Emprunts toxiques : l’étau se resserre autour des collectivités locales
Plus le temps passe, et plus l'avenir pour les collectivités locales victimes des crédits toxiques semble s'assombrir. Un fonds de soutien a bien été créé pour sortir ces collectivités de la spirale négative
- il doit être doté de 100 millions d'euros par an sur quinze ans, soit
1,5 milliard d'euros en tout -, mais il semble bien insuffisant au
regard des indemnités de remboursement anticipé qui seraient dues par
ces collectivités parfois en grandes difficultés financières. Celles-ci
s'élèveraient à 6 milliards d'euros si l'on en croit les discussions des
acteurs concernés en coulisse. Ainsi, le fonds ne prendrait globalement
en charge que 25% du coût de sortie des emprunts toxiques.
Une
part trop faible au sens des collectivités locales qui dénoncent un
fonds mal calibré, comme n'hésitait déjà pas à l'expliquer dans un
communiqué l'agence de notation Fitch, il y a tout juste un an : "Le
projet gouvernemental (...) de créer un fonds pour soutenir les
collectivités locales françaises exposées aux emprunts structurés à
risques ne traite que partiellement le problème. Ce fonds est en effet
insuffisant par rapport au stock de prêts structurés à risques détenus
par les collectivités locales, et une partie des coûts induits par ces
emprunts devra être absorbée directement dans les budgets des
collectivités", expliquait-elle.
Accroître la taille du fonds
L'association
des Acteurs publics contre les emprunts toxiques (APCET) demande donc
le doublement, voir le triplement de la dotation annuelle destinée à ce
fonds. Mais l'Etat et les banques, qui abondent le fonds chacun pour
moitié, ne semblent pas enclins à accroître leur participation.
Une
main pourrait être tendue vers les collectivités territoriales les plus
modestes mais, même le président de l'APCET, Christophe Greffet, se
demande si ces aides viendront en plus ou non des 100 millions d'euros
annuels...
Les collectivités ont désormais jusqu'à la mi-mars
pour constituer un dossier et signer un protocole pour bénéficier du
fonds. Elles seront cependant obligées, pour ce faire, de renoncer à
tout contentieux, en cours ou à venir, à l'encontre des banques, et
notamment de la Société de financement locale (Sfil) - la remplaçante de
Dexia - possédée par l'Etat, et qui a repris une grande partie des
contentieux de l'ancienne leader du marché des prêts aux collectivités
locales.
Renoncer à attaquer en justice ?...
Pour
effectuer ce choix cornélien, les collectivités doivent peser le pour et
le contre. Or, elles ont de moins en moins de marges de manœuvre au
plan judiciaire. Elles ont été défaites sur l'affaire du TEG auprès du
Conseil constitutionnel, qui aurait constitué leur principal levier de
négociation par rapport aux banques et à l'Etat, propriétaire de la
Sfil.
Ainsi, les neuf Sages ont confirmé la loi de finances 2014
qui annihile la décision du Tribunal de grande instance (TGI) de
Nanterre du 8 février 2013, lequel avait annulé les taux d'intérêt de
trois prêts que le Conseil général de Seine-Saint-Denis avait contractés
auprès de Dexia. Celle-ci a perdu l'affaire pour avoir omis de
mentionner le taux effectif global (TEG) dans un fax - le coût réel du
crédit. Ce qui entraîne l'application du taux d'intérêt légal (0,04% en
2014) sur toute la durée du prêt.
... Ou attaquer au niveau européen ?
Du
reste, à l'avenir, de nouvelles jurisprudences en faveur des
collectivités locales pour un autre motif que l'absence de TEG dans le
contrat pourraient émerger dans un des 300 contentieux en cours. Mais
les membres de l'APCET ont bizarrement constaté un report à février 2015
de plusieurs décisions de justice qui devaient intervenir cet
automne...
Que faire alors ? Se résigner à ne pas attaquer en
justice pour bénéficier du fonds de soutien ou miser sur une incertaine
nouvelle jurisprudence ? "Les collectivités ont de toute façon intérêt à solliciter le fonds",
juge Christophe Greffet, qui n'hésitera pas à faire valoir les intérêts
des collectivités locales françaises au niveau de la justice
européenne. Le droit des consommateurs y est en effet plus protecteur
qu'en France, explique-t-il. En outre, le respect de la libre
concurrence étant un des fondements de la justice européenne, quid de ce
fonds abondé par l'Etat qui permet aux banques de régler leurs
contentieux plus confortablement ?