mercredi 24 décembre 2014

Obama impuissant face à la fracture communautaire

Posté par Ygrec
Mercredi 24 Décembre 2014 

Dans son édition en vente en kiosques, "Marianne" se penche sur le creusement des divisions et tensions raciales aux Etats-Unis à la suite de violences policières commises contre des Afro-Américains et de la relaxe des policiers blancs qui les ont commises. Et sur l'incapacité d'Obama d'endiguer ce climat de suspicion entre Blancs et Noirs. Une analyse à lire d'urgence à l'heure où l'on apprend qu'un nouveau jeune homme noir a été abattu par la police près de Ferguson.


John Minchillo/AP/SIPA
John Minchillo/AP/SIPA
Hormis quelques éditorialistes hâtifs, personne n'a jamais sérieusement pensé que l'élection de Barack Obama marquait l'avènement d'une Amérique post-raciale, soudainement allégée de deux siècles d'histoire pour le moins compliquée entre Noirs et Blancs. Mais, a contrario, personne n'imaginait qu'à l'approche de sa sixième année de mandat une majorité d'Américains (50 %, contre 40 %) jugeraient négativement l'action du « premier président noir » des Etats-Unis dans le domaine des « relations interraciales », selon le lexique en usage outre-Atlantique.

Cet étonnant verdict est tiré d'un sondage du Pew Research Center, un institut dédié aux questions sociétales, publié le 8 décembre dernier, après qu'un grand jury de New York eut décidé de ne retenir aucune charge contre un officier de police blanc, Daniel Pantaleo, auteur le 17 juillet dernier à Staten Island d'une interpellation musclée (une clé au cou pourtant prohibée dans la police new-yorkaise depuis 1993...) sur un vendeur de cigarettes de contrebande, Eric Garner, un père de famille afro-américain, obèse et plutôt inoffensif. Lequel mourra étouffé après avoir vainement indiqué qu'il ne pouvait plus respirer. Filmé par un vidéaste amateur, son « I can't breathe » désespéré a fait le tour du Net et orne aujourd'hui les maillots des plusieurs stars millionnaires de la NBA.
 
Recours à la force
 
La non-inculpation du policier Pantaleo, alors même qu'un médecin légiste avait qualifié l'arrestation d'homicide, a suscité une vague de protestations dans plusieurs villes américaines, condamnée aussi bien par les habituels activistes des droits civiques que des animateurs de télévision proches de la droite conservatrice, tels Glenn Beck et Bill O'Reilly de Fox News. Ces deux derniers font partie des 57 % d'Américains qui considèrent la décision du jury new-yorkais comme « erronée », mais ils se retrouvent probablement aussi parmi les 39 % d'Américains de toutes origines convaincus que l'appartenance raciale n'y a pas été pour grand-chose quand 62 % des seuls Noirs pensent exactement le contraire. Les premiers y voient une simple bavure, inacceptable car révélatrice d'un manque de professionnalisme d'une partie du New York City Police Department (NYPD), « hors de contrôle », selon l'expression de Glenn Beck. Pour les seconds, voilà juste une énième et accablante preuve que les Noirs restent les cibles désignées d'un profilage et d'une violence policière à caractère raciste, tolérés, sinon excusés par des jurys populaires à dominante « caucasienne ».
 
L'étude du Pew Research révèle que la fracture entre les communautés est encore plus manifeste dans le cas du jeune Noir Michael Brown, abattu de six balles le 9 août dernier à Ferguson (Missouri) lors d'une altercation avec l'officier blanc Darren Wilson. Pour la moitié des sondés, les 12 jurés (neuf Blancs, trois Noirs) chargés de trancher le sort de ce dernier ont eu raison de l'absoudre, le facteur racial n'ayant, pour 48 % d'entre eux, strictement aucun impact dans cette décision. Sans surprise, les Noirs interrogés par les enquêteurs avancent une opinion inverse et dans des proportions considérables (respectivement 80 et 64 %). Rien d'étonnant en conséquence si le reste de l'étude illustre à quel point la confiance dans les institutions judiciaires et policières du pays dépend du clivage ethnique. Le Pew Research offre-t-il ici un tableau inchangé des divisions, tensions et discriminations raciales à l'œuvre dans une Amérique immuable que la présidence Obama n'aurait finalement guère modifiée ?