Une vache modifiée pour produire du lait humain.
Des chercheurs argentins ont greffé deux gènes de
femme à une vache pour que l’animal produise des enzymes spécifiques au
lait maternel humain. Une avancée prometteuse qui suscite toutefois
quelques réserves.
Sur les photos, Rosita ISA ressemble à une jolie génisse, dotée du
pelage fauve caractéristique de sa race, les «Jersey». Dans les faits,
elle est une prouesse scientifique. Pour la première fois, des
scientifiques ont réussi à modifier le génome d’une vache pour lui
ajouter deux gènes humains contrôlant la production d’enzymes dans le
lait.
Cette innovation a été réalisée en Argentine, par des chercheurs de
l’Institut national de technologie agricole et de l’université de San
Martin. Rosita, qui résulte d’un clonage, est née le 6 avril. Depuis,
elle est surveillée 24 heures sur 24. Dans dix mois, les chercheurs
devraient, en effectuant une simulation de grossesse, confirmer si les
protéines humaines la lactoferrine et le lysozyme – sont bien présentes
dans son lait. A l’âge adulte, Rosita devrait donner naissance à «des
petits qui auront des gènes modifiés dans 25 à 30% des cas», puisque les
gènes ne sont pas systématiquement transmis à la descendance, estime
Nicolas Mucci, l’un des trois responsables des recherches. Soit autant
d’animaux capables de produire ce lait amélioré.
La lactoferrine existe chez tous les mammifères et permet d’améliorer
l’absorption de fer pour la fabrication des globules rouges. Mais elle
est spécifique à chaque espèce et la lactoferrine bovine n’agit pas sur
les humains. Le lysozyme est un agent anti-infectieux que l’on trouve
peu dans le lait de vache, mais qui est très présent dans le lait
maternel pendant la première semaine de lactation.
Nicolas Mucci affirme que le lait ainsi produit changera la donne
pour les bébés en les «protégeant contre des maladies et en améliorant
l’absorption de fer».
Pas consommable par les nourrissons
Le Pr Patrick Tounian, secrétaire général de la Société française de
pédiatrie (SFP), met toutefois en garde contre les raccourcis
séduisants. «Il s’agit d’une première étape très intéressante, mais le
lait produit par cette vache est encore loin d’être du lait maternel»,
souligne-t-il. «Pour y parvenir, il faudrait transférer à la vache
l’ensemble du génome régissant la production de lait chez la femme»,
soit bien plus de deux gènes, à considérer que cela soit possible.
«Ce lait reste donc impropre à la consommation des nourrissons, qui
ne tolèrent que le vrai lait maternel et les laits maternisés, dont la
composition est strictement réglementée», rappelle encore le
pédiatre-nutritionniste. Selon lui, le principal attrait du lait de
Rosita tient à son enrichissement en lactoferrine. Cette enzyme améliore
l’absorption par l’organisme du fer contenu dans le lait de vache,
ordinairement mal assimilé. «La SFP recommande de donner aux enfants de 1
à 3 ans du lait de croissance, enrichi en acides gras essentiels,
vitamines et minéraux. Mais dans un cas sur deux, les parents ne
respectent pas ce conseil et donnent directement à leur enfant du lait
de vache. Pour ceux-là, un lait enrichi en lactoferrine serait
effectivement préférable à du lait ordinaire». Ce lait pourrait
également être bénéfique aux adultes et adolescents qui consomment peu
ou pas de viande.
En mars, des chercheurs chinois avaient déjà annoncé avoir créé un
troupeau de 200 vaches capables de produire du lait enrichi de trois
enzymes humaines le lysozyme, la lactoferrine et l’alpha-lactalbumine
grâce à une technique différente de celle utilisée par les Argentins.
Les informations sont restées assez floues, mais le scientifique à la
tête du projet, Li Ning, prévoyait une mise sur le marché d’ici une
dizaine d’années.
Source : Le Figaro Santé - P.Fréour - http://sante.lefigaro.fr/actualite/2011/06/15/10938-vache-modifiee-pour-produire-lait-humain?position=4&keyword=lait