Posté par Ygrec
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Entretien réalisé par R. M.
Mardi, 23 Décembre, 2014
Entretien.
Pour Constantin Tsoukalas, sociologue et professeur émérite à
l’université d’Athènes, la
résistance aux politiques d’austérité
imposées au peuple grec relève d’un enjeu démocratique.
afp
Athènes (Grèce), envoyée spéciale.
Quels effets les politiques d’austérité ont-elles produit sur la société grecque ?
Constantin Tsoukalas : La Fédération
internationale des droits de l’homme vient de rendre public un rapport
qui met en évidence les atteintes aux droits humains et les reculs
démocratique résultant de ces politiques. Même dans les beaux quartiers
d’Athènes, les familles bourgeoises n’ont plus les moyens de se chauffer
en hiver. Toutes les catégories sont touchées par cette dégringolade
économique, sociale, morale. Ce n’est pas seulement une question
grecque. La Grèce, en réalité, est un terrain d’expérimentation, pour
tester jusqu’à quel point les richesses, le capital, peuvent être
redistribués au profit des plus riches. Cette expérience se poursuivra
ailleurs, la France elle-même n’est pas à l’abri. C’est une expérience
globale, et surtout européenne, qui inaugure de nouvelles attaques
néolibérales. Nous n’avons pas d’autre choix : il faut résister ! Et
résister, c’est rétablir le politique envers et contre tout, instaurer
un nouveau rapport de forces. Cela dépasse le seul enjeu politique
intérieur grec.
Comment jugez-vous la campagne menée par la Commission européenne contre la gauche, contre Syriza ?
Constantin Tsoukalas : Nous assistons à
une attaque féroce, sans précédent, orchestrée par les bien-pensants
européens et l’establishment international contre l’éventualité d’une
victoire de la gauche. C’est caractéristique de la situation
postdémocratique dans laquelle nous nous trouvons. La mondialisation a
réduit à néant les marges de manœuvre des instances politiques et c’est
le capitalisme global, organisé de façon très opaque, qui impose ses
choix.
Comment expliquez-vous la montée en puissance de la gauche anti-austérité en Grèce.
Constantin Tsoukalas :
Nous traversons une crise humanitaire. En moins de cinq ans, les
ressources de la grande majorité de la population se sont réduites de
moitié. Les travailleurs, les retraités, les chômeurs, ceux qui n’ont
pas d’armes pour résister ont payé l’addition de cette dévaluation
intérieure. Mais il y a des limites objectives à ce que les gens peuvent
supporter et accepter. Si la droite reste, l’émergence d’une nouvelle
forme d’État autoritaire n’est pas à exclure. C’est pourquoi la
résistance doit revêtir des formes démocratiques. Syriza, aujourd’hui,
incarne cette résistance.