L’Europe des 27 pays. Image : S. Solberg J. Wikimedia Commons
Par Raoul Marc Jennar
Depuis de nombreuses années, j’observe et j’analyse le processus d’intégration des Etats dans ce qui s’appelle aujourd’hui l’Union européenne. J’ai publié un grand nombre d’articles et plusieurs livres.
En partisan convaincu de la nécessité d’unir des peuples victimes, pendant des siècles, des guerres qui leur ont été imposées par leurs dirigeants, j’ai souligné les faiblesses et les carences d’un processus auquel j’adhérais dans son principe. Jusqu’au jour où sa véritable finalité s’est confirmée avec force dans l’Acte unique européen de Jacques Delors : instaurer un espace ouvert où la loi du marché, libérée de toute contrainte démocratique, sociale et écologique, pourra s’affirmer dans sa pureté doctrinale, fut-ce au mépris des intérêts des peuples. Les traités qui suivirent (Maastricht, Amsterdam, Nice, Lisbonne) ont confirmé et aggravé ce dévoiement de la belle idée d’Europe. J’ai pourtant cru que cette UE était réformable. Les traités de 2012 (MES, TSCG) et le projet de grand marché transatlantique ont tué cette illusion. Nous sommes proches de l’inéluctable.
Par mes écrits, mes conférences et quelques interviews, je m’adresse à des milliers de personnes à l’égard desquelles je me sens comptable de mes prises de position. J’estime le moment venu de partager l’état présent de mes réflexions.
Dans 100 jours auront lieu les élections européennes. La gauche éco-socialiste, celle qui remet radicalement en question un système où le chaos économique et financier permet l’exploitation la plus sauvage des humains et de la planète, doit présenter une alternative claire au principal instrument de l’asservissement au marché qu’est l’Union européenne.
Les peuples, dépouillés de leur droit fondamental à décider de leur destin, souffrent trop pour se satisfaire du flou de propositions ambiguës et de promesses de réformes qui ne se réalisent jamais.
Le bilan de l’Union européenne s’impose : c’est un échec.
La démocratie et la justice sociale sont les grandes oubliées de cette construction européenne qui, pour paraphraser Pierre Bourdieu, est bien davantage une destruction démocratique et sociale. Mais il ne s’agit pas d’un oubli. Il s’agit d’une volonté. Au départ d’un processus baptisé « méthode Monnet », un système oligarchique a progressivement été mis en place au mépris de la souveraineté des peuples.
La Cour de Justice de l’UE, s’appuyant sur une interprétation extensive des traités, a construit un ordre juridique imposé aux Etats et à leurs ressortissants qui comporte des choix de société sur lesquels jamais personne ne s’est prononcé et qui bafoue les droits humains fondamentaux tels qu’ils sont énumérés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, en particulier ces droits déclinés aux articles 22 à 27 : droit à la sécurité et à la protection sociales, au travail, à un niveau de vie suffisant, au logement, à la santé, à l’éducation, à la vie culturelle…
Le libre-échange érigé en dogme est devenu l’instrument non pas de la prospérité des peuples, mais de leur asservissement. Ceux-ci sont livrés à la concurrence débridée à laquelle se livrent les firmes à la recherche du moins disant social, fiscal et écologique, dressant les salariés d’Europe les uns contre les autres et faisant renaître, de ce fait, les formes les plus dangereuses de nationalisme.
La pauvreté, la précarité et le chômage ont atteint des sommets inconnus depuis un siècle. Les politiques de l’UE ont ressuscité une catégorie que les luttes sociales avaient fait disparaître : le travailleur pauvre. Elles ont amplifié un phénomène autrefois marginal : le travailleur détaché.
Cette Union européenne est inféodée aux USA et, comme je l’ai démontré dans mon analyse du mandat conféré par les gouvernements de l’UE à la Commission européenne pour négocier le grand marché transatlantique UE-USA, elle se prépare à faire de ses 28 Etats membres 28 colonies américaines.
Cette Union européenne est la négation de l’idéal d’union démocratique et solidaire des peuples d’Europe. Son échec doit être acté.
Une rupture indispensable
La nécessité d’une rupture avec l’ordre néo-libéral qui sévit et fait souffrir les peuples d’Europe n’est plus à démontrer. Nous subissons le joug d’une idéologie appliquée avec le dogmatisme le plus implacable, qui n’a d’égal dans l’histoire de l’humanité que la dictature de l’Eglise catholique pendant des siècles et les totalitarismes qui ont sévi au XXe siècle.
Les institutions européennes infligent un monothéisme de marché dont les peuples souffrent et ne veulent plus. Il s’en suit que la rupture avec l’ordre libéral réclame nécessairement une rupture avec les institutions qui en sont les instruments.
La nécessité de rendre aux peuples la souveraineté dont ils sont les uniques dépositaires s’impose de la même manière si on veut mettre fin à une construction européenne oligarchique qui, en vertu de la « méthode Monnet » de transfert d’attributions politiques à des instances technocratiques, a peu à peu dépouillé les peuples de la maîtrise de leur destin.
Il s’agit donc, très clairement, de rompre avec les orientations politiques et les institutions de l’Union européenne sans pour autant renoncer à unir les peuples d’Europe.
Se pose dès lors la double question : comment procéder à cette rupture et sur quelles bases nouvelles construire cette union ?
Comment organiser la rupture ?
La rupture est un acte de volonté. Une volonté, cela réclame une détermination. Or, quand donc la France, dans le concert européen, s’est-elle assignée un objectif et a-t-elle manifesté une détermination qui auraient témoigné de sa volonté de respecter les attentes du peuple français ? La dernière fois, ce fut en 1966. Mais depuis ?
Quand la Grande-Bretagne exige qu’on lui rende le montant de sa contribution à l’UE, elle l’obtient. Quand l’Allemagne exige une BCE indépendante uniquement en charge de lutter contre l’inflation, elle l’obtient. Quand elle impose sa conception de la politique budgétaire que doivent appliquer les Etats membres de la zone euro, elle l’obtient. Quand le petit Luxembourg et l’Autriche s’opposent à toute harmonisation fiscale, ils l’obtiennent. Mais quand donc, la France gouvernée par le PS a-t-elle manifesté une quelconque volonté qu’il s’agisse de l’Europe sociale, des services publics ou de la démocratisation des institutions européennes ? Poser la question, c’est y répondre.
Il n’y a pas, chez ceux qui se prétendent de gauche, de volonté de s’opposer aux avancées néo-libérales et encore moins d’imposer des politiques sociales. Au contraire, c’est Jacques Delors qui, en 1986, a amené la concurrence de tous contre tous et doté pour ce faire la Commission européenne de pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires. Que la droite acquiesce aux orientations néo-libérales, nul ne doit s’en étonner. Mais que ceux qui se sont jusqu’ici présentés comme des socialistes se fassent les promoteurs de ces orientations, comme on ne cesse de le vérifier, montre que la volonté de pratiquer une autre politique n’existe pas au PS.
Pourtant, si la France seule ne peut inverser le cours des politiques voulues par le patronat en Europe, elle pourrait, parce qu’elle est la France, provoquer la rupture. Et entraîner dans cette rupture d’autres Etats trop petits ou trop faibles ou trop nouveaux pour prendre une telle initiative.
Il y a donc sur la question de la rupture avec les politiques et les institutions de l’UE une nécessité impérieuse de reconstruire avec le peuple un lien de confiance tel qu’il a pu naître du formidable débat de 2005 entre les animateurs de la campagne contre le TCE et le peuple de gauche. L’engagement de rompre avec les politiques et les institutions de l’UE doit être un engagement solennel, sans équivoque, sans faux-fuyants, sans délais.
Comment doit se manifester cette rupture ? Il revient aux élus qui prendront cet engagement devant le corps électoral de n’accorder leur confiance à un gouvernement qu’à la condition que celui-ci prenne trois décisions :
a) demander aux autres Etats membres de l’Union européenne une refondation complète du projet européen ;
b) si la réponse est négative, soumettre au peuple français par voie de référendum :
1. la suspension de la France aux activités de l’Union européenne jusqu’à la conclusion d’un nouveau traité consacrant une Europe démocratique, sociale et écologique ;
2. l’abrogation du titre de la Constitution de la République relatif à l’Union européenne afin de rétablir la primauté du droit national hors duquel aucune politique de gauche n’est possible;
3. l’inscription dans la Constitution de la République d’une disposition en vertu de laquelle tout transfert futur de souveraineté ne peut s’effectuer qu’au terme d’une procédure référendaire ;
c) proposer à l’Assemblée nationale une loi-programme de réparation des politiques mises à mal par les règles européennes du primat de la concurrence et du marché.
La France est un Etat souverain et le peuple français est un peuple souverain. Cette souveraineté ne sera en rien utilisée contre les autres peuples. Mais elle devra se manifester dans toute sa légitimité et toute sa force pour mettre fin à une entreprise d’asservissement des peuples. Ainsi expliquée, elle ralliera le soutien d’autres peuples dont certains souffrent encore davantage que le peuple français des politiques mises en œuvre par les institutions européennes.
La confiance aux élus peut-elle suffire ? Je ne le pense pas. D’abord, parce que la démocratie représentative est en panne, vidée de son sens par la professionnalisation du mandat, la faiblesse de l’institution parlementaire et l’hypertrophie du pouvoir exécutif. Cette prétendue démocratie est devenue une caricature odieuse de l’idéal démocratique au point d’engendrer elle-même l’oligarchie qui domine les peuples d’Europe.
La garantie que les élus respectent l’engagement qu’ils auront pris, c’est que le peuple lui-même se dote de la capacité de limiter dans le temps la validité du parlement et du gouvernement chargés du triple mandat par lequel il aura obtenu la confiance. Comment se doter d’une telle capacité ? Les moyens non violents ne manquent pas depuis la pétition soutenue par des millions de signatures jusqu’à la grève générale.
C’est de la seule volonté du peuple que dépend la fin de la servitude.
Ne pas renoncer pourtant à unir les peuples
Dénoncer l’échec de l’Union européenne ne peut toutefois signifier que l’on doive renoncer à unir les peuples d’Europe. Cette union est d’ailleurs indispensable. Pour cinq raisons, au moins.
Il s’agit de préserver la paix. Pendant des siècles, les peuples de l’Europe ont été engagés par leurs dirigeants dans des guerres incessantes, religieuses ou nationalistes. Et ce ne sont pas les 69 ans de paix depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale – dont cinquante ans de guerre froide – qui suffisent pour balayer la question de la paix comme un argument dérisoire. N’oublions pas les comportements dignes d’avant 1914 de l’Allemagne et de la France au moment où la Yougoslavie vole en éclats. N’oublions pas que le XXe siècle a commencé et s’est achevé à Sarajevo. D’autant qu’à la violence guerrière a succédé aujourd’hui, sous l’égide de l’Union européenne, une violence économique qui dresse dangereusement les peuples d’Europe les uns contre les autres au nom d’une conception de la concurrence qui réveille les chauvinismes exacerbés et les nationalismes.
Il s’agit de protéger des valeurs qui nous sont communes et qui, au regard du reste du monde, nous sont propres. Héritées des philosophes du très européen
Siècle des Lumières, ces valeurs consacrent non seulement les libertés individuelles, mais elles inspirent également des droits collectifs comme ceux déjà énumérés de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
Dans le monde multipolaire qui a succédé à la division du monde en deux blocs rivaux, protéger et promouvoir ces valeurs et rendre possible leur application nécessite aujourd’hui des moyens que seule peut procurer une taille géographique et démographique suffisante, hors de laquelle aucun des Etats européens pris isolément ne pourra éviter la servitude économique, financière et culturelle.
Aucun Etat européen, même pas l’Allemagne n’est en capacité d’imposer, seul, des règles à la finance mondiale et aux firmes multinationales. Une union des peuples d’Europe se donnant, à l’inverse de l’Union européenne, la mission de veiller au bien-être des peuples serait, elle, en capacité de le faire.
Aucun Etat européen, même pas la France, n’offre le cadre pertinent pour s’opposer, à lui seul, au démantèlement des politiques sociales voulu par un patronat puissamment organisé non seulement au niveau européen, mais surtout au niveau atlantique. Il en va de même pour imposer à ce patronat les indispensables mesures qu’impose le réchauffement climatique.
Refuser d’unir les peuples d’Europe, c’est décider la servitude, aux multinationales d’abord, aux grandes puissances de la planète ensuite. Il nous faut chasser de nos esprits la fausse espérance du réflexe Maginot.
Pour ces raisons, il faut élaborer et faire avancer le projet d’une Europe européenne fondée sur des peuples souverains forts de leurs valeurs propres et d’un modèle social commun, maîtresse de ses choix et en solidarité avec le reste du monde.
Les bases de la reconstruction
Sur quelles bases nouvelles construire une union des peuples d’Europe ? Sur la seule base qui compte en démocratie, celle de la souveraineté populaire.
L’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 affirme que «
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »
Quand les sans-culottes se préparent à défendre la Révolution qui venait de briser les chaînes de la tyrannie multiséculaire du trône et de l’autel, c’est au cri de « Vive la Nation » qu’ils se lancent à l’assaut de l’ennemi. Ce cri proclamait à la face de l’Europe que, désormais, tous les pouvoirs émanent non plus de dieu ou du roi, mais du peuple rassemblé. Goethe, présent à Valmy, avait bien compris la portée historique de ce cri, lui qui écrira :
« De ce lieu et de ce jour, date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ».
La Nation, c’est nous. Ce ne sont pas les héritiers des ligues factieuses des années 30 et du régime de Vichy dont la droite sarkozyste a libéré la parole et les comportements. La Nation, ce sont ceux qui se rassemblent place de la Bastille et non ceux qui défilent, le bras tendu, la haine aux lèvres, sur les Champs-Elysées.
La Nation, c’est le peuple souverain. Le seul détenteur de la légitimité et de la légalité. La Nation, ce n’est pas le chauvinisme, c’est encore moins le nationalisme, cet intégrisme du sentiment national qui n’est qu’un appel à l’égoïsme, au repli sur soi, aux réflexes identitaires, à la haine de l’autre. Je fais résolument mien ce propos d’Amin Maaluf «
la vertu première du nationalisme, c’est de trouver pour chaque problème un coupable plutôt qu’une solution. »
Il y a un lien naturel, profond, entre l’affirmation de la souveraineté populaire et la solidarité entre les peuples qui se reconnaissent dans cette valeur commune. C’est sur ce lien et sur lui seul que peut se construire une nouvelle union des peuples d’Europe. Dès lors, c’est sur le libre consentement de chaque peuple que doit se bâtir cette union. Un consentement exprimé par les peuples directement et non pas seulement par ceux qui les représentent ou les dirigent.
Et l’euro ?
On ne joue pas avec le sort des peuples comme on joue à la roulette. Un examen attentif à la fois des politiques actuelles de gestion de l’euro comme des contraintes d’un passage d’une monnaie unique à une monnaie commune fait apparaître que dans les deux cas, le coût social est très élevé. Il l’est encore plus dans l’hypothèse d’un retour à une monnaie nationale totalement indépendante.
Face aux irresponsables du « il n’y a qu’à sortir de l’euro » qui refusent d’expliquer le coût et les dangers d’une telle sortie comme le coût et les dangers du passage à une monnaie commune, il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que nous sommes piégés. Et raison garder.
Le statu quo n’est pas une option. Mais toute réforme de l’actuelle union économique et monétaire doit être marquée du sceau de la volonté prioritaire d’éviter de nouvelles souffrances aux peuples victimes de la finance internationale.
Nul ne peut cacher au peuple français la difficulté et les risques d’une sortie du piège dans lequel les libéraux de droite comme ceux réputés de gauche nous ont plongés.
En tout état de cause, comme pour les traités européens, la question d’une révision des statuts (pour remettre en question son autonomie totale) et des missions (pour lui imposer d’avoir à tenir compte des conséquences de ses décisions sur le développement économique et sur la situation sociale) de la Banque centrale européenne devra être posée aux partenaires au sein de l’UE et leur refus devra faire l’objet d’une question supplémentaire dans le référendum déjà évoqué.
Réaliser le rêve de Jaurès
Il nous faut tirer profit des tragédies du XXe siècle. Car, aujourd’hui, le rêve de Jaurès est possible. L’espace européen n’est plus le théâtre d’affrontements militaires. Mais il est devenu, comme jamais, celui de la lutte des classes. Les moyens que Jaurès voulait utiliser pour empêcher la guerre, il est possible aujourd’hui de les utiliser pour refonder l’Europe : la solidarité de tous les salariés d’Europe. Car l’ennemi n’est plus l’Allemagne. Et le nationalisme militarisé n’est plus le danger.
Il n’y a pas d’opposition entre le peuple allemand et le peuple français, ni entre les autres peuples d’Europe. Ce qui demeure du XXe siècle dans l’Europe d’aujourd’hui, c’est ce qu’exprimait la droite française avant 1940 : «
plutôt Hitler que le Front populaire », c’est, aujourd’hui, la solidarité des libéraux de droite et de ceux qui se prétendent de gauche, au service du patronat. Et le patronat européen a, bien mieux que les forces politiques et syndicales de gauche, tiré les leçons de la vanité des nationalismes. Il a fait la CECA, puis le Marché commun et aujourd’hui l’Union européenne. Ce qui lui a permis, en invoquant la nécessité de dépasser les nationalismes, de contourner par le haut les obstacles démocratiques et sociaux nationaux et de partir à la reconquête d’un pouvoir perdu par sa collaboration avec le fascisme vaincu. Au nom de la nécessité de construire l’Europe, les droites européennes au service des patrons, ont réussi à obtenir, y compris des sociaux-démocrates, des transferts de pouvoir de plus en plus importants vers des organes supranationaux échappant à tout contrôle démocratique et chargés d’initier des politiques de démantèlement social.
Unir par delà les frontières intra-européennes les salariés de toute l’Europe contre cette UE, n’est-ce pas, dans les termes de 2014, réaliser le rêve de Jaurès, non plus aujourd’hui pour empêcher la violence militaire nationaliste, mais pour mettre fin à la violence économique ? Car cette violence trouve sa force immense parce qu’elle s’est inscrite dans le cadre de l’Union européenne et de ses politiques, parce que le MEDEF n’est qu’une composante locale d’un puissant patronat euro-atlantique qui ne trouve rien en face de lui pour s’opposer avec efficacité, puisque la social-démocratie a renoncé au socialisme, puisque que la Confédération des Syndicats Européens est devenue «
la courroie de transmission du patronat », comme le déclarait en 2005 un de ses fondateurs, Georges Debunne.
Aujourd’hui, les propos prémonitoires de Jaurès, en 1894, nous semblent d’une extraordinaire actualité et signent la trahison et l’échec de ceux qui se sont réclamés de lui : «
ce que nous ne voulons pas, c’est que le capitalisme international aille chercher la main d’œuvre sur les marchés où elle est la plus avilie, humiliée, dépréciée pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français et pour amener partout dans le monde, des salaires au niveau des pays où ils sont les plus bas. » (Assemblée nationale, 17 février 1894). Pas plus qu’hier, ceux qui aujourd’hui sont restés socialistes ne veulent cela qui est pourtant la réalité de l’Union européenne et la réalité d’un monde sous la coupe de l’Organisation Mondiale du Commerce
; une réalité que va aggraver encore le grand marché transatlantique si on ne le torpille pas.
Nous n’arrêterons cette machine à broyer les humains et à épuiser la planète que si nous sommes unis, salariés, chômeurs, précaires, femmes et hommes de toute l’Europe qui ne vivent que du travail qu’ils trouvent. Rassemblés par delà nos frontières, nos langues, nos spécificités, en s’appuyant sur ce trésor commun qu’est la souveraineté populaire, nous pouvons provoquer la rupture avec cette Union européenne et construire sur des bases nouvelles l’union des peuples d’Europe.
Partout les peuples souffrent, partout ils se sentent impuissants, dépossédés de leur vie, de leur futur. Partout, et en multitudes de plus nombreuses, ils manifestent et protestent. Ce n’est pas sans raison que nos médias asservis passent quasiment sous silence l’ampleur de cette protestation sociale qui s’exprime dans de nombreux pays de l’UE.
Faisons nôtre le rêve de Jaurès et employons pour nous opposer à la violence économique, l’outil qu’il voulait utiliser pour s’opposer à la violence militaire : la grève générale européenne.
Cela signifie qu’une stratégie politique doit se construire sur la création d’un large rassemblement politique porteur de la volonté de rupture avec l’Union européenne et de fondation d’une union des peuples d’Europe, mais également porteur de la volonté de mobiliser les peuples pour l’inévitable épreuve de force.
Peuples de toute l’Europe, unissons-nous pour mettre fin à l’Union européenne et la remplacer par une union respectueuse de nos souverainetés populaires et soucieuse de nos solidarités entre nous et avec les autres peuples du monde !
rmj
Source : http://www.jennar.fr/?p=3367