Claude Hermant : barbouze d’extrême droite et fournisseur d'armes de Coulibaly ?
Mercredi 06 Mai 2015 à 5:00
Bruno Rieth
Claude Hermant, ce nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose. Pourtant, cet ancien militaire de 51 ans est suspecté, comme l'a révélé ce dimanche "La Voix du Nord", d’être impliqué dans un réseau de trafiquant d’armes, réseau qui aurait notamment fourni Amedy Coulibaly, le responsable de le tuerie de l’Hyper Cacher. Retour sur l’itinéraire d’un barbouze issu des rangs d’extrême droite.
Claude Hermant - BAZIZ CHIBANE/SIPA
Ce dimanche, La Voix du Nord révélait que les armes utilisées par Amédy Coulibaly, l’auteur de la prise d’otage de la Porte de Vincennes, pourraient avoir été fournies par une figure de l’extrême droite du Nord, Claude Hermant, un chef de file identitaire au parcours atypique. Mis en examen et écroué fin janvier pour une possible implication dans un trafic d’armes, les enquêteurs le soupçonnent désormais d’avoir également armé, directement ou indirectement, l’auteur de la fusillade de Montrouge le 8 janvier et de la prise d'otage de l'Hyper Cacher du 9 janvier. Et pour compliquer le tout, toujours selon le quotidien régional, des courriels en possession du juge chargé de l’enquête prouveraient qu’il était aussi un informateur de la gendarmerie… Une grande tartufferie ? Pas si l’on se réfère au parcours atypique de cet ancien militaire de 51 ans, ancien barbouze reconvertit dans le survivalisme et le folklore flamand, toujours prêt à faire parler de lui.
C’est en 2001 qu’apparaît pour la première fois le nom de Claude Hermant, dans les colonnes du journal Libération. Renaud Dély et Karl Laske mettent la main sur cet ancien membre du service d’ordre du Front national, le DPS (pour Département Protection et Sécurité), auquel il aurait appartenu pendant six ans. Et ce que leur révèle alors l’homme est explosif. Selon ses dires, le DPS, déjà sous le feu des projecteurs après un rapport parlementaire sur ses dérives militaristes, aurait constitué une cellule de « 30 à 60 fantômes » jusqu’en 1999, fonctionnant avec des faux- papiers, tantôt espions, infiltrés, agitateurs dans les banlieues, ou encore hommes de main. Recruté par Bernard Courcelles, l’ancien directeur du DPS à l’origine de la création de cette cellule fantôme, l’ancien para, champion de boxe américaine, est envoyé au Congo pour mener une « mission de sécurité ». Sauf que l’opération qui s’apparente à un faux-putsch contre le pouvoir en place, véritable scénario à la pied nickelé, prend rapidement l’eau et Claude Hermant est arrêté, emprisonné et même lâché par son responsable Bernard Courcelles, comme le racontait en 2001 Karl Laske. Finalement gracié par le président Denis Sassou N’Guesso, il coupe brutalement les ponts avec le DPS et pour se venger, balance aux deux journalistes de Libé son histoire.
On le retrouve en 2008, lors de la création de la Vlaams Huis, la Maison du peuple flamand, basée à Lambersart, commune jouxtant la métropole lilloise. Une association pour promouvoir et défendre « la culture flamande » selon ses fondateurs. Un lieu qui permet surtout aux Identitaires de la région de se rassembler pour parler politique, à l’occasion, et descendre des bières, surtout, accoudés au comptoir du bar du local. Yoann Mutte, ainsi que ses camarades impliqués dans l’attaque d’un bar gay à Lille, ce fait divers qui avait fait grand bruit en plein débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, avaient d’ailleurs leurs petites habitudes à la Maison du peuple Flamand. Mutte, en plus de taper sur des homosexuels, faisait partie du mouvement Troisième voie de Serge Ayoub, structure depuis dissoute suite à la mort du jeune militant antifasciste Clément Méric, lors d’une rixe avec des skinheads proches d'Ayoub. Il faut dire qu'Hermant et Ayoub avaient un temps songé à faire route commune. Une alliance qui s’était concrétisée lors d’une manifestation à Lille le 8 octobre 2011, rassemblement de tout ce que compte la France de crânes rasés et de xénophobes de tout poil (voir vidéo ci-dessous).
Cette même année, notre ancien barbouze, dans une logique d’expansion du mouvement identitaire dans le Nord, participe aussi à l’ouverture d’un nouveau lieu, la Maison de l’Artois, dans la petite ville d’Auchel. Une structure calquée sur le modèle de la Vlaams Huis mais qui rencontre l'opposition de syndicats et d'associations locales. Outre des bagarres à répétition, l’institution se distingue par un « week-end Trident », organisé là encore en partenariat avec Serge Ayoub, qui voit débarquer dans cette commune du Nord-Pas-de Calais, crânes rasés et porteurs de Dr. Martens en tout genre, certains de ces énergumènes se baladant avec des masques d’Adolf Hitler, arborant des tatouages « de croix gammées sur le corps », selon un témoin de la scène interrogé par un canard local. Mais l’expérience ne dure pas et en 2012, Claude Hermant doit dissoudre la Maison des identitaires de l’Artois ainsi que la Maison flamande en 2012.
Mais l’ancien militaire ne s’avoue pas vaincu. Outre une apparition dans un reportage de M6 sur le survivalisme, dans lequel Hermant étale fièrement sa collection d’armes, il se lance dans la friterie, devenant gérant de la Frite Rit, située à Lille dans le secteur Gambetta-Solférino (ça ne s’invente pas). Un Hermant rangé des voitures donc… Pas vraiment puisque en 2014, en représailles à une attaque commise contre des participants à un concert antifasciste, l’ancien militaire est attaqué à son tour dans sa friterie. Il répond à ses attaquants à coup de matraque télescopique et flash-ball, comme on peut le constater dans une vidéo (voir ci-dessous) ajoutée par ses soins, sous le regard médusé des riverains.
Utilisation d’un lanceur de balles de défense généralement réservé aux forces de police qui ne lui vaudra pourtant pas d’être inquiété le moins du monde par les autorités judiciaires...