La France, nouvelle naine politique de l’Europe ?
L’Allemagne souhaiterait « intimider » la France à travers le dossier grec, et elle chercherait à lui imposer sa « rigueur ». C’est par ces déclarations que Yanis Varoufakis et Joseph Stiglitz ont récemment qualifié la pression exercée sur l’Hexagone… Qui à force de présenter des performances économiques décevantes, sans vision européenne ambitieuse, laisse Berlin jouer un rôle impérialiste qu’elle ne souhaite pas forcément.
Dans le cas du dossier grec, la communication du gouvernement français a bien sûr insisté sur le fait que Paris avait ainsi permis le compromis qui évitait le pire. Mais notez qu’on pourrait aussi décrire l’épisode d’une manière très différente: François Hollande a de fait aidé l’Allemagne à faire plier le gouvernement grec, forcé d’accepter un plan très dur – celui-là même qui avait été rejeté massivement quelques jours auparavant par les électeurs Grecs lors du referendum.
Je ne suis pas sûr de toujours comprendre en quoi consiste précisément ce fameux “modèle français”. S’agit-il du modèle à 10% de chomeurs ? S’il existe, disons que ce n’est pas un “modèle » que le reste du monde envie forcément. Je vous rappelle que la France est l’un des trois seuls pays de la zone euro où le chômage ait augmenté en juillet. Mais je ne crois pas du tout que les réformes entreprises par le gouvernement Valls bouleversent quoi que ce soit de l’équilibre que la France tente de préserver entre dynamisme économique et protection sociale (pour faire bref).
On peut discuter de l’ampleur et du rythme des réformes, et à l’évidence certains membres du gouvernement allemand pensent qu’elles ne vont pas assez vite, mais je crois que Valls, Macron et leurs amis sont assez convaincants quand ils expliquent qu’Europe ou pas, Allemagne ou pas, les réformes – et une certaine retenue budgétaire, qui est loin d’être de la “rigueur” – étaient nécessaires indépendamment de toute pression étrangère.
La force de l’Europe a toujours été la voie médiane. La social-démocratie nordique ou l’économie sociale de marché allemande jusqu’aux années 90 étaient les meilleurs exemples de cette démarche collaborative au sein des nations. La conversion au tout libéral de l’Allemagne au tournant des années 2000 a bouleversé l’équilibre européen en la matière et pourrait bien l’amener à l’échec. Aucune aventure purement nationale – c’est-à-dire déterminée à partir des seuls intérêts d’un Etat, comme l’Allemagne d’aujourd’hui – n’a d’avenir dans un monde sans conflit comme l’Europe. Le compromis intelligent entre les Etats de l’UE est notre avenir : pourquoi se battre pour un respect des 3% de Maastricht lorsque l’Allemagne déstabilise l’Europe en ayant plus de 6% d’excédent de commerce extérieur.
Cependant, entre les économies de la zone euro, il existe des interactions complexes. Les réformes allemandes des années Schröder ont creusé l’écart mais une partie de nos faiblesses n’est due qu’à nous-mêmes. Si la France a moins de poids en Europe, c’est parce que ses performances sont souvent médiocres et surtout parce que nos gouvernants s’accommode de cette médiocrité.
Cet article a été intégralement composé à partir d’extraits des entretiens de Pierre Briançon, Sylvie Goulard et Jean Luc Sauron par Atlantico.