vendredi 30 août 2013

Réforme des retraites : ce n’est pas digne d’un gouvernement de gauche (blog de G. Filoche)

Réforme des retraites : ce n’est pas digne d’un gouvernement de gauche

Gérard Filoche et Marisol Touraine à La Rochelle, août 2013
Gérard Filoche et Marisol Touraine à La Rochelle, août 2013
La réforme des retraites a tout d’une course de vitesse qui ferait l’objet d’une double pression : la Commission de Bruxelles, les marchés et le MEDEF d’un côté, les partenaires sociaux et la gauche socialiste de l’autre.
D’un côté Bruxelles est très exigeant, le MEDEF tape du poing sur la table et s’est battu pour que les cotisations n’augmentent pas. Sous cette pression, le gouvernement s’orientait vers une réforme qui aggravait ce que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont mis en place. De l’autre, la menace d’une mobilisation le 10 septembre et le fait qu’une partie des militants socialistes sont contre la réforme inquiète les ministres. Jean-Marc Ayrault a tenté de trouver un juste milieu, d’arriver à un équilibre.
Mais cet exercice d’équilibriste est allé plus à droite qu’à gauche. La pression du MEDEF pour l’instant est plus forte que celle des manifestants. Il a baissé le coût du travail, a choisi de faire faire payer les salariés, pas le patronat. Les cotisations retraites patronales devraient augmenter mais le gouvernement a aussitôt promis au patronat de lui rembourser sous forme de diminution des cotisations famille ce qu’il lui prenait pour les retraites. Comment seront financées les allocations familiales ? En diminuant leur montant, en augmentant la CSG ou la TVA ? Dans tous les cas, ce sont les salariés qui seront perdants au profit du patronat. Le Medef s’est d’ailleurs aussitôt engouffré dans la brèche ouverte par le gouvernement et exige de ne plus financer les allocations familiales (34 milliards d’euros par an). Le gouvernement a aussitôt accepté d’en discuter.
Il ne faut pas baisser le coût du travail mais bien l’augmenter, les salariés ont besoin de pouvoir d’achat. Le patronat est un adversaire, nous ne pouvons pas leur faire de cadeaux.
Nous voulons que la retraite soit ramenée à 60 ans et soit financée par l’augmentation des cotisations retraites, en priorité celle des cotisations patronales. La retraite n’étant pas une épargne, elle peut se régler d’une année sur l’autre. Il faut moduler les cotisations, de telle sorte que s’il y a un problème en 2025 on puisse agir en 2024 pour garder la prestation et les 75% de taux de reversement sur les meilleures années.
En aucun cas, il ne faudrait allonger les annuités de cotisation. C’est comme un boa qui étoufferait lentement la retraite par répartition. Ce que propose le gouvernement, après les réformes de la droite, sonne comme un message à la jeunesse lui disant qu’elle n’aura plus de retraites. Comment pourraient-ils croire en un système qui ne leur offrirait qu’une retraite à 67 ans ou 70 ans au montant de plus en plus éloigné de leur salaire d’activité ?
En augmentant le nombre d’annuités, on aggrave la situation des gens qui ne peuvent pas les atteindre, en particulier les femmes. Résultat : le montant de leur retraite diminue. 993 euros en moyenne (lorsque la CSG et le CRDS sont déduits), c’est déjà trop peu, ne faisons pas en sorte de la baisser encore davantage.
La réforme est présentée comme étant soft – pas « brutale » dit Marisol Touraine –, ce n’est pas vrai. Elle est contournée, met en avant des aspects secondaires (pénibilité, temps partiel, apprentissage) accordés à dose homéopathique qui ne change rien de fondamental à une réforme qui va contre les intérêts des travailleurs. Ils doivent donc se défendre, en descendant dans la rue le 10 septembre notamment comme souhaitent le faire certains syndicats.
Avec la gauche, nous n’obtenons pas tout ce que nous voulons. Avec la droite, nous avions tout ce que nous ne voulions pas. Nous attentions davantage d’un gouvernement socialiste. Ce n’est pas digne d’un gouvernement de gauche de vouloir baisser le coût du travail. C’est accepter la pression du patronat au lieu d’entendre la voix des salariés.
Nous attendions que ce gouvernement remette en cause ce qu’avait imposé Nicolas Sarkozy avec Éric Woerth et qu’il redonne du pouvoir d’achat à la retraite et épargne le drame du chômage à tant de seniors. Il vaut mieux des retraites plus tôt, que du chômage plus tard.

La première guerre civile mondiale (Le grand soir)

La première guerre civile mondiale

Photo par Jayel Aheram
 
Chaque jour qui passe apporte son lot de confirmation sur une vérité que beaucoup voudraient ignorer : nous sommes en guerre. Une guerre larvée, relativement calme mais une guerre tout de même.
Contrairement à une guerre traditionnelle, une guerre civile n’a pas de front bien tracé, de belligérants clairement identifiables à la couleur de leur uniforme. Chaque camp est partout, au sein d’une même ville, d’un même quartier, d’une même famille.
D’un côté, nous avons une classe de pouvoir. Riches, puissants, ils ont l’habitude de contrôler, ils ne connaissent pas le doute. Ils décident et sont intimement persuadés de le faire dans l’intérêt général. Beaucoup, ni riches ni puissants, les soutiennent. Par peur du changement. Par habitude. Par intérêt personnel. Par crainte de perdre certains acquis. Ou par incapacité intellectuelle de comprendre la révolution à l’œuvre.
De l’autre, voici la génération numérique. Issus de tous les sexes, tous les âges, toutes les cultures, tous les emplacements géographiques. Ils discutent entre eux, s’échangent des expériences. Découvrant leurs différences, ils se cherchent des points communs en remettant tout en question, jusqu’à la foi et aux valeurs profondes de leurs parents.
Cette population a développé des valeurs qui lui sont propres mais également une intelligence analytique hors du commun. Les outils dont elle dispose lui permettent de pointer très vite les contradictions, de poser les questions pertinentes, de soulever le voile des apparences. À travers des milliers de kilomètres de distance, ses membres peuvent ressentir de l’empathie pour tous les humains.
Un fossé grandissant
Longtemps, j’ai été persuadé qu’il ne s’agissait que d’une question de temps. Que la culture numérique imprégnerait de plus en plus chaque individu et que les plus réfractaires finiraient par disparaître, au fil des générations et du renouvellement naturel.
Malgré la popularisation des outils tels que le smartphone ou Twitter, cette fracture ne s’est pas résorbée. Au contraire, elle n’a fait que s’empirer. L’ancienne génération n’a pas adopté la culture numérique. Elle s’est contentée de manipuler aveuglement les outils sans les comprendre, en une parodie désespérée du culte du cargo. Résultats : des musiciens qui insultent leurs propres fans, des journaux dont le site web, envahi de publicités, semble être une copie conforme de la version papier, des jeunes politiciens qui utilisent Facebook ou Twitter comme une machine à publier des communiqués de presse sans jamais tenter de communiquer avec leur électorat.
Il y a 40 ans, deux journalistes révélaient au monde que le président de la nation la plus puissante utilisait les services secrets pour mettre sur écoute ses adversaires politiques. Ce travail d’investigation leur vaudra le prix Pulitzer et mènera à la démission du président.
Aujourd’hui, des acteurs imprégnés de culture numérique révèlent au monde que le président à mis le monde entier sur écoute ! Qu’il envoie des hommes massacrer cyniquement des civils. Ces révélations leur vaudront 35 ans de prison pour l’un et une traque à travers le monde entier pour l’autre. Le président en question est, quant à lui, titulaire d’un prix Nobel de la paix.
La mort du journalisme
Contrairement au Watergate, il n’est plus possible de compter sur la presse. Une grand partie des journalistes ont tout simplement cessé tout travail de fond ou d’analyse. Les journaux sont devenus des organes de divertissement ou de propagande. Un esprit un peu critique est capable de démonter la majorité des articles en quelques minutes de recherches sur le web.
Et lorsque certains journalistes commencent à creuser, ils voient leur famille se faire arrêter et détenir sans raison, ils reçoivent des menaces politiques et sont forcés de détruire leur matériel. Le site Groklaw, qui fut un site déterminant dans la publication d’actualités liées à des grands procès industriels, vient de fermer car sa créatrice a pris peur.
La classe dirigeante a décidé que le journalisme devait se contenter de deux choses : faire craindre le terrorisme, afin de justifier le contrôle total, et agiter le spectre de la perte d’emplois, afin de donner une impression d’inéluctabilité face aux choix personnels.
Bien sûr, tout cela n’a pas été mis en place consciemment. La plupart des acteurs sont intiment persuadés d’œuvrer pour le bien collectif, de savoir ce qui est bon pour l’humanité.
On vous fera croire que l’espionnage des mails ou l’affaire Wikileaks sont des détails, que les questions importantes sont l’économie, l’emploi ou les résultats sportifs. Mais ces questions dépendent directement de l’issue du combat qui est en train de se jouer. Les grandes crises financières et les guerres actuelles ont été créées de toutes pièces par la classe actuellement au pouvoir. La génération numérique, porteuse de propositions nouvelles, est bâillonnée, étouffée, moquée ou persécutée.
L’état de panique
En 1974, pour la classe dirigeante il est plus facile de sacrifier Nixon et de faire tomber quelques têtes avec lui. Le parallèle avec la situation actuelle est troublant. La classe dirigeante a peur, elle est dans un état de panique et n’agit plus de manière rationnelle. Elle cherche à faire des exemples à tout prix, à colmater les fuites en espérant qu’il ne s’agit que de quelques cas isolés.
Ils n’hésitent plus à utiliser les lois anti-terroristes de manière inique, contre les journalistes eux-mêmes. Ceux qui prédisaient de telles choses il y a un an étaient traités de paranoïaques. Mais les plus pessimistes ne les avaient probablement pas imaginées aussi rapidement, aussi directement.
La destruction des disques durs du Guardian est certainement l’événement le plus emblématique. Son inutilité, son absurdité totale ne peuvent masquer la violence politique d’un gouvernement qui impose sa volonté par la menace à un organe de presse reconnu et réputé.
Cet épisode illustre la totale incompréhension du monde moderne dont fait preuve la classe dirigeante. Un monde qu’elle pense diriger mais qui échappe à son contrôle. Se drapant dans la ridicule autorité de son ignorance, elle déclare ouvertement la guerre aux citoyens du monde entier.
Une guerre qu’elle ne peut pas gagner, qui est déjà perdue. Mais qu’elle va tenter de faire durer en entraînant dans leur chute de nombreuses victimes qui seront injustement emprisonnées pendant des années, torturées, arrêtées, harcelées, détruites moralement, poussées au suicide, traquées à travers le monde.
C’est déjà le cas aujourd’hui. Et parce que vous aurez eu le malheur d’être sur le mauvais avion ou d’avoir envoyé un email à la mauvaise personne, vous pourriez être le prochain sur la liste. Il n’y a pas de neutralité possible. Nous sommes en guerre.
* http://ploum.net/la-premiere-guerre-civile-mondiale/

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jeudi 29 août 2013

Du Big Mac au hamburger Frankenstein (Pressenza)

Du Big Mac au hamburger Frankenstein

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Vanya Cosin G
Cet article est aussi disponible en : Espagnol
Alors qu’on pensait avoir tout vu dans le monde du hamburger, la réalité nous surprend une fois de plus. Si, il y a quelques mois, certains médias s’étaient fait l’écho de la découverte d’un hamburger de Mc Donald’s en parfait état de conservation 14 ans après avoir été préparé, on a annoncé avant-hier le lancement du premier hamburger réalisé dans un laboratoire. On pourrait l’appeler « le Hamburger Frankenstein » vu qu’il est sorti d’éprouvettes, comme le « monstre » de Mary Shelley.
Un hamburger qui semble avoir tout pour plaire : sa production ne contamine rien, dépense peu d’énergie, n’utilise pratiquement pas de sol et ne contient en outre aucune graisse. Sa « viande » est produite à partir de l’extraction de quelques cellules mères du tissu musculaire du quartier arrière d’une vache. Que dire de plus ? C’est le hamburger light, parfait pour consommer en été…
Petit « hic », son prix ne le rend pas vraiment encore accessible à toutes les bourses. Son élaboration a coûté pas moins de 248.000 euros. L’inclure dans un menu « Happy Meal » prendra semble-t-il encore un peu de temps. Mais cela n’empêche pas qu’on nous annoncé déjà que cette avancée scientifique permettra d’en finir avec la faim dans le monde. Les gens doivent manger et puisqu’ils veulent manger de la viande, alors on va leur en donner. Tel semble être le raisonnement des « pères » de ce produit.
Mais deux questions me viennent à l’esprit. La première : est-il vraiment nécessaire que nous mangions autant de viande pour nous alimenter ? Avant de produire plus de viande, indépendamment de son origine, ne serait-il pas mieux d’encourager un autre type d’alimentation, plus saine, respectueuse des droits des animaux et soutenable ? Car enfin, qui gagne à ce type d’alimentation accro aux bovins et aux porcins ? Smithfield Foods, le plus grand producteur mondial de viande de porc, est l’un de ces grands bénéficiaires. Dans son curriculum s’accumulent les violations des droits du travail, les contaminations environnementales, etc. Dans l’Etat espagnol, Smithfield Foods opère au travers de Campofrío.
Deuxième question : un hamburger de laboratoire est-il vraiment nécessaire pour en finir avec la faim ? Selon l’ONU, on produit aujourd’hui suffisamment de nourriture pour alimenter 12 milliards de personnes alors qu’il y a 7 milliards d’habitants sur cette planète. Mais en dépit de ces chiffres, une personne sur sept dans le monde souffre de la faim. De la nourriture, donc, il y en a, ce qu’il n’y a pas, par contre, c’est la justice dans sa distribution. Il ne s’agit donc pas d’augmenter la production, ni d’engendrer des hamburgers en laboratoires, ni de plus d’agriculture transgénique. Il s’agit, ni plus, ni moins, de démocratie à l’heure de produire et de distribuer les aliments.
Les solutions « miraculeuses » à la crise alimentaire n’existent pas. Les problèmes politiques comme la faim ne seront jamais résolus avec des raccourcis techno-scientifiques. Il ne s’agit pas de rejeter toute recherche scientifique. Au contraire. Il faut encourager une science au service de la majorité sociale, non soumise aux intérêts commerciaux et économiques et qui s’engage à améliorer les conditions de vie des gens.
De la « révolution verte » aux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), on nous a sans cesse promis d’en finir avec la faim. La réalité crue nous indique que c’est un échec. Bien que, souvent, on nous occulte sa plus grande réussite : dégager des bénéfices multimilliardaires pour l’industrie agro-alimentaire et biotechnologique. Le hamburger Frankenstein ne sera pas une exception.
*Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.
+info: http://esthervivas.com/francais/

[Livre] La grande fraude, de Jean-François Gayraud (les-crises.fr)

28 août 2013

[Livre] La grande fraude, de Jean-François Gayraud

Excellent livre, que je vous recommande.
Jean-François Gayraud est commissaire divisionnaire, ancien élève de l’Ecole nationale supérieure de police (ENSP, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or).Docteur en droit, diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et de l’Institut de criminologie de Paris, Jean-François Gayraud est l’auteur de nombreux articles et d’ouvrages traitant de criminologie et de géopolitique. Il exerce au Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques (CSFRS).
Critique Decitre : Et si la crise financière dont nous subissons encore les effets était bel et bien une vaste fraude ? Voici un ” autre récit ” du krach.
En tout cas, pas celui proposé en général par les économistes ou les financiers. Décryptant les mécanismes ayant permis une succession d’actes criminels, reprenant les événements pièce par pièce et les replaçant dans une histoire plus longue, Jean-François Gayraud va ainsi au-delà de la stigmatisation de quelques boucs émissaires ou de la dénonciation de certains excès. Des politiques aveugles et dogmatiques de dérégulation des marchés ont ouvert la voie à des comportements criminels de grande ampleur au point de déclencher la crise des subprimes.
Dès lors, pour lui, il est impossible d’envisager un vrai assainissement, une reconstruction durable de la finance si ce diagnostic criminel n’est pas fait. Après la globalisation des phénomènes mafieux et la pénétration du monde du spectacle, Jean-François Gayraud poursuit son exploration des criminalités organisées qui gangrènent les sociétés contemporaines. Un document sans appel !
Petite vidéo avec l’auteur :

Livre: La grande fraude de Jean-François Gayraud par MinuitMoinsUne

Crtiique Le Figaro par Jacques de Saint Victor : La face cachée du krach
Jean-François Gayraud, Le spécialiste du crime organisé a enquêté sur l’histoire des «subprimes» dont les prémices remontent au début des années 1980.
Il fallait bien qu’un jour ou l’autre les mécanismes de la crise des «subprimes» finissent par être connus du grand public. Le rapport de la commission américaine du Congrès américain, en janvier 2011, puis le ­rapport Levin-Coburn, du Sénat américain, du 14 avril dernier, viennent de lever le voile sur la réalité du désastre. On peut enfin en finir avec les explications captieuses des économistes de service sur les «dysfonctionnements de marchés» et autres «théories des cycles», quand ce n’est pas la petite leçon simpliste sur le «cynisme» de quelques brebis galeuses montrées du doigt par les amateurs de la bonne vieille logique archaïque du «bouc émissaire». Non la crise des subprimes fut une vaste fraude criminelle dans laquelle une bonne partie des acteurs de Wall Street ont trempé à des degrés divers. C’est aujourd’hui une évidence.
Enquête en parallèle
Mais qui ira lire les centaines de pages des rapports parlementaires américains? C’est la raison pour laquelle il faut se précipiter sur le livre de Jean-François Gayraud, qui a mené l’enquête en parallèle et qui est parvenu au même résultat que les commissions du Congrès. Mais, surtout, son livre offre une histoire remarquable du cadre politique qui a permis d’aboutir à cette gigantesque filouterie. L’auteur part de la crise des caisses d’épargne américaines (Savings and loan) des années 1980, restée longtemps négligée. Or c’est, selon lui, dès le début de la formidable entreprise de dérégulation des années Reagan que les dérives ont commencé. Du Garn-St. Germain Act de 1982 au Glass-Steagall Act de 1999, un groupe d’hommes d’affaires – républicains et démocrates confondus – a mis à bas les garde-fous qui avaient été patiemment établis par ­Roosevelt après la crise de 1929, avec l’approbation d’une bonne partie de l’intelligentsia des business schools. Résultat? La faillite des caisses d’épargne a coûté au contribuable américain l’équivalent de la Seconde Guerre mondiale. Les économistes parlèrent alors prudemment d’un «retournement de conjoncture».
Les causes de cette crise sont aujourd’hui bien connues par les enquêtes du FBI: la dérégulation a permis de véritables vagues de pillage, parfois par les mafias, comme celle de La Nouvelle-Orléans, parfois par de simples dirigeants de ces mêmes caisses d’épargne, appâtés par les nouvelles facilités. Comme le dit Mme Parisot, «quand il n’y a plus de gendarme, il est certain qu’il y a des voleurs».
Un triomphe menacé
Jean-François Gayraud montre avec minutie que c’est à peu de chose près le même scénario, avec désormais une ampleur planétaire, qui s’est rejoué en 2008, avec, toujours en toile de fond, les mêmes personnages, dont le trop fameux Alan Greenspan. Madoff n’aurait-il été que la face visible de l’iceberg? Tout l’intérêt du livre de Jean-François Gayraud est d’échapper à la radicalité partisane.
Juriste, commissaire divisionnaire, l’auteur est membre du nouveau Conseil supérieur de la recherche stratégique (CSFRS) et l’un de nos meilleurs connaisseurs du crime organisé. Aussi ses conclusions font froid dans le dos. On laisse au lecteur le soin de s’y plonger. Le commissaire Gayraud est-il trop pessimiste? On peut penser que si les responsables de cette crise continuent encore à trôner au cœur du système, se partageant toujours des bonus stratosphériques, leur triomphe semble désormais menacé, au regard de ce qui commence à s’écrire sur eux. Ne font-ils pas plutôt songer à ces chevaliers du Tasse: «Ils allaient encore, mais ils étaient morts» …
La Grande Fraude. Crime, subprimes et crises financières de Jean-François Gayraud,Odile Jacob, 262 p., 22,90 €.

Nactualités : l’Occident prépare la paix en Syrie



Mentir sur la Syrie, et les mensonges des menteurs qui mentent à propos de ce mensonge. (Le grand soir)

Mentir sur la Syrie, et les mensonges des menteurs qui mentent à propos de ce mensonge.

 
À la une du Los Angeles Times, le titre suivant : « Les États-Unis se préparent à l’éventualité de frappes de représailles contre la Syrie », bien que la Syrie n’ait attaqué, ni les États-Unis, ni aucun de ses territoires occupés, ou aucune de ses forces impériales, et n’ait aucune intention de le faire.
Comme le dit l’article :
« Le Président n’a pris aucune décision, mais le sujet a été abordé à très haut niveau, tandis qu’au même moment le Pentagone reconnaissait avoir mis en place des forces armées dans la région ».
Je vous prie de m’excuser, mais qui, dans cette « situation normale, c’est le bordel », a pris la décision ? Le commandant en chef a-t-il simplement voix au chapitre ? Est-ce qu’il lui revient de faire des discours pour expliquer à quel point attaquer la Syrie constituerait une erreur terrible, d’avoir des réunions avec des officiers du plus haut niveau, qui en sortent pour préparer des attaques contre la Syrie, avant d’entrer dans l’histoire pour s’être désengagé de sa propre politique, voire s’y être opposé ?
Menacer d’attaquer la Syrie, et mettre une flotte en position de le faire, constituent des actes d’une grande portée, immoraux autant qu’illégaux. Le Président peut bien déclarer que la décision d’appuyer sur le bouton n’était pas la sienne, il ne peut prétendre avoir aussi peu d’influence sur les préparatifs en cours pour le faire, que sur la météo. Ou plutôt, il ne pourrait pas, si les journaux faisaient leur travail.
(Illégaux, parfaitement. Lisez la Charte des Nations Unies : Dans leurs relations internationales, tous les Membres s’abstiendront d’avoir recours à la menace d’utiliser, ou à l’utilisation de, la force, pour porter atteinte à l’intégrité territoriale, ou à l’indépendance politique d’un état, quel qu’il soit, ainsi qu’à tout autre procédé qui contreviendrait aux Objectifs poursuivis par les Nations Unies ».)
Le soi-disant Ministre de la Défense a déclaré : « Il est de la responsabilité du Ministère de la Défense, de proposer au Président plusieurs choix, afin qu’il puisse faire face à toutes les éventualités », mais est-ce qu’une seule de ces éventualités concerne la défense des États-Unis ? Est-ce qu’une seule d’entre elles évoque la signature d’une paix ? Si tel n’est pas le cas, n’est-il pas inexact de mentionner « toutes » les éventualités ?
En fait, Chuck Hagel détient cette « responsabilité », uniquement parce qu’Obama lui a donné pour instruction, non pas de lui proposer tous les choix, mais tous les choix militaires.
Les rebelles syriens comprennent que, dans le cadre de toutes les politiques que les États-Unis sont susceptibles de mener, ils ont de bonnes chances d’obtenir des armes s’ils simulent l’utilisation d’armes chimiques contre eux, tandis qu’il y a de fortes chances qu’on ignore leur existence, comme celle de Bahreïn (Ba-qui ?), s’ils décident d’adopter une stratégie de résistance non violente.
D’après le L.A. Times, « Obama a également appelé David Cameron, le Premier Ministre britannique, pour discuter des évènements syriens. Tous deux sont ‘unis’ dans leur opposition à l’utilisation d’armes chimiques, selon les termes d’une déclaration que la Maison Blanche a faite à la suite de la communication téléphonique ». Oui … à l’exception du phosphore blanc, ou encore du napalm. Ces armes chimiques sont de gentilles armes chimiques, d’ailleurs le gouvernement est contre les méchantes armes chimiques, donc votre quotidien ne vous raconte aucun mensonge.
Qu’a déclaré Obama, sur C.N.N. jeudi dernier ?
« Il arrive qu’on accorde trop d’importance à l’idée selon laquelle les États-Unis pourraient résoudre, d’une manière ou d’une autre, à l’intérieur même de la Syrie, un problème complexe, motivé par le sectarisme ».
Nan, tu crois ?
Chris Cuomo (le fils de Mario), journaliste à C.N.N., plaida en faveur de la guerre :
« Plus on attend, plus il risque d’y avoir de morts, ne pensez-vous pas, monsieur le Président ? »
Obama répliqua qu’il continuait à vérifier les dernières conneries sur les armes chimiques. Cuomo repoussa l’objection :
« Il existe des preuves solides qu’ils les ont déjà utilisées, même si c’était par le passé ».
Obama ne répondit pas à ce mensonge, se contentant de débiter une rhétorique inepte quelconque.
Cuomo, peut-être parce que sa soif de chair syrienne morte était un peu contrariée, se saisit du John McCainisme ordinaire. Il déclara que le sénateur McCain pense que les États-Unis perdraient leur ‘crédibilité’ si la Syrie n’est pas attaquée. (Et si le gouvernement des États-Unis devait tout à coup déclarer n’être pas une institution ayant pour but le massacre, avant de joindre l’acte à la parole – qu’adviendrait-il alors de sa crédibilité ?).
Obama ne se laissa pas décourager, et commença à prêcher contre ce qu’il s’apprêtait à faire : « Parfois, on s’aperçoit que les gens exigent une action immédiate, ils démarrent au quart de tour, puis les choses tournent mal, nous nous retrouvons embourbés dans des situations délicates, ce qui a pour conséquence de nous entraîner dans des interventions coûteuses, économiquement autant qu’humainement, qui ne font qu’engendrer un ressentiment plus fort dans la région ».
Cuomo se mit à geindre, mais vous aviez promis que l’utilisation d’armes chimiques équivaudrait à franchir la Ligne Rouge !
Obama rétorqua qu’il fallait se soumettre à la législation internationale. (À l’intention des non-initiés : en fait, la législation internationale interdit que l’on attaque les gouvernements d’autres nations, pour les renverser – même celui de la Lybie). D’ailleurs, ainsi qu’Obama le fit remarquer, l’option militaire n’est pas la seule envisageable.
Ah bon ?!
J’ai remarqué que, dès qu’Obama commence à parler avec la voix de la raison, comme ici, cela veut dire qu’en réalité il part à toute allure dans la direction opposée. Plus il passe de temps à expliquer à quel point une attaque contre la Syrie serait injuste, illégale, stupide, et immorale, plus vous pouvez être sûrs que c’est précisément ce qu’il s‘apprête à faire.
Telles que je les ai déjà publiées auparavant, voici les 10 raisons principales pour ne pas attaquer la Syrie, même dans le cas où les derniers mensonges en date sur l’utilisation d’armes chimiques seraient, en fait, des vérités :
1. Un tel prétexte ne rend pas une guerre légale. On ne le trouve, ni dans le Pacte Kellogg-Briand, ni dans la Charte des Nations Unies, ni même dans la Constitution des États-Unis. Il figure, en revanche, dans la propagande de guerre des États-Unis, millésime 2002. (Qui prétend que notre gouvernement ne fait pas campagne en faveur du recyclage ?).
2. Les États-Unis possèdent, et utilisent eux-mêmes, des armes que la législation internationale condamne, notamment le phosphore blanc, les bombes à fragmentation, et l’uranium appauvri. Vous pouvez faire l’éloge de ces pratiques, éviter d’y penser, ou vous joindre à moi pour les condamner, peu importe, elles ne peuvent servir de justification, légale ou morale, à une nation étrangère quelconque pour nous bombarder, ou pour bombarder tout autre nation où l’armée des États-Unis effectue des opérations. Tuer des gens, pour leur éviter d’être tués par le mauvais type d’armes, une telle politique ne peut provenir que d’une forme quelconque de dérangement mental. Appelez le trouble de stress pré-traumatique.
3. Si la guerre s’intensifiait en Syrie, elle pourrait s’étendre à la région, voire au monde, et ses conséquences échapperaient à tout contrôle. La Syrie, le Liban, l’Iran, la Russie, la Chine ; les États-Unis, les états du Golfe, les états de l’O.T.A.N., . . . cela ressemble-t-il au type de conflit que nous appelons de nos vœux ? À un conflit qui laissera des survivants ? Pourquoi diable prendre un tel risque ?
4. La simple mise en place d’une « zone d’exclusion aérienne », ne s’effectuerait qu’au prix du bombardement de secteurs urbains, et donc, inévitablement, d’un grand nombre de morts. C’est ce qui s’est produit en Lybie, et nous avons détourné le regard. Mais en Syrie, cela se produirait sur une échelle bien plus grande, étant donnés les emplacements des sites destinés à être bombardés. Créer une « zone d’exclusion aérienne » ne revient pas à faire une annonce, mais à lâcher des bombes.
5. En Syrie, les deux camps utilisent des armes épouvantables, commettent des atrocités épouvantables. Je suis sûr que, même ceux qui s’imaginent qu’on devrait tuer des gens pour leur éviter de se faire tuer par des armes différentes, sont capables de comprendre ce qu’il y a de dément à armer les deux camps, afin que ces deux camps se protègent l’un de l’autre. Dès lors, pourquoi ne semble-t-il pas tout aussi dément, d’armer un camp dans un conflit au cours duquel les eux camps ont commis des exactions similaires ?
6. Si les États-Unis sont dans le camp de l’opposition syrienne, on leur imputera les crimes de cette opposition. En Asie Occidentale, la plupart des gens haïssent Al Qaïda, ainsi que les autres terroristes. Ils en viennent également à haïr les États-Unis et leurs avions téléguidés, leurs missiles, leurs bases, leurs bombardements aériens nocturnes, leurs mensonges, leur hypocrisie. Imaginez le niveau de haine auquel on parviendra, lorsque les États-Unis auront fait équipe avec Al Qaïda pour renverser le gouvernement syrien, avant de le remplacer par un enfer de type irakien.
7. D’habitude, lorsqu’une force étrangère appuie l’arrivée au pouvoir d’une rébellion impopulaire, cette dernière ne prend pas la forme d’un gouvernement stable. En fait, il n’existe toujours pas un seul exemple avéré, d’une guerre humanitaire étatsunienne dont l’humanité ait tiré profit, ou d’une politique de construction d’une nation, ayant effectivement abouti à la construction d’une nation. Pourquoi donc la Syrie, qui semble encore moins prometteuse que la plupart des cibles potentielles, constituerait-elle l’exception qui confirme la règle ?
8. Cette opposition ne s’intéresse pas à la mise en place d’une démocratie, d’ailleurs recevoir des ordres des États-Unis, ne l’intéresse pas plus. Au contraire, avec de tels alliés, il y a tout lieu de s’attendre à un retour de flammes. Tout comme nous aurions déjà dû retenir la leçon de nos mensonges sur les armes, cela fait bien longtemps que notre gouvernement aurait dû retenir la leçon que lui a enseignée le fait d’armer l’ennemi de l’ennemi.
9. Les précédents que constituent les autres actes des États-Unis, perpétrés en dehors de tout cadre légal, qu’il s’agisse de faire la guerre par procuration ou d’attaquer à découvert, donnent un exemple dangereux, au monde, mais aussi à ceux de Washington, pour lesquels l’Iran est le prochain nom sur la liste.
10. En dépit des efforts prodigués par les médias jusqu’à ce jour, une confortable majorité d‘américains s’opposent à la fourniture d’armes aux rebelles, ainsi qu’à l’entrée en guerre pure et simple. Au contraire, une majorité d’entre eux, toutes tendances politiques confondues, sont favorables à un apport d’aide humanitaire.
En somme, ce n’est pas en aggravant la situation du peuple syrien, que nous l’aiderons.
Mais – vous savez quoi ? – les preuves semblent indiquer, très clairement, que les dernières déclarations sur l’utilisation d’armes chimiques, sont tout aussi bidons que les précédentes.
Qui donc aurait pu le prédire ?
David Swanson
David Swanson est un activiste de longue date, qui œuvre pour la paix et la justice. Il est l’auteur de “War is a lie”.
Traduction : http://echoes.over-blog.com
* http://www.michaelmoore.com/words/mike-friends-blog/lying-about-syria-...
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Remarques mesurées sur ces ordures qui nous gouvernent (Le grand soir Théophraste R.)


Remarques mesurées sur ces ordures qui nous gouvernent


 
Ouf... j’ai bien cru qu’on allait terminer l’année sans une nouvelle « guerre humanitaire » (vous savez, celle où les bombes ne tuent que les méchants).
Mais c’était sans compter sur la détermination de nos dirigeants. Une détermination sans faille. Qui ne se manifeste que pour faire la guerre, moins lorsqu’il s’agit de combattre le chômage, ou de taxer les transactions financières, ou de lutter contre les paradis fiscaux, ou (liste trop longue). Pour faire la guerre, par contre, ils trouvent toujours l’argent, le temps, la détermination et l’énergie nécessaires. C’est d’ailleurs à peu près la seule chose qu’ils réussissent - et encore. C’est dire.
Mais bon, le show sera spectaculaire et les rédactions bruisseront d’excitation à suivre une nouvelle guerre. Ouais ! Une de plus ! Parce que la France, môssieur, est un pays de tradition.
Et lorsque je qualifie certains dirigeants occidentaux d’ordures, on me dit que j’exagère. Si je demande en quoi j’exagère, on me répond « ce n’est pas un vocabulaire à employer ». Autrement dit, j’ai raison sur le fond mais tort sur la forme. OK, ça me va.
« Ordures », donc.
Théophraste R.
Ne jouons plus sur les mots, svp

URL de cette brève 3570
http://www.legrandsoir.info/remarques-mesurees-sur-ces-ordures-qui-nous-gouvernent.html

mercredi 28 août 2013

Mélenchon : l’intervention en Syrie serait "une erreur gigantesque"

En France, les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres…de plus en plus pauvres (Le grand soir)

En France, les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres…de plus en plus pauvres

 
Alors que la crise frappe de plein fouet les couches populaires et les classes moyennes, en France, les grosses fortunes ont augmenté leur richesse de 25% en un an à peine.
Avec une production annuelle supérieure à 1900 milliards d’euros, la France, cinquième puissance mondiale, n’a jamais été aussi riche de son histoire. Pourtant, depuis 1945, le pays n’a jamais compté autant de démunis avec plus de 8,6 millions de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté, soit plus de 14% de la population. Un rapport gouvernemental dresse ce constat alarmant et reconnait « la massification d’une précarité qui touche des ménages auparavant protégés [1] ».
Les enfants et les jeunes en général sont les premières victimes de la pauvreté. « De plus en plus de jeunes adultes et d’enfants ne connaissent que la pauvreté comme condition d’avenir », admet le gouvernement français de François Hollande. En effet, deux nouveaux pauvres sur trois, c’est-à-dire 65%, sont des enfants de moins de 18 ans. La pauvreté des mineurs atteint 19,6%. Au total, 2,7 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. De plus, 21,9% des 18-24 ans, soit plus d’un million de jeunes, vivent dans le dénuement. La situation est encore plus dramatique au sein des zones urbaines sensibles (ZUS) où 49% des enfants et 42,5% des 18-24 ans vivent au sein d’un ménage pauvre [2].
Par ailleurs, 12% des jeunes ne disposent pas d’un diplôme et chaque année, plus de 130 000 sortent du système scolaire sans aucune qualification. Plus de 10% des jeunes âgés de 17 ans présentent des difficultés de lecture [3].
Les femmes âgées de plus de 75 ans sont également les plus vulnérables au dénuement matériel. En effet, 14,1% d’entre elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le gouvernement reconnait que « la situation des femmes de plus de 75 ans s’[est] significativement détériorée [4] ».
Il en est de même pour les familles monoparentales, au sein desquelles le chef de famille est majoritairement une femme. Près de 32,2% d’entre elles sont confrontés à la pauvreté, soit un total de plus de 1,8 millions de personnes [5].
Posséder un emploi ne constitue pas un rempart contre la pauvreté. Ainsi, près d’1,5 million d’actifs, soit 6,2% des travailleurs, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Plusieurs facteurs, tels que la précarité de l’emploi, la faiblesse du temps de travail, le niveau des salaires, expliquent cette situation [6].
Chez les immigrés en situation régulière, le taux de pauvreté dépasse les 40%. Le rapport note que « les personnes immigrées restent les plus exposées au risque de pauvreté monétaire [7] ».
A la pauvreté s’ajoute l’extrême pauvreté (moins de 40% du niveau de vie médian de 1605 euros) qui frappe 2,1 millions de personnes, soit 3,5% de la population française. Les autorités reconnaissent que « les situations d’extrême pauvreté s’étendent depuis plusieurs années ». « La hausse du taux de pauvreté à 40 % […] témoigne également d’une détérioration de la situation des plus pauvres », selon le rapport [8].
A la pauvreté monétaire et à l’extrême pauvreté s’ajoute la pauvreté en conditions de vie. Près de 12,6% des Français n’ont pas accès « aux principaux droits fondamentaux, comme l’accès à un logement, au système de santé, au système bancaire, au système éducatif ou à la formation ». Ainsi, 3,5 millions de personnes déclarent souffrir du froid dans leur logement, faute de pouvoir payer leur facture énergétique, et « 15% de la population métropolitaine déclare avoir renoncé à certains soins pour des raisons financières ». La fondation Abbé Pierre note qu’il existe 3,65 millions de personnes mal logées en France [9]. Ainsi, au total, 26,6% de la population française souffre de pauvreté monétaire ou de pauvreté en conditions de vie [10].
En guise de conclusion, le rapport gouvernemental note avec sobriété que « seules les catégories les plus aisées échappent à la stagnation ou à la baisse du niveau de vie ». Il ne s’étendra pas sur le sujet et il y a une raison à cela [11].
Les riches sont de plus en plus riches
Si la grande majorité des Français souffrent de la crise économique, les catégories les plus aisées n’ont jamais été aussi riches. En effet, les 500 premières fortunes de France ont vu leur richesse globale croitre de plus de 25% en un an. Celle-ci s’établit désormais à 330 milliards d’euros et n’a jamais été aussi élevée. Elle a même augmenté de 300% sur les dix dernières années et représente désormais plus de 15% du PIB national et 10% du patrimoine financier du pays. Ainsi, 0,000001% de la population possède 10% de la richesse nationale, autrement dit, 1/10e de la richesse se trouve entre les mains d’1/100 000e de la population [12].
Cette oligarchie financière compte 55 milliardaires, soit 10 de plus que l’année précédente. Le plus pauvre de 445 millionnaires dispose de 64 millions d’euros de patrimoine. Les dix premiers du classement ont vu leur richesse augmenter de 30 milliards d’euros en à peine un an pour atteindre 135 milliards d’euros. Bernard Arnault, PDG de LVMH, dispose d’une fortune de 24,3 milliards d’euros, en hausse de 3,1 milliards par rapport à l’année précédente. Liliane Bettencourt, héritière de l’Oréal, présente un patrimoine de 23,2 milliards, en augmentation de 7,9 milliards. Gérard Milliez du groupe Auchan avec 19 milliards, Bertrand Puech d’Hermès avec 17,4 milliards, le marchand d’armes Serge Dassault du groupe Marcel Dassault avec 12,8 milliards, François Pinault du groupe Kering avec 11 milliards, Vincent Bolloré du groupe Bolloré avec 8 milliards, Pierre Castel (bière) avec 7 milliards, Alain Wertheimer de Chanel avec 7 milliards et Xavier Niel de Free avec 5,9 milliards, complètent la liste [13].
Cette extrême concentration de richesse contraste avec l’explosion de la pauvreté et de l’extrême pauvreté en France et illustre la nécessité impérieuse d’une répartition juste et équitable des richesses. Une telle puissance financière entre les mains d’une infime minorité d’opulents lui octroie une influence considérable sur les décisions politiques prises par les gouvernants et un pouvoir démesuré sur les destinées de la nation. Dès 1789, Maximilien Robespierre avait mis en garde contre les dangers que représentait l’oligarchie pour la démocratie et dénonçait « le joug de l’aristocratie des riches, la plus insupportable de toutes » : « Les riches prétendent à tout, ils veulent tout envahir et tout dominer. Les abus sont l’ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple : l’intérêt du peuple est l’intérêt général, celui des riches est l’intérêt particulier ». Il serait peut-être temps de méditer ces propos…
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/30742/na+franca+os+ricos+sao+cada+vez+mais+ricos+e+os+pobres%85+cada+vez+mais+pobres.shtml
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris, Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano. http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact : lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
[1] Ministère des Affaires sociales et de la Santé, « Rapport du gouvernement sur la pauvreté en France », République française, décembre 2012. https://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-pauvrete_gouvernement-decembre2012.pdf (site consulté le 19 juillet 2013).
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Fondation Abbé Pierre, « Les chiffres du mal-logement en 2013 », 2013. http://www.fondation-abbe-pierre.fr/_pdf/rml-18-chiffres.pdf (site consulté le 19 juillet 2013).
[10] Ministère des Affaires sociales et de la Santé, « Rapport du gouvernement sur la pauvreté en France », op. cit.
[11] Ibid.
[12] Eric Treguier, « Niel débarque dans le top 10 des plus grandes fortunes aux côtés de Arnauld et Bettencourt », Challenges, 11 juillet 2013.
[13] Ibid.
URL de cet article 22012

dimanche 25 août 2013

Comment les industriels utilisent la science comme un instrument de propagande (Basta)

Imposture

Comment les industriels utilisent la science comme un instrument de propagande

Par Nolwenn Weiler (8 juillet 2013)
Études biaisées, pseudo-expertises, financements occultes : les industriels ont entrepris dès les années 50 de manipuler la science à leur profit. Inaugurées par les géants de la cigarette, les techniques de détournement de la science sont aujourd’hui utilisées par les producteurs de pesticides ou les climato-sceptiques. Le déclin des abeilles est ainsi devenu un « mystère » et le changement climatique « relatif ». Des stratégies décryptées par Stéphane Foucart, journaliste scientifique, dans son ouvrage La fabrique du mensonge, comment les industriels nous mentent et nous mettent en danger. Entretien.
Basta ! : Les industriels ont choisi de tordre la science, dites-vous, pour contrer ce qui pourrait entraver leurs activités. Par exemple les révélations sur les effets sanitaires désastreux de certains produits. Comment s’y prennent-ils ?
Stéphane Foucart : La technique « d’utilisation de la science » a été théorisée par John Hill, un grand communicant américain. Les industriels de la cigarette l’ont appelé au secours en 1953, au moment où sont publiés les premiers travaux scientifiques sur le lien entre cigarette et cancer. Suite à une réunion de crise [1], John Hill rédige un petit mémo, dans lequel il dit en substance : « La science est un outil très puissant, dans lequel les gens ont confiance. On ne peut pas l’attaquer frontalement. Il faut procéder autrement. En fait, il faut faire de la science, l’orienter, la mettre à notre main ». John Hill propose notamment la création d’un organe commun aux géants de la cigarette, pour financer la recherche académique, menée au sein de laboratoires universitaires par exemple. Des centaines de millions de dollars seront injectés dans la recherche via cet organe. Pour financer des études qui concluent à l’absence de danger du tabac, mais pas seulement. Ils ont par exemple beaucoup financé la recherche en génétique fonctionnelle, qui décortique les mécanismes moléculaires dans le déclenchement des maladies.
Ce type de recherche est bénéfique pour les industriels : les origines environnementales des maladies, et notamment du cancer, sont « oubliées » et occultées...
Robert Proctor, historien des sciences américain, a passé beaucoup de temps à éplucher les fameux « tobacco documents », ces millions de documents de l’industrie du tabac, rendus publics par la justice – messages internes, rapports confidentiels et comptes rendus de recherche [2]. Les cigarettiers américains avaient compris que chaque discipline scientifique produit une façon de voir le monde. Et qu’ils avaient intérêt à influencer certains points de vue plutôt que d’autres. Quand quelqu’un tombe malade, on peut se demander à quoi il a été confronté dans son environnement, ou bien s’intéresser aux mécanismes moléculaires qui ont permis à la maladie de se déclencher. L’intérêt des cigarettiers se situaient plutôt du côté des mécanismes moléculaires : ils ont donc fortement subventionné la génétique fonctionnelle.
Cela signifie en substance que, si vous tombez malade, c’est parce que quelque chose, en vous, est en cause. L’environnement est évacué. Cette façon de voir les choses est encore très présente. On entend très régulièrement parler du gène de prédisposition au cancer du sein. Ou du gène de prédisposition à l’obésité. Lesquels jouent sans doute un rôle dans les pathologies évoquées. Mais cela occulte complètement les autres paramètres, notamment les causes environnementales des grandes maladies métaboliques. Une stratégie redécouverte et reprise au fil des années par de nombreux industriels, confrontés à des publications scientifiques embarrassantes pour eux. Pour les industriels, la science est aussi un instrument de propagande.
Le comité permanent amiante, en France, a-t-il adopté la même stratégie ?
Il y a plusieurs façons d’instrumentaliser la science : on peut financer la recherche, comme le font les industriels du tabac ou de l’agrochimie. Mais on peut aussi influencer l’expertise de façon à tordre la perception d’une problématique par les décideurs et le grand public. Le comité permanent amiante (CPA), qui a dirigé la politique sanitaire française sur cette question, s’est positionné sur cette seconde stratégie. Il n’a jamais injecté d’argent dans des études mais s’est posé en expert. Il n’y avait pourtant aucun scientifique spécialiste des effets sanitaires concernant les expositions aux faibles doses d’amiante dans cette assemblée. Elle était surtout composée de représentants de l’industrie et de hauts fonctionnaires. Créé au début des années 80, le CPA a entretenu cette idée selon laquelle on pouvait faire un usage contrôlé de l’amiante. Il était consulté par les politiques et les journalistes, et rendait des avis contraires à ce que l’on savait. La première étude épidémiologique mettant en évidence des effets sanitaires de l’amiante sur des personnes ne travaillant pas au contact de la fibre date de 1960. En 1980, on savait donc depuis 20 ans que même à des doses « réduites », l’amiante provoquait des mésothéliomes. Le CPA rendait en réalité des pseudo-expertises. Qui ont permis aux industriels de commercialiser de l’amiante jusqu’en 1996 !
En 2013, on a aussi affaire aux climato-sceptiques...
Aux États-Unis, les climato-sceptiques procèdent de la même façon que le CPA en son temps. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) est très ouvert, il travaille avec l’ensemble de la communauté scientifique. On est dans un processus de production de connaissances très démocratique et très transparent. Les experts d’Exxon Mobil, de Greenpeace ou du gouvernement chinois peuvent s’exprimer et questionner les données avancées sur des sujets qui leur tiennent à cœur. Le processus est très difficile à biaiser. Les climato-sceptiques ont donc entrepris d’enfumer les médias et les politiques. Aux États-Unis, il y a des think tanks qui sont ouvertement financés par les industriels. Des membres de ces cercles de réflexion écrivent des livres et deviennent experts, « légitimes » sur le sujet, sans même avoir aucune compétence effective. Ils sont constamment sollicités par les médias. Il y a aussi des manœuvres visant à intimider les chercheurs qui publient des résultats dérangeants. Avec des campagnes diffamatoires qui peuvent être menées. Tout cela jette un trouble sur la réalité.
Cela participe de « la fabrication du doute », que vous pointez comme partie intégrante de ce détournement de la science par les industriels à leur seul profit ?
Le montage de controverses qui retardent la prise de conscience est effectivement une technique éprouvée, et largement utilisée. Cela passe notamment par le fait de biaiser le corpus scientifique. Comment les industriels procèdent-ils ? En attaquant les études qui leur sont défavorables. Dans le monde scientifique, pour voir si ça marche, si c’est solide, on reproduit une expérience dont les résultats semblent peu convaincants. Si les doutes se confirment, on fait ensuite des commentaires techniques, qui accablent le collègue. Un peu sur le modèle du droit de réponse dans la presse. C’est un processus courant et normal de la démarche scientifique. Les industriels connaissent cette démarche de scepticisme. Ils cherchent donc à attaquer les études qui ne les arrangent pas. Le problème, c’est qu’ils n’avancent pas toujours à visage découvert.
C’est notamment le cas pour les études qui mettent en évidence l’impact des pesticides sur les abeilles...
En 2012, par exemple, la revue Science a publié les résultats d’une étude menée par des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) sur les effets des néonicotinoïdes (classe d’insecticides, ndlr) sur les abeilles. Avec une exposition à des doses extraordinairement faibles (de l’ordre du milliardième de gramme) de thiaméthoxame, la molécule active du Cruiser commercialisé par Syngenta, le taux de retour des abeilles à la ruche était largement diminué. L’étude mettait donc clairement en évidence que les insecticides participent de l’hécatombe d’abeilles que l’on observe depuis une quinzaine d’années. Quelques mois plus tard, l’étude a été attaquée par un chercheur via un commentaire technique, bâti sur un argumentaire douteux, publié dans Science. Mais l’auteur de ce commentaire a occulté ses liens avec Syngenta, qui finançait son laboratoire, à partir du jour de la publication de ce commentaire. Autre fait troublant : la rédaction d’un communiqué de presse, pour publiciser le dit commentaire. Ce qui est très rare ! La ficelle est un peu grosse. Et le procédé malhonnête. Mais ce qui va rester, c’est que tous les scientifiques ne sont pas d’accord, et que les effets du thiaméthoxame sont finalement sujet à caution. Dès lors, pourquoi s’inquiéter ?
Les industriels ont par ailleurs la mainmise sur l’évaluation de leurs produits, notamment dans le domaine de l’agrochimie...
L’industrie agrochimique maîtrise l’ensemble de la chaîne règlementaire des produits qu’elle vend. En Europe, tout le processus au terme duquel on autorise la mise sur le marché des produits est élaboré par les industriels eux-mêmes. Ce sont les industriels qui évaluent les produits qu’ils souhaitent mettre sur le marché. Et c’est sur la base des résultats qu’ils publient que l’on autorise, ou pas, la vente du produit ! Alors même que l’on sait que l’origine d’un financement a un impact sur les données auxquelles va aboutir une expertise scientifique : c’est ce que l’on appelle le Funding effect. C’est une énormité qu’un enfant de 8 ans est capable de comprendre ! De plus, les industriels mettent en œuvre eux-mêmes les tests et, pire, ils définissent le protocole expérimental qui va être utilisé. Or, la définition du protocole est évidemment essentielle, elle définit l’acuité d’une étude. Si je décide que mon test va avoir lieu sur un espace d’un m2 avec deux abeilles et que l’une d’elles ne rentre pas à la ruche suite à une exposition au produit dont je demande la mise sur le marché, je pourrai conclure que mon produit ne pose aucun problème. Une seule abeille ne représente pas une quantité « inquiétante ». Mais la méthode manquerait de sérieux...
Qu’en est-il des protocoles d’évaluation des pesticides déversées par milliers de tonnes dans les campagnes ?
Les protocoles mis en place par les industriels au niveau européen pour obtenir leurs autorisation de mise sur le marché (AMM) sont dits « aveugles ». Quand on s’y intéresse, cela paraît évident. Par exemple, les tests en laboratoire ne cherchent à déterminer que la dose létale aigüe des substances : on cherche à savoir quelle quantité de produit est capable de tuer une abeille immédiatement ou presque. On ne cherche pas à connaître les effets de très faibles expositions répétées sur l’insecte. Autre exemple : les tests en plein champ consistent à placer une très petite colonie devant 2500 m2 de champ traité… Ce qui représente moins de 0,5% de la surface visitée par une abeille autour de sa ruche. Cela signifie que l’exposition au produit pendant le test est potentiellement plusieurs milliers de fois inférieure à ce qu’elle peut être dans la nature, en zones de grandes cultures notamment.
L’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), saisie par la Commission européenne à ce propos, a convenu en avril 2012 que les protocoles étaient totalement inadéquats. On le sait depuis au moins 10 ans, mais il fallait que ce soit une autorité officielle qui le dise pour que cela ait un effet. Dans la foulée de cette déclaration, l’Efsa a été à nouveau saisie, avec l’obligation de re-tester les produits incriminés. En l’occurrence les néonicotinoïdes [3]. Cela a entraîné des avis négatifs et la suspension de la commercialisation de ces produits, à partir de décembre 2013. L’Efsa réfléchit maintenant à la mise en place de nouveaux protocoles de tests. Mais les industriels ont gagné plus de 10 ans, au cours desquels ils ont pu écouler quantités de produits.
Les responsables politiques ne pourraient-ils pas accélérer les choses ? Et apporter un peu de clarté ?
La littérature scientifique nous donne beaucoup d’informations sur des conséquences sanitaires graves liées aux perturbateurs endocriniens : pourquoi l’incidence du cancer du sein a-t-elle triplé depuis l’après-guerre ? Pourquoi celle du cancer de la prostate a-t-elle quintuplé ? Pourquoi le nombre de cancers de la thyroïde ou du testicule ne cesse d’augmenter ? L’agence nationale française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient de publier une expertise collective sur le Bisphénol A, une molécule omniprésente, utilisée dans nombre de plastiques ou de résines alimentaires. On peut y lire qu‘environ un quart des femmes enceintes sont probablement exposées à des doses de bisphénol A induisant un risque accru de cancer du sein pour leur fœtus ! C’est une information incroyable ! D’autant plus que les dangers reconnus par les experts sont souvent en deçà du risque réel.
Le bisphénol A appartient à une catégorie de molécules – les perturbateurs endocriniens – dont les chercheurs savent qu’ils ont des effets délétères à des doses plus faibles que celles considérées comme sans danger par la plupart des agences de sécurité sanitaire. Il reste énormément de choses que l’on ignore, sur les mécanismes d’imprégnation des populations et la toxicité de ces molécules. Mais on dispose tout de même, pour le bisphénol A, de plus de 300 études qui documentent ces effets à faibles doses, pour les cancers, la métabolisation des graisses et des sucres, l’expression de certains gènes dans le cerveau,... La puissance publique peut attendre qu’on ait tout compris sur les faibles doses pour agir. Ou bien se référer à cet énorme corpus de connaissances. En France, sur le bisphénol A, le politique a été un accélérateur, puisque la proposition de loi sur l’interdiction de ce produit a été déposée par le député Gérard Bapt (PS), avant que le rapport des experts ne soit rendu. Mais ce genre de démarche est hélas rare.
Propos recueillis par Nolwenn Weiler
Photo : source.
A lire : La fabrique du mensonge : Comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger. Stéphane Foucart. Editions Denoël, 17 euros.

Notes

[1] Nous connaissons la date et la teneur de cette réunion grâce aux « tobacco documents », déclassifiés en 1998.
[2] Ces documents ont été rendus publics, grâce au Master Settlement Agreement, qui clôt les poursuites engagées par 46 États américains contre les cigarettiers, en 1998. Lire Les conspirateurs du tabaci, Le monde, 25/02/2012.
[3] Ces nouvelles générations d’insecticides, qui se présentent sous forme de granules ou en enrobage de semences, sont conçues par Bayer, Syngenta ou BASF pour pénétrer au cœur du système vasculaire de la plante. Laquelle sécrète ensuite le toxique tout au long de sa croissance.

Le Royaume-Uni doit rendre des comptes après avoir empêché le Guardian de faire état d’informations relatives à la surveillance (Pressenza)

Le Royaume-Uni doit rendre des comptes après avoir empêché le Guardian de faire état d’informations relatives à la surveillance

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Image: Amnesty International
Les pressions exercées sur le journal The Guardian par les autorités britanniques afin de l’inciter à détruire des documents constituent une menace à la liberté d’expression, au droit à l’information et à la protection de l’indépendance des médias au Royaume-Uni, a déclaré Amnesty International mardi 20 août.
Le Guardian a signalé que les autorités britanniques ont menacé à plusieurs reprises sa direction d’une action en justice, ce qui a contraint le journal à détruire des informations envoyées par le lanceur d’alerte américain Edward Snowden. Ces informations portent sur la surveillance illégale exercée par les gouvernements américain et britannique, qui porte atteinte au droit à la vie privée de leurs citoyens, entre autres.
« Savoir que le gouvernement a insisté pour que le Guardian détruise des informations transmises par un lanceur d’alerte fait froid dans le dos », a indiqué Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Droit et politique d’Amnesty International.
« Nous avons là un exemple de tentative de fragilisation de la liberté de la presse de la part du gouvernement. Ces agissements portent par ailleurs gravement atteinte au droit du public de savoir ce que font les gouvernements de ses données personnelles et privées. S’ils sont confirmés, ces agissements mettront en évidence l’hypocrisie du Royaume-Uni, qui encourage par ailleurs la liberté d’expression à l’étranger.
« Le gouvernement britannique doit répondre de ses actes et affirmer publiquement son engagement en faveur de l’état de droit, de la liberté d’expression et de l’indépendance des médias. Il doit ouvrir une enquête afin de déterminer qui a ordonné d’agir de la sorte contre le Guardian. »
« Employer la manière forte pour essayer de museler les médias et d’enterrer des articles divulguant des informations relatives à Prism et à d’autres initiatives de surveillance va clairement à l’encontre de l’intérêt général. »
Lundi 19 août, Alan Rusbridger, rédacteur en chef du Guardian, a publié des allégations sur les agissements des autorités britanniques ayant eu pour but ces derniers mois de pousser le journal à remettre ou détruire des éléments en relation avec la surveillance exercée par le gouvernement.

La "pénibilité" pour réformer les retraites ? (Une autre vie)

mardi 13 août 2013

La "pénibilité" pour réformer les retraites ?

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a choisi de communiquer pour sa rentrée politique sur un des volets de la prochaine réforme des retraites, la prise en compte de la pénibilité.

Si les leviers habituels (durée et montant des cotisations, âge de départ...) seront abordés comme à chaque fois, le gouvernement de F.Hollande semble chercher cette fois, à faire passer sa réforme d'allongement de la durée de cotisation en envisageant un peu plus la "retraite à la carte"

Avec des départs anticipés ? Attention manipulation : le discours du chef de l'état est pourtant clair. Voilà ce qu'il déclarait à propos de l'allongement de la durée de cotisation : "C'est la "mesure la plus juste", "à condition qu'elle soit appliquée à tous et à tous les régimes".

Si il faut adapter et obtenir des départs anticipés dans des métiers pénibles, comment accepter un allongement de la durée du travail pour tous ? Prendrons nous aussi le fait d'avoir fait des études longues ? Comment envisager d'allonger la durée de cotisation à 43 voire 44 ans quand 6 hommes et femmes sur 10 sont au chômage entre 55 et 64 ans ?

Compte de pénibilité, départ anticipé dès 55 ans d'un an pour 10 ans d'exposition aux bruits, au travail de nuit, etc, malgré des critères déjà reconnus par le ministère du travail aujourd'hui rien n'est fait.

Décret no 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels
pénibilité ainsi que du droit à une retraite anticipée pour pénibilité.
« Art. D. 4121-5. − Les facteurs de risques mentionnés à l’article L. 4121-3-1 sont :
« 1- Au titre des contraintes physiques marquées :
« a) Les manutentions manuelles de charges définies à l’article R. 4541-2 ;
« b) Les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;
« c) Les vibrations mécaniques mentionnées à l’article R. 4441-1 ;
« 2- Au titre de l’environnement physique agressif :
« a) Les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les
poussières et les fumées ;
« b) Les activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R. 4461-1 ;
« c) Les températures extrêmes ;
« d) Le bruit mentionné à l’article R. 4431-1 ;
« 3- Au titre de certains rythmes de travail :
« a) Le travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 ;
« b) Le travail en équipes successives alternantes ;
« c) Le travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou
non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini. »

La prise en compte est légitime, les salariés concernés sont de plus en plus nombreux. On lit ici, que le travail de nuit concerne 3.5 millions de salariés (ça a doublé en vingt ans). C'est énorme !

Mais ne nous y trompons pas, le rapport Moreau, mais surtout les déclarations de François Hollande sont sans équivoque, l’élément majeur du projet de réforme est l'allongement de la durée de cotisations !

Pour ne pas être trompé comme ce fût le cas avec N.Sarkozy les salariés doivent se mobiliser pour peser sur les négociations et faire que cette réforme soit acceptable. Cela commence ce 10 Septembre.

La détention de David Miranda et la « guerre contre le terrorisme » (Le Grand Soir)


24 août 2013
La détention de David Miranda et la « guerre contre le terrorisme »

 
La détention et l’interrogatoire par les autorités britanniques de David Miranda, le compagnon du journaliste du Guardian, Glenn Greenwald, est un acte effrayant d’intimidation politique.
Miranda a été détenu et interrogé neuf heures durant – le maximum prévu par la loi antiterroriste britannique de 2000 (British Terrorism Act). On lui a refusé le droit d’avoir l’assistance d’un avocat et de garder le silence. Des effets personnels ont été confisqués sans être restitués, dont son ordinateur, son téléphone portable, sa caméra et ses clés USB avec les documents divulgués par l’ancien employé de l’Agence nationale de sécurité (NSA), Edward Snowden.
« Ils m’ont obligé à leur donner les mots de passe de mon ordinateur et de mon téléphone portable », a raconté Miranda au Guardian. « Ils ont dit que j’étais obligé de répondre à leurs questions… Ils me menaçaient tout le temps en disant qu’ils me mettraient en prison si je ne coopérais pas. »
Il s’agit là d’actes de gangstérisme politique commis en dehors de tout contrôle juridique. Miranda, un simple citoyen, a été détenu, interrogé, menacé et ses biens ont été confisqués uniquement en raison de ses liens avec Greenwald et la réalisatrice Laura Poitras à qui il avait rendu visite à Berlin. Tous deux, Greenwald et Poitras, ont travaillé avec Snowden pour divulguer des programmes d’espionnage secrets et illégaux des États-Unis et de leurs collaborateurs internationaux, dont le British Government Communications Headquarters (quartier général des communications du gouvernement britannique, GCHQ).
Même si Miranda a été détenu en Grande-Bretagne, l’administration Obama a joué le rôle principal, elle qui mène une campagne internationale de dénigrement et de persécution contre Snowden depuis qu’il s’était exprimé pour la première fois en juin. Lundi, un porte-parole de la Maison-Blanche a dit que les États-Unis avaient reçu un « préavis » des autorités britanniques avant qu’elles n’agissent et que les services secrets américains et britanniques avaient eu des discussions approfondies.
Bien que l’administration ait affirmé ne pas avoir demandé aux Britanniques d’interpeller Miranda, une demande officielle n’était pas nécessaire. La police et les agences d’espionnage des deux gouvernements opèrent sur la même longueur d’onde. Le gouvernement Obama accèdera sans aucun doute à toute information confisquée à Miranda pour l’aider à cibler Snowden et Greenwald, tout comme la NSA et le GCHQ échangent des informations illégalement obtenues sur leurs citoyens respectifs.
Scotland Yard a justifié les agissements de la police britannique en disant que « l’interrogatoire » était « solide sur le plan juridique et procédural ».
Personne ne peut sérieusement prétendre que l’appareil de surveillance et de répression mis en place au cours de ces 13 dernières années vise les « terroristes ». La détention de Miranda n’est pas un « abus » de la loi antiterroriste britannique (Terrorism Act), elle démontre que l’objectif essentiel de cette loi et des lois identiques aux États-Unis, en Grande-Bretagne et partout dans le monde est l’intimidation et la répression de l’opposition politique au programme réactionnaire de la classe dirigeante. La « guerre contre le terrorisme » est une guerre contre les droits démocratiques des gens.
Snowden a contribué à révéler au grand jour un réseau de programmes d’espionnage qui écoute et enregistre tout appel téléphonique. Ceci inclut le programme XKeyscore de la NSA qui permet aux analystes de passer en revue, sans mandat, toutes les communications – une violation flagrante du Quatrième amendement de la Constitution américaine. Comme la détention de Miranda le prouve, le gouvernement suit très attentivement les déplacements et les activités de ses adversaires politiques et de leurs proches et associés.
Il y a multiplication des attaques de plus en plus ouvertes contre la liberté de la presse visant à intimider tout journaliste authentique qui s’efforce de révéler la vérité aux gens. La divulgation des crimes commis par le gouvernement est qualifiée d’« espionnage » et de « complicité avec l’ennemi » comme l’a montré la condamnation du soldat américain Bradley Manning pour avoir révélé des atrocités de guerre américaines.
La détention de Miranda a eu lieu à juste un peu plus d’une semaine après la conférence de presse d’Obama lors de laquelle il avait exprimé le souhait du gouvernement pour que la population américaine « se sente plus à l’aise » avec les programmes de surveillance d’État policier. Derrière le discours mielleux d’Obama se cache une détermination intransigeante qui vise à maintenir ces programmes et à faire en sorte que ceux qui les démasquent soient réduits au silence.
Dans son attaque contre la dissidence politique et la liberté de la presse, le gouvernement américain jouit du soutien de vastes sections des médias eux-mêmes. Dans son message publié ce week-end sur twitter, le correspondant du magazine Time, Michael Grunwald, un partisan d’Obama et du Parti démocrate, avait écrit « j’ai hâte d’écrire un papier défendant l’attaque de drone qui éliminera Julian Assange ». En cela, le journaliste ne faisait qu’exprimer de manière particulièrement ouverte le sentiment qui prévaut dans les médias traditionnels en général.
Les médias à la botte du patronat – comme l’ancien rédacteur en chef du New York Times, Bill Keller, David Gregory de NBC News et Wolf Blitzer de CNN – détestent Snowden, Greenwald, Manning et Assange parce qu’ils ont, pour révéler la vérité à la population des États-Unis et du monde entier, défié la presse dominante qui agit en tant que bras droit de l’État. Les médias américains ont participé au camouflage des crimes commis par le gouvernement et à la victimisation de ceux qui les ont divulgués.
Des figures comme Grunwald feraient bien de se rappeler la poursuite en justice des propagandistes nazis après la Seconde Guerre mondiale. « Dans un complot qui repose sur une fraude comme moyen de preuve », la poursuite dirigée par les États-Unis au tribunal de Nuremberg a souligné que « les colporteurs du groupe conspirateur sont tout aussi coupables et jouent un rôle aussi essentiel que les maîtres planificateurs, même s’ils n’ont peut-être pas contribué de façon substantielle à la formulation de la stratégie de base en se concentrant plutôt à rendre possible l’exécution de cette stratégie. »
La détention de Miranda et les déclarations de Grunwald expriment à la fois la décrépitude de la démocratie et la crainte qui existe au sein de la classe dirigeante. Les divulgations de Snowden nuisent à la crédibilité de la classe dirigeante et à la justification idéologique centrale dont elle s’est servie durant plus d’une décennie : « la guerre contre le terrorisme ». Ces divulgations coïncident avec une opposition internationale croissante contre la politique de militarisme et de contre-révolution sociale. Se trouvant dans l’incapacité de convaincre, l’élite patronale et financière réagi par la terreur et l’intimidation.
La défense des droits démocratiques ne peut être confiée à aucune section de l’establishment dirigeant. Elle doit être associée à la mobilisation des travailleurs et des jeunes aux États-Unis et partout dans le monde dans une lutte politique contre le capitalisme, source de la guerre, de l’inégalité sociale et de la dictature.
Joseph Kishore
* http://www.wsws.org/fr/articles/2013/aou2013/pers-a21.shtml

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