentative où l’européisme se trouve rendu. Il faut vraiment être au bout du bout de l’incapacité politique pour en venir à ce genre de propos sans réaliser qu’on ne s’y prendrait pas autrement pour rendre délibérément haïssable la construction monétaire européenne, et donner très fort l’envie d’essayer le « chaos » — qui n’en est pas un : c’est juste un autre ordre que le leur. Que Jean-Marc Ayrault se rassure : depuis deux décennies, l’idée d’une solidarité profonde entre le fléau néolibéral et la monnaie unique a fait de grand progrès dans l’esprit public. Opposants au TSCG = partisans de la sortie de cet euro ? Mais tout à fait Jean-Marc !
Encore quelques déclarations de cette farine et l’idée subséquente d’en finir avec tout ça et d’en sortir pour de bon commencera à avoir l’avenir pour elle.
Notes
[1] Bien sûr il s’agit de cette clause qui demande une majorité qualifiée (très exigeante) pour s’opposer à une décision de soumettre un Etat membre à ajustement budgétaire, mais c’est une chose de requérir une majorité qualifiée et c’en est une autre de la présenter comme « soutien obligatoire » – l’Europe a décidément de ces airs de Politburo par les temps qui courent…[2] Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653DC du 9 août 2012 par laquelle le gouvernement est soulagé d’une révision constitutionnelle et autorisé à ne faire entrer la « règle d’or » dans le droit français que sous la forme d’une loi organique – comprendre : pas de référendum !
[3] Voir à ce sujet une annexe à venir (peut-être…).
[4] Par différence avec le déficit courant, simple solde constaté des recettes et des dépenses publiques, dans la situation réelle, caractérisée par le taux d’utilisation effectif des capacités de production.
[5] Matthew Dalton, « Wonks wars : How Big Are EU Deficits », Wall Street Journal, 17 août 2012.
[6] Bien sûr, excipant d’une aberration pour en justifier une autre, les européistes feront remarquer à ce moment que « constitutionnaliser » des contenus de politique économique, c’est ce que font les traités européens depuis le début !
[7] Voir « L’austérité mais dans le calme ».
[8] Id.
[9] Le 15 septembre, les Portugais ont manifesté en masse contre un projet de compenser par un surplus de cotisations salariés une baisse des cotisations employeurs.
[10] Toujours sur la période 2007-2011.
[11] SMP : Securities Market Program, premier plan de rachat de dettes publiques sur l’open market par la BCE, mais d’une ampleur très limitée.
[12] Outright Money Transactions, le programme d’intervention illimitée annoncé par Mario Draghi ce 6 septembre.
[13] Données Eurostat sur la période 2007-2011. Il faudra donc rajouter un bon bout au titre de 2012.
[14] Voir à ce sujet « Pour un système socialisé du crédit », janvier 2009.
[15] C’est-à-dire les teneurs de comptes-titres.
[16] Sauf les dividendes, annulés par la nationalisation, mais c’est la part la plus faible de ces engagements.
[17] La part du passif bancaire ayant pour contrepartie l’épargne publique, essentiellement sous la forme d’obligations émises par les banques à destination des particuliers (logées pour l’essentiel dans des contrats d’assurance-vie) tombe sous le coup de la compensation des dépôts et des livrets évoquée plus haut.
[18] « Le plaidoyer d’Ayrault pour le traité européen », Mediapart, 23 septembre 2012.
Crise du logement : Une autre analyse avec des commentaires sur un article de valeurs actuelles par Seb Musset -
http://apocalypsimmo.blogspot.fr/
http://sebmusset.blogspot.fr/
Apocalypsimmo 16: Cellule de crise à Valeurs Actuelles
Publié par Seb Musset lundi 24 septembre 2012
Libellés :apocalypsimmo,bulle immobilière,journalistes français,logement social / Comments: (14)
Le logement va mal, mais pire encore, l'immobilier s'effondre, enfin les perspectives de rente exponentielle.
La preuve ?
Le dossier "Logement, comment ils organisent la pénurie" (ils = la gauche) occupe les 70% de la couverture du dernier numéro du magazine de la droite qui s'assume Valeurs Actuelles tandis qu'un insert "Islam, jusqu’où iront les fous d’Allah ?" n’en occupe que 5% malgré la bouillante actualité.
Indiscutablement c’est panique à bord depuis que Cécile Duflot tente de redresser un secteur fondamental de la société abandonné au marché des rapaces depuis trop longtemps.
Est réunie autour d'un thé citron aux biscuits Calèche dans la war room du mag de droite, une belle brochette de spécialistes. Le patron de Century21, celui de Kaufman and Broad, de la Cogedim, de la Fnaim ainsi que le directeur du Pole logement de Nexity. Et d’autres encore. Tous d’accord sur un point, entre deux pages de publicité pour leurs enseignes: "La gauche casse le marché".
Ce dossier, c'est un peu la crème de la crème des pleureuses des années de rente potentiellement promises à l'agonie. A vrai dire, c’en est presque trop pour faire un article assassin tant il faudrait que je reprenne chaque ligne, et recopie intégralement l’article.
Néanmoins. Morceaux choisis:
Sur la chute des transactions constatées depuis 6 mois, Jean-François Buet, président de la Fnaim, valide la théorie de la bulle et reconnait en une passe que…
« La fin du prêt à taux zéro en début d’année, qui permettait à de nombreux ménages à revenus modestes de devenir propriétaires, explique en partie le ralentissement de l’activité. C’est aussi la conséquence du nouveau régime de fiscalité sur les plus-values [décidé sous Sarkozy] au 1er février, qui dissuade les bailleurs de mettre en vente leur résidence secondaire ou leurs biens locatifs ».
Mince alors. On ne pousse plus les petits revenus à "primo-accéder" coûte que coûte à la propriété et les thunés ne se pressent plus pour vendre (preuve qu’ils ne sont absolument pas dans le besoin, et par conséquent exercent une pression en gardant la superficie pour eux)
D'ailleurs, Le patron de Century 21, Laurent Vimont, s’insurge que les pauvres ne puissent pas plus s’endetter comme aux belles années…
"La part des jeunes acquéreurs de moins de 30 ans a baissé de 30% dans nos statistiques"
En même temps Laurent, si on les payait les jeunes avec des vrais salaires au lieu de les faire turbirner dix ans de suite au stage gratuit, y’aurait peut-être plus de "primos-accédants", solvables qui plus est.
Jean-François Buet de la Fnaim, lui, confirme que la baisse des taux en période de crise profite encore une fois à ceux qui disposent du cash:
"La baisse des taux profite essentiellement à des investisseurs qui arbitrent leurs valeurs mobilières, par exemple en clôturant leur contrat d’assurance vie pour investir dans l’immobilier dans de petits logements qu’ils mettront en location" [comme probablement ce prof de droit à Dauphine bailleur de l'immeuble de St Denis qui a flambé et causé trois morts]. Ce qui vient infirmer les propros de président de Kaufman and Broad, Guy Nafilian, déclarant au sujet du prochain Scellier que, si celui-ci n’offre pas une rentabilité minimale de 4%, il sera délaissé.
(La war room)
Le même Guy Nafilian nous alerte au sujet du relèvement à 25% de la part de logements sociaux dans les programmes neufs : "Lorsqu’on accroît la part de logements sociaux dans une opération, ce sont les prix de vente des autres logements en accession à la propriété qui augmentent". Bien évidemment moins c'est cher, plus c’est cher. D'impertinents journalistes auraient pu lui rétorquer la même chose au sujet de la qualité des programmes qu'il a vendus au durant des années.
Christian De Gournay, boss de la Cogedim, lui, est à deux doigts de rejoindre les files d'attente des Restos du coeur avec sa gamelle trouée: "On ne sent pas les pouvoirs publics prêts à réagir vite à une conjoncture détériorée" En décodé: le logement social ne va pas arranger les ventes de la Cogedim. J'ai envie de dire ça tombe bien puisque les locataires en logement social n'ont pas le pognon pour lui acheter quoi que ce soit. On me glisse dans l'oreille que certains, des fous probablement, ne veulent d'ailleurs pas acheter du tout, mais juste avoir un toit.
A la question de l'impact de l'encadrement des loyers, Laurent Vimont de Century 21 lâche une grosse intox non relevée par l'aréopage corporate, pas plus que par Valeurs Actuelles : "Cette mesure est inappropriée et inapplicable. Inappropriée, car un propriétaire ne pourra même pas revaloriser un loyer s'il fait de grosses dépenses d'entretien" [Faux, le texte de loi prévoit une hausse au-delà de l'indice de référence lorsque le propriétaire a effectué des travaux d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer] Et Vimont de préciser que "le marché locatif repose sur les épaules des particuliers". Justement Laurent, il s'agit de sérieusement remettre de l'ordre dans un secteur complètement libéralisé depuis 15 ans avec les méfaits sur les prix que les français, non-propriétaires, ont du subir, eux, sans pouvoir s'offrir de tribune dans la presse.
Mais Vimont n'en démord pas "Cette mesure d'encadrement est d'autant plus paradoxale que les loyers ont moins augmenté que l'inflation en 2012". Encore un peu et il traiterait les locataires d'odieux privilégiés plaçant en Suisse le pactole emmagasiné sur le dos de leurs proprios exploités par un état soviétique. En même temps Laurent, comme les chiffres de l'inflation ne prennent pas en compte le coût du logement depuis le commencement de la hausse des prix qui ont doublé en 10 ans cet argument n'a qu'une signification toute relative.
Bruno Corinti de Nexity tente de rassurer tout le monde "Les logements Scellier, même à Montauban ou à Périgueux (sic), ont fini par se louer, signe qu'il faut laisser faire le marché sans le réguler par des loyers imposés". Bruno oublie bien sûr de préciser le montant des loyers finalement négociés (à mon avis pas bien loin des tarifs dans le social). Corinti conclue sur ce point de consensus de la tablée, histoire peut-être de couper court aux accusations d'une présidence trop lente: "On peut affirmer que le ralentissement du marché est dû à François Hollande". Et paf les gauchos !
Emile Garcin, de Emile Garcin propriétés, va plus loin : "Il ne faut pas oublier que Nicolas Sarkozy a pris des mesures dignes du communisme". Et oui, dès fois pour la caricature, ce n'est pas la peine d'en rajouter.
A la question de la conversion des bureaux vacants en logement, Laurent Vimont de Century 21 oppose un refus catégorique. Impossible de les convertir en logements, car "les coûts de transformation liés aux normes d'habitation actuelles rendent l'opération non rentable pour un promoteur" et le journal de synthétiser dans un encart rouge "L'obligation de construire du social peut rendre plus rentable la construction de bureaux et renforcer la pénurie de logements".
Résumons à l'issue du dossier la philosophie des professionnels réunis:
- Construire du logement social pousserait les professionnels à construire des bureaux vides (plus rentables) difficilement adaptables en logements privés.
- Construire du logement social augmenterait le coût du logement privé.
- Construire du logement social entraînerait la fin du monde dans d'atroces diarrhées à perspective de 5 ans.
Comme une impression de regarder les dirigeants de Kodak au moment de l'arrivée de la photo numérique. Consternant spectacle de professionnels ne voulant se résoudre à accepter que les Français n'ont tout simplement plus d'argent à consacrer pour alimenter la hausse des prix continue à laquelle nos professionnels s'étaient habitués.
Comme dans la consommation courante, le logement va s'orienter en deux grandes tendances : le basique et le luxe. Je leur laisse le luxe, et insiste vraiment pour que l'Etat garantisse le basique. Car, je ne sais pourquoi, l'expérience peut-être, je ne fais confiance ni aux particuliers ni aux professionnels pour corriger les abus des 15 dernières années.
Article publié sur le blog Apocalypsimmo
Article publié sur le blog Apocalypsimmo
mercredi 26 septembre 2012
50.000 personnes manifestent à Athènes contre l’austérité (Le journal du siècle)
http://lejournaldusiecle.com/2012/09/26/50-000-personnes-manifestent-a-athenes-contre-lausterite/#more-2085
Des manifestants, opérant en petits groupes, ont jeté des cocktails Molotov en direction de la police, qui a riposté par des tirs de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes. Les affrontements se sont poursuivis sur la place et vers le ministère des Finances, devant lequel un camion de pompiers était stationné, alors que le gros des manifestants reculaient dans le calme, avant une charge policière qui a repoussé certains des jeunes vers les rues environnantes.
La Grèce proteste ce mercredi contre les nouvelles mesures d’économies prévues par le gouvernement pour satisfaire ses créanciers. A Athènes, plus de 50.000 personnes ont marché en direction de la place du Parlement. “Ne plions pas devant la troïka” des bailleurs de fonds et “UE, FMI, dehors !”, scandaient les manifestants. Près de 5.000 policiers, c’est à dire le double des effectifs des précédents mouvements, étaient mobilisés, afin de prévenir tout débordement.
La troïka (UE, BCE, FMI) a suspendu ses discussions à Athènes vendredi dernier sans avoir trouvé de compromis sur le plan de désendettement de la Grèce. Les deux principaux syndicats du pays, Adedy pour la fonction publique et Gsee pour le secteur privé, qui représentent deux des quatre millions d’actifs, sont à l’origine de cet appel à la grève, pour 24 heures. Ce mercredi en Grèce, de nombreux commerces sont fermés, les transports sont bloqués, et les services publics tournent au ralenti…
Festival des utopies concrètes (Basta!)
Alternatives
Festival des utopies concrètes
Par Rédaction (25 septembre 2012)
Recyclage, coopératives, énergies renouvelables, transports, monnaies complémentaires, habitat partagé, permaculture... Le festival des utopies concrètes propose de de débattre des expérimentations menées en Île-de-France du 27 septembre au 7 octobre. Ou comment construire autre chose que des crises. Basta ! est partenaire de cette initiative.
Le mouvement des villes en Transition Ile-de-France et plusieurs collectifs, associations et coopératives ont souhaité organiser dix jours autour des alternatives concrètes locales et de la permaculture pour anticiper et réfléchir à la manière d’affronter les crises environnementales mais aussi sociales et économiques qui se préparent.
L’idée de ce Festival est d’être un moment de réflexion et de rencontres, basé sur des échanges, des partages et des retours d’expériences à partir d’initiatives locales sur des thématiques aussi vastes que l’agriculture urbaine ou péri-urbaine, l’alimentation, le recyclage, l’énergie, les transports, les monnaies complémentaires, l’habitat collectif ou partagé, les systèmes d’échanges locaux…
Notre volonté est non seulement de susciter l’émergence de nouvelles alternatives sur nos territoires (et notamment à Paris et en Ile-de-France) mais aussi d’imaginer des formes d’utopies concrètes permettant une transformation de la société par nos pratiques et nos réflexions. Avec en point de mire, la volonté de construire des modes de vie résilients, adaptés aux secousses économiques et environnementales que nous connaissons déjà à travers les bouleversements climatiques ou les crises financières depuis 2008.
Tisser des liens avec les autres continents
Nous avons aussi souhaité donner une dimension « internationale » à cette première édition avec une soirée d’ouverture jeudi 27 septembre dans le 2eme arrondissement (salle Jean-Dame) qui verra l’intervention de représentants de communautés indiennes du Guatemala et Équateur en lutte contre des industries pétrolière détruisant leur territoire et donc leur savoir-faire traditionnel basé sur l’utilisation (et non l’exploitation…) des ressources naturelles de leur territoire. Avec en toile de fond, la volonté de montrer que la transition est un projet de société ouvert sur le monde, ce Festival souhaitant non seulement tisser des liens avec des initiatives d’autres continents mais aussi réfléchir à nos rapports avec tous les peuples.
De nombreuses associations, collectifs, coopératives sont d’ores et déjà engagés dans le programme que nous mettons au fur et à mesure en place : les AMAP Ile-de-France, Terre de Liens, plusieurs jardins partagés parisiens, les Amis de la Terre, les collectifs contre les gaz et le pétrole de schiste, Marché sur l’Eau, Enercoop et Énergie partagé, Vélorution… , la liste complète sera présentée très bientôt sur le site.
Le Village des Utopies Concrètes
Plusieurs revues et médias dont Mouvements ou encore Bastamag suivront le Festival, dont l’un des temps forts, outre les cinq journées consacrées à des thématiques particulières, sera le village des Utopies Concrètes samedi 29 septembre, 55 quai de Seine dans le 19ème.
Celui-ci regroupera face à la péniche Antipode de 10h à 18h, l’ensemble des associations et structures participantes avec des stands d’information, une librairie éphémère, des dégustations de produits locaux, mais aussi des démonstrations pratiques (apiculture, recyclage, compostage, réparation de vélos…) des débats et des projections (notamment un film de Maxime Combes et Sophie Chapelle sur des alternatives locales en Amérique latine).
La dimension festive et artistique ne sera pas oubliée avec des concerts et des pièces de théâtre tout au long de ces 10 journées, dans les différents lieux où le festival fera étape.
Voir le programme en cliquant ici.
Plus d’infos sur festivaldesutopiesconcretes.org
L’idée de ce Festival est d’être un moment de réflexion et de rencontres, basé sur des échanges, des partages et des retours d’expériences à partir d’initiatives locales sur des thématiques aussi vastes que l’agriculture urbaine ou péri-urbaine, l’alimentation, le recyclage, l’énergie, les transports, les monnaies complémentaires, l’habitat collectif ou partagé, les systèmes d’échanges locaux…
Notre volonté est non seulement de susciter l’émergence de nouvelles alternatives sur nos territoires (et notamment à Paris et en Ile-de-France) mais aussi d’imaginer des formes d’utopies concrètes permettant une transformation de la société par nos pratiques et nos réflexions. Avec en point de mire, la volonté de construire des modes de vie résilients, adaptés aux secousses économiques et environnementales que nous connaissons déjà à travers les bouleversements climatiques ou les crises financières depuis 2008.
Tisser des liens avec les autres continents
Nous avons aussi souhaité donner une dimension « internationale » à cette première édition avec une soirée d’ouverture jeudi 27 septembre dans le 2eme arrondissement (salle Jean-Dame) qui verra l’intervention de représentants de communautés indiennes du Guatemala et Équateur en lutte contre des industries pétrolière détruisant leur territoire et donc leur savoir-faire traditionnel basé sur l’utilisation (et non l’exploitation…) des ressources naturelles de leur territoire. Avec en toile de fond, la volonté de montrer que la transition est un projet de société ouvert sur le monde, ce Festival souhaitant non seulement tisser des liens avec des initiatives d’autres continents mais aussi réfléchir à nos rapports avec tous les peuples.
De nombreuses associations, collectifs, coopératives sont d’ores et déjà engagés dans le programme que nous mettons au fur et à mesure en place : les AMAP Ile-de-France, Terre de Liens, plusieurs jardins partagés parisiens, les Amis de la Terre, les collectifs contre les gaz et le pétrole de schiste, Marché sur l’Eau, Enercoop et Énergie partagé, Vélorution… , la liste complète sera présentée très bientôt sur le site.
Le Village des Utopies Concrètes
Plusieurs revues et médias dont Mouvements ou encore Bastamag suivront le Festival, dont l’un des temps forts, outre les cinq journées consacrées à des thématiques particulières, sera le village des Utopies Concrètes samedi 29 septembre, 55 quai de Seine dans le 19ème.
Celui-ci regroupera face à la péniche Antipode de 10h à 18h, l’ensemble des associations et structures participantes avec des stands d’information, une librairie éphémère, des dégustations de produits locaux, mais aussi des démonstrations pratiques (apiculture, recyclage, compostage, réparation de vélos…) des débats et des projections (notamment un film de Maxime Combes et Sophie Chapelle sur des alternatives locales en Amérique latine).
La dimension festive et artistique ne sera pas oubliée avec des concerts et des pièces de théâtre tout au long de ces 10 journées, dans les différents lieux où le festival fera étape.
Voir le programme en cliquant ici.
Plus d’infos sur festivaldesutopiesconcretes.org
mardi 25 septembre 2012
The We and The I de Michel Gondry
The We and
The I de Michel Gondry
Ce sont les vacances pour les élèves d’un lycée du Bronx qui
rentrent chez eux en bus. Toute l’intrigue se déroule à l’intérieur de ce bus,
de la montée du groupe, qui prend des allures de prise d’assaut, à la sortie progressive de chacun de ses membres.
C’est un huit clos impressionnant de réalisme. On y est. On est dans ce bus,
avec ces ados survoltés. Tous les aspects, parfois douloureux, de l’adolescence,
y sont montrés, une adolescence emprisonnée dans les critères de l’apparence, à
laquelle elle tente d’échapper. La violence et la cruauté précèdent la tendresse maladroite et l’humour souvent douteux. Les moqueurs
deviennent les moqués, les durs peuvent être tendres. Le bus se vide petit à
petit et l’on découvre les individualités, les souffrances personnelles. Les
masques tombent avec le retour à soi même. Le jeu des acteurs (tous amateurs) est
étonnant de vérité, de sincérité touchante. Un régal !
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