La recette des licenciements secs, chez Astek, daterait de 2009
Laurence Mauriaucourt
Vendredi, 25 Septembre, 2015
L'Humanité
À la suite des révélations de l’Humanité du 15 septembre, au sujet de licenciements individuels massifs au sein du groupe informatique Astek,
la direction tente de se disculper. De nouveaux documents témoignent pourtant d’un système qui a cours depuis six ans.
Ni la direction générale, ni la direction de l’agence Astek Sud-Est située à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), mises en cause dans les révélations publiées la semaine dernière, ne sont entrées en contact avec l’Humanité. C’est dans les colonnes de Nice Matin que les dirigeants se sont dits « profondément choqués par les articles parus récemment dans la presse ». La direction conteste « fermement » ces faits « supposés être intervenus il y a presque deux ans », relève le quotidien régional. La société affirme avoir saisi son « avocat afin qu’il engage toutes les actions judiciaires qui s’avéreront nécessaires, notamment en diffamation, à l’encontre des médias qui se sont fait l’écho des accusations infondées dont (elle fait l’objet) ». Néanmoins, le groupe annonce le lancement d’une « enquête interne, dont le but est de vérifier la véracité et l’authenticité des informations et pièces publiées, (et d’établir) comment certaines informations et documents de l’entreprise auraient été détournés et abusivement instrumentalisés ». L’entreprise se dit également en « droit d’engager toutes poursuites, en particulier sur le plan pénal, pour voir sanctionner de tels détournements ».
Autrement dit, il serait davantage question de mener une chasse aux sorcières envers d’éventuelles « taupes » et de livrer bataille contre la presse plutôt que de s’attaquer au fond des problèmes.
Le 25 avril 2009, le projet de se séparer de salariés entre deux missions s’affine : Nadège Mariani, directrice commerciale du groupe Astek, adresse un courriel interne pour « donner quelques éclairages sur les précautions à prendre dans le cadre des dispositifs que nous sommes amenés à prendre actuellement ». Et de lister alors toute une série de façons possibles pour se séparer d’un salarié…. Y compris en s’appuyant sur « un manque d’intérêt et de motivation » pour justifier d’un « licenciement pour “faute simple” ».
Ces nouvelles données viendront sans doute conforter la CFDT Astek, le Parti socialiste des Alpes-Maritimes, et le PCF-Front de gauche qui réagissaient dès la fin de la semaine dernière. La CFDT Astek écrit ne pas être « surprise » face « aux pratiques managériales inacceptables mettant en œuvre une industrialisation des licenciements pour motif personnel au sein du groupe Astek » et « pense que ces processus ne sont pas limités à ses collègues azuréens ». Le communiqué du syndicat rappelle que « depuis des années, les différentes instances représentatives du personnel du groupe n’ont eu de cesse d’interpeller la direction sur des pratiques d’un autre temps », ainsi que les inspecteurs du travail ou les tribunaux. Le syndicat revendique auprès de la direction « de garantir à chacun de ses collègues un emploi dans des conditions de travail décentes et de mettre en place le respect dans toutes les strates (du) groupe ». Le communiqué de la CFDT Astek « demande également à tous les clients du groupe (Amadeus, SNCF, Orange, Thales, Société générale, etc.) d’être vigilant et exigeant concernant les pratiques sociales de leurs différents sous-traitants ». De son côté, la fédération du Parti socialiste des Alpes-Maritimes et la section locale de Valbonne appellent « les élus locaux, et notamment le député et président de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis, le sénateur-maire de Valbonne, ainsi que les services de l’État (dont la Direccte) à se saisir du dossier pour faire cesser toutes les entorses à la législation du travail qui pourront être établies ». Le conseiller régional PCF-Front de gauche Gérard Piel nous informe qu’un tract sera distribué la semaine prochaine aux 25 000 salariés de la Silicon Valley française, Sophia Antipolis, qui « ne doit pas être une zone de non-droit ». « Des centaines de salariés sont poussés à devenir auto-entrepreneurs ou indépendants pour conserver leur poste, avec tout ce que cela leur fait perdre de protection sociale et de droits, notamment au niveau du temps de travail », dénonce-t-il. Savoir que ces « tâcherons du xxie siècle s’épuisent pour Astek en sous-traitance pour des entreprises publiques comme la SNCF et Air France » révolte l’élu communiste. « Astek et d’autres se gavent ici d’argent public au su du président de la communauté d’agglomération, Jean Leonetti (“Les Républicains”), et du sénateur socialiste de Valbonne, dont le silence sur la gestion illégale des personnels pèse lourd. »
La direction d’Astek a convoqué un comité central d’entreprise extraordinaire ce mercredi 30 septembre qui promet d’être mouvementé.
Autrement dit, il serait davantage question de mener une chasse aux sorcières envers d’éventuelles « taupes » et de livrer bataille contre la presse plutôt que de s’attaquer au fond des problèmes.
Manquer de motivation devient une faute grave
Comment la direction peut-elle être « choquée » alors que Julien Gavaldon, actuel directeur général du groupe, était placé en copie d’un courriel dont l’Humanité est en possession et publié par Politis ? Le haut de la pyramide du groupe Astek est d’ailleurs une fois de plus placé au cœur du scandale dans de nouveaux documents détenus par l’Humanité depuis le début la de semaine. Un courriel d’abord, daté du 22 janvier 2009, émanant de Jean-Luc Bernard, fondateur et premier actionnaire d’Astek, adressé aux membres des directions d’agence et au service juridique, s’exprime en ces termes : « Tout d’abord par ces temps difficiles et compliqués, je rappelle que nos ingénieurs ont (quasiment) tous une clause de mobilité. Donc on ne perd pas de temps à séduire untel ou untel (sauf exception notable) pour qu’il “nous fasse l’honneur d’accepter éventuellement” une mission. (…) Par conséquent le message c’est : si un ingénieur refuse de se déplacer pour une mission, il est alors licencié pour faute grave sur-le-champ dès son premier refus : Alice préparez-vous. » Alice T. était à l’époque chargée de la direction juridique du groupe. Elle a quitté l’entreprise après y avoir passé plus de cinq ans.Le 25 avril 2009, le projet de se séparer de salariés entre deux missions s’affine : Nadège Mariani, directrice commerciale du groupe Astek, adresse un courriel interne pour « donner quelques éclairages sur les précautions à prendre dans le cadre des dispositifs que nous sommes amenés à prendre actuellement ». Et de lister alors toute une série de façons possibles pour se séparer d’un salarié…. Y compris en s’appuyant sur « un manque d’intérêt et de motivation » pour justifier d’un « licenciement pour “faute simple” ».
Ces nouvelles données viendront sans doute conforter la CFDT Astek, le Parti socialiste des Alpes-Maritimes, et le PCF-Front de gauche qui réagissaient dès la fin de la semaine dernière. La CFDT Astek écrit ne pas être « surprise » face « aux pratiques managériales inacceptables mettant en œuvre une industrialisation des licenciements pour motif personnel au sein du groupe Astek » et « pense que ces processus ne sont pas limités à ses collègues azuréens ». Le communiqué du syndicat rappelle que « depuis des années, les différentes instances représentatives du personnel du groupe n’ont eu de cesse d’interpeller la direction sur des pratiques d’un autre temps », ainsi que les inspecteurs du travail ou les tribunaux. Le syndicat revendique auprès de la direction « de garantir à chacun de ses collègues un emploi dans des conditions de travail décentes et de mettre en place le respect dans toutes les strates (du) groupe ». Le communiqué de la CFDT Astek « demande également à tous les clients du groupe (Amadeus, SNCF, Orange, Thales, Société générale, etc.) d’être vigilant et exigeant concernant les pratiques sociales de leurs différents sous-traitants ». De son côté, la fédération du Parti socialiste des Alpes-Maritimes et la section locale de Valbonne appellent « les élus locaux, et notamment le député et président de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis, le sénateur-maire de Valbonne, ainsi que les services de l’État (dont la Direccte) à se saisir du dossier pour faire cesser toutes les entorses à la législation du travail qui pourront être établies ». Le conseiller régional PCF-Front de gauche Gérard Piel nous informe qu’un tract sera distribué la semaine prochaine aux 25 000 salariés de la Silicon Valley française, Sophia Antipolis, qui « ne doit pas être une zone de non-droit ». « Des centaines de salariés sont poussés à devenir auto-entrepreneurs ou indépendants pour conserver leur poste, avec tout ce que cela leur fait perdre de protection sociale et de droits, notamment au niveau du temps de travail », dénonce-t-il. Savoir que ces « tâcherons du xxie siècle s’épuisent pour Astek en sous-traitance pour des entreprises publiques comme la SNCF et Air France » révolte l’élu communiste. « Astek et d’autres se gavent ici d’argent public au su du président de la communauté d’agglomération, Jean Leonetti (“Les Républicains”), et du sénateur socialiste de Valbonne, dont le silence sur la gestion illégale des personnels pèse lourd. »
La direction d’Astek a convoqué un comité central d’entreprise extraordinaire ce mercredi 30 septembre qui promet d’être mouvementé.
Chez ces gens-là, le mieux traité, c’est le chien ? Flash-back. En janvier 2010, 40 % des personnels de l’agence de Lyon, en grève, revendiquaient des revalorisations de salaire. Cela après que la direction eut tout simplement écarté toute idée d’augmentation. Sauf pour le directeur général, Jean-Luc Bernard (dit Daddylecool, sur Twitter), qui venait de s’octroyer 200 000 euros d’augmentation annuelle. Quant à Nadège Mariani, directrice commerciale d’Astek (auteur du courriel précisant la recette pour licencier sans plan social), elle vivait déjà en 2011 à la même adresse que son patron, sur l’île paradisiaque de Saint-Barthélemy. En septembre 2011, elle publiait cette petite annonce dans un journal local : « Recherche garde de chien. Famille demeurant à Petit-Cul-de-Sac, recherche un ange gardien ponctuel pour l’aîné de ses enfants, un adorable cavalier King Charles de 3 ans. Gentil voire très gentil, notamment avec les enfants, il se fera discret mais collant et se damnera pour quelques affectueuses caresses. Inutile de lui faire faire le beau, il est beau ! Si vous aimez les chiens et avez des disponibilités pour le prendre en pension certains we ou durant certaines vacances scolaires, merci de nous contacter. Contact : nmariani@letrader.fr. » Le « trader », c’était sa boîte d’achats groupés, une filiale de Robinson Technologies, qui a fait faillite en spoliant des centaines de consommateurs.