Un nouveau livre sans langue de bois sur l'un de plus grands scandales de toute l'histoire de la médecine... à diffuser sans modération!
Edité par l'Association ALIS (Association Liberté Info Santé)
Vous trouverez sur ce blog, beaucoup d'articles et de vidéos d'actualité. Les points de vue présentés dans ces articles et vidéos ne sont pas forcément les miens, mais ils peuvent amener une réflexion. Chacun se fera une opinion avec autre chose que le discours formaté des politiques et des médias.Vous y trouverez aussi les réponses aux questions qui me sont posées concernant mes livres. Les thèmes de mes ouvrages sont le développement personnel et la spiritualité.
dimanche 30 novembre 2014
« L’essence des médias n’est pas l’information. C’est le pouvoir. » (Les moutons enragés)
« L’essence des médias n’est pas l’information. C’est le pouvoir. »
John PILGER
La semaine dernière, le célèbre journaliste John Pilger a participé à une série de Questions-Réponses avec Des Freedman (le 18 novembre 2014), membre de la Media Reform Coalition (coalition
pour la réforme des média) ; c’était à l’occasion de la sortie du
nouveau livre de Des Freedman « The Contradictions of Media Power » (les
contradictions du pouvoir des médias.) Nous avons extrait les
meilleures citations de cette intervention de John Pilger, ce qui donne
un aperçu de son expérience et de sa compréhension du pouvoir des
médias ; nous pouvons tous en apprendre. Et il a véritablement été
brillant.
Aujourd’hui
les médias sont, comme l’avait décrit le père de la propagande, Edward
Bernays, « un gouvernement invisible ». Ils font partie du gouvernement.
Ils défendent les intérêts du gouvernement. Le premier ministre est un
chargé de relation publique de profession, et pas des meilleurs. C’est
tout ce qu’il est. Il ne doit pas être pris au sérieux, c’est juste son
rôle. Cette position lui confère certains aspects du pouvoir. Mais le
véritable pouvoir réside dans la propagande et les médias. C’est
aujourd’hui le cas sur la planète entière.
Durant les prémices de l’invasion de l’Irak, le journalisme a joué un rôle critique dans la concrétisation de l’invasion. Particulièrement aux USA, qui ont – selon la constitution – la presse la plus libre du monde.
Quand je discute de cela avec nombre de collègues distingués aux Etats-Unis et ici, à la suite de l’invasion, ils étaient unanimes, si les journalistes aux postes concernés, à la télévision et dans les journaux (surtout à la télévision, à cause de son pouvoir), si ils avaient contesté les mensonges, s’ils les avaient confrontés, s’ils avaient fait ce qu’est censé faire un journaliste, s’ils avaient, comme le dit Dan Rather de CBS – posé les questions critiques, au lieu d’amplifier et de faire écho aux mensonges, s’ils avaient fait leur travail, ils pensent tous que l’invasion n’aurait pas eu lieu. Le fait qu’ils disent ça, et il s’agit de membres éminents des médias des deux côtés de l’Atlantique, que si les journalistes avaient fait leur travail, l’invasion aurait pu ne pas avoir lieu, et des centaines de milliers de gens seraient encore en vie aujourd’hui. C’est le véritable pouvoir des médias.
Vous travaillez au sein d’un système qui est par nature hostile à la vérité. Je le dis sans ironie, je le pense vraiment. Il est hostile à la vérité. Il suffit de constater la réaction des médias face aux lanceurs d’alertes comme Edward Snowden, Julian Assange. La réaction amère de ceux qui font honte aux médias, tous en chœur.
Il y a ce qu’on appelle la censure par omission. Vous ne discutez pas de ce que vous choisissez d’ignorer, mais ça passe à la trappe.
Si vous remontez à 2008, les histoires sur BBC News, dans tous les journaux, les banques étaient soudainement des escrocs. Quand la Northern Rock s‘est effondrée, les banques étaient des escrocs, elles étaient toutes exposées. Le Guardian était rempli d’articles sépulcreux sur comment les banques étaient pourries de l’intérieur. C’était l’info du jour.
Un aperçu. Cette histoire s’est essoufflée après trois mois et fut totalement inversée, ce n’était plus les banquiers, mais le résultat d’une dette nationale et d’une narrative contrôlée qui était là et qui s’appelait austérité et cette dette devait être payée. Pourquoi ? Pourquoi devait-elle l’être ? Les gens que vous citez (46% des gens pensent que l’austérité va trop loin ou n’est pas nécessaire) c’est une majorité. Si vous obtenez cela dans les sondages, 46%, c’est une majorité. Cela prouve encore que la plupart des gens ont cerné les médias. Ils les ont cernés, en terme de guerre, d’économie, de mode de vie. Nous avons donc entre-aperçu la vérité sur cette criminalité massive, toute cette architecture pourrie s’était effondrée, enfin presque. Les banques furent nationalisées, sans conditions. La conscience des raisons pour lesquelles c’était arrivé, qui fut présente pendant environ 6 mois, fut, grâce à un système de propagande très efficace, totalement effacée. Ce n’était plus la faute des banques, mais « nôtre faute ».
Nous devrions arrêter d’utiliser le terme mainstream. C’est une appellation erronée. Nous en sommes toujours à regarder à travers ce prisme qu’on appelle mainstream. Ce n’est pas du tout mainstream. C’est en réalité extrême. Qu’y-a-t-il de plus extrême qu’une multitude d’institutions qui propagent des guerres illégales et voraces, des mensonges sur les politiques économiques. Qu’y-a-t-il e plus extrême que cela ? Il n’y a rien de mainstream là-dedans.
Le plus grand institut de propagande, en Angleterre, c’est la BBC. Et ce parce qu’il est le plus connu. Il bénéficie de la plus grande crédibilité. Sa renommée est mondiale. Par certains aspects ça peut être mérité. Dans le domaine de l’actualité et des affaires courantes, ça ne l’est absolument pas. Et, encore une fois, ce n’est pas de l’ironie. Donc cette idée que l’on se concentre sur les démons, Murdoch, Le Daily Mail (assez mauvais)…d’une certaine façon le Mail et la BBC se complètent l’un l’autre et se suivent… il s’agit de comprendre le spectre de la propagande et la façon dont cela nous affecte.
Les journalistes doivent-ils représenter le peuple ? Oui, bien sûr, mais comme l’a dit Martha Gelhorn : « Tout journalisme doit se faire depuis la base, pas depuis le sommet ». Ce n’est quasiment jamais le cas. Et c’est quelque chose qu’il faut enseigner aux jeunes journalistes. Ces choses élémentaires que vous faites, les sources d’informations les plus fiables, la manière de chercher la vérité, doit se faire depuis la base. C’est mon expérience en tant que reporter. Et j’ai été amené à me rendre compte que ceux qui sont au-dessus de la base, particulièrement ceux d’en-haut, n’étaient pas des sources fiables d’information.
John Pilger
Traduction Nicolas Casaux du 4eme singe
Durant les prémices de l’invasion de l’Irak, le journalisme a joué un rôle critique dans la concrétisation de l’invasion. Particulièrement aux USA, qui ont – selon la constitution – la presse la plus libre du monde.
Quand je discute de cela avec nombre de collègues distingués aux Etats-Unis et ici, à la suite de l’invasion, ils étaient unanimes, si les journalistes aux postes concernés, à la télévision et dans les journaux (surtout à la télévision, à cause de son pouvoir), si ils avaient contesté les mensonges, s’ils les avaient confrontés, s’ils avaient fait ce qu’est censé faire un journaliste, s’ils avaient, comme le dit Dan Rather de CBS – posé les questions critiques, au lieu d’amplifier et de faire écho aux mensonges, s’ils avaient fait leur travail, ils pensent tous que l’invasion n’aurait pas eu lieu. Le fait qu’ils disent ça, et il s’agit de membres éminents des médias des deux côtés de l’Atlantique, que si les journalistes avaient fait leur travail, l’invasion aurait pu ne pas avoir lieu, et des centaines de milliers de gens seraient encore en vie aujourd’hui. C’est le véritable pouvoir des médias.
Vous travaillez au sein d’un système qui est par nature hostile à la vérité. Je le dis sans ironie, je le pense vraiment. Il est hostile à la vérité. Il suffit de constater la réaction des médias face aux lanceurs d’alertes comme Edward Snowden, Julian Assange. La réaction amère de ceux qui font honte aux médias, tous en chœur.
Il y a ce qu’on appelle la censure par omission. Vous ne discutez pas de ce que vous choisissez d’ignorer, mais ça passe à la trappe.
Si vous remontez à 2008, les histoires sur BBC News, dans tous les journaux, les banques étaient soudainement des escrocs. Quand la Northern Rock s‘est effondrée, les banques étaient des escrocs, elles étaient toutes exposées. Le Guardian était rempli d’articles sépulcreux sur comment les banques étaient pourries de l’intérieur. C’était l’info du jour.
Un aperçu. Cette histoire s’est essoufflée après trois mois et fut totalement inversée, ce n’était plus les banquiers, mais le résultat d’une dette nationale et d’une narrative contrôlée qui était là et qui s’appelait austérité et cette dette devait être payée. Pourquoi ? Pourquoi devait-elle l’être ? Les gens que vous citez (46% des gens pensent que l’austérité va trop loin ou n’est pas nécessaire) c’est une majorité. Si vous obtenez cela dans les sondages, 46%, c’est une majorité. Cela prouve encore que la plupart des gens ont cerné les médias. Ils les ont cernés, en terme de guerre, d’économie, de mode de vie. Nous avons donc entre-aperçu la vérité sur cette criminalité massive, toute cette architecture pourrie s’était effondrée, enfin presque. Les banques furent nationalisées, sans conditions. La conscience des raisons pour lesquelles c’était arrivé, qui fut présente pendant environ 6 mois, fut, grâce à un système de propagande très efficace, totalement effacée. Ce n’était plus la faute des banques, mais « nôtre faute ».
Nous devrions arrêter d’utiliser le terme mainstream. C’est une appellation erronée. Nous en sommes toujours à regarder à travers ce prisme qu’on appelle mainstream. Ce n’est pas du tout mainstream. C’est en réalité extrême. Qu’y-a-t-il de plus extrême qu’une multitude d’institutions qui propagent des guerres illégales et voraces, des mensonges sur les politiques économiques. Qu’y-a-t-il e plus extrême que cela ? Il n’y a rien de mainstream là-dedans.
Le plus grand institut de propagande, en Angleterre, c’est la BBC. Et ce parce qu’il est le plus connu. Il bénéficie de la plus grande crédibilité. Sa renommée est mondiale. Par certains aspects ça peut être mérité. Dans le domaine de l’actualité et des affaires courantes, ça ne l’est absolument pas. Et, encore une fois, ce n’est pas de l’ironie. Donc cette idée que l’on se concentre sur les démons, Murdoch, Le Daily Mail (assez mauvais)…d’une certaine façon le Mail et la BBC se complètent l’un l’autre et se suivent… il s’agit de comprendre le spectre de la propagande et la façon dont cela nous affecte.
Les journalistes doivent-ils représenter le peuple ? Oui, bien sûr, mais comme l’a dit Martha Gelhorn : « Tout journalisme doit se faire depuis la base, pas depuis le sommet ». Ce n’est quasiment jamais le cas. Et c’est quelque chose qu’il faut enseigner aux jeunes journalistes. Ces choses élémentaires que vous faites, les sources d’informations les plus fiables, la manière de chercher la vérité, doit se faire depuis la base. C’est mon expérience en tant que reporter. Et j’ai été amené à me rendre compte que ceux qui sont au-dessus de la base, particulièrement ceux d’en-haut, n’étaient pas des sources fiables d’information.
John Pilger
Traduction Nicolas Casaux du 4eme singe
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http://www.legrandsoir.info/l-essence-des-medias-n-est-pas-l-information-c-est-le-pouvoir.html
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Avoir 20 ans dans les quartiers populaires : mépris de « classe » et humiliation de « race » Saïd Bouamama (Investig action)
Avoir 20 ans dans les quartiers populaires : mépris de « classe » et humiliation de « race » Saïd Bouamama
|
25 novembre 2014
Le mi-mandat de François Hollande a été l’occasion d’une émission télévisée avec le président de la République soigneusement préparée et tout aussi attentivement scrutée par les « experts » et « chroniqueurs » divers en charge d’éclairer « l’opinion ». Les quartiers populaires et leurs habitants ont été les grands absents, tant dans l’émission télévisée elle-même que dans les commentaires de nos chroniqueurs compétents. Pourtant, lors des dernières présidentielles de 2012, les quartiers populaires sont au cœur de la campagne socialiste. « Avec François Hollande, nous avons fait un choix qui n'était pas évident : celui de ne pas vouloir annoncer un "plan gadget" de plus, mais plutôt d'aborder de manière transversale la priorité donnée aux quartiers populaires (1) » déclare par exemple au Monde, Razzy Hammadi, le chargé de la politique de la ville auprès de François Hollande. Pourtant les quartiers populaires connaissent une véritable descente aux enfers depuis plusieurs décennies que les choix économiques de François Hollande confortent et accélèrent. Regardons nos quartiers populaires.
Paupérisation, précarisation, discrimination
Avec sensationnalisme les médias lourds reviennent régulièrement sur
les quartiers populaires pour en souligner les « dangers » : réserves de
« djihadistes », espaces soi-disant de « non-droit », violences
endémiques, lieux de deals incontrôlables et incontrôlés, etc. Ces
images chocs sont décontextualisées. Les contextes historiques et
économiques sont éludés avec un double résultat : une réduction des
quartiers populaires à la négativité avec l’occultation des résistances
et des initiatives populaires pour résister à la dégradation de leurs
environnements ; une imputation des responsabilités de la situation
aux habitants, aux jeunes, aux parents, etc. Pour ne citer qu’un
exemple, citons celui du reportage d’Envoyé spécial consacré au quartier
de la Villeneuve à Grenoble, intitulé « La Villeneuve : le rêve
brisé ». Véritable caricature imbibée de mépris de classe, ce reportage a
suscité la réaction suivante d’habitants du quartier :
« Nous habitants de La Villeneuve de Grenoble et de tous les
quartiers populaires, citoyens, élus, sommes choqués, blessés et
indignés par le reportage diffusé sur France 2 le 26 septembre 2013 dans
l’émission "Envoyé spécial" : "Villeneuve, le rêve brisé". Nous sommes
en colère, car ce reportage ne montre qu’une face de notre quartier. En
colère car il cède à la facilité et au sensationnel. Il est tendancieux,
ce qui est indigne de notre service public de l’audio-visuel (2).
Rappelons donc quelques éléments de ces contextes occultés en prenant
comme point d’appui les Zones Urbaines Sensibles (ZUS) qui sont des
révélateurs d’un processus de dégradation qui touche l’ensemble des
quartiers populaires. Le premier constat est le déploiement depuis
plusieurs décennies d’un processus de paupérisation dans les quartiers
populaires. Le rapport 2013 de l’Observatoire National des Zones
Urbaines Sensibles (ONZUS) nous offre quelques indicateurs statistiques
significatifs sur les 751 quartiers considérés comme « sensibles » : le
taux de chômage y est en 2012 de 24, 2 % contre 10,1 % au niveau
national, le taux de pauvreté est de 36,5 % soit 2,6 fois plus élevé que
sur le reste du territoire (14,6 %), le revenu annuel moyen des
habitants est de 12 500 euros c’est-à-dire 54 % seulement du taux moyen
national (3).
La situation des jeunes est encore plus dramatique. Il ne s’agit pas
d’une dégradation conjoncturelle mais d’une mutation structurelle
s’étalant désormais sur plusieurs décennies comme en témoigne les
rapports des années antérieures du même organisme. Pour ne prendre en
exemple que les dernières années et le seul taux de chômage des 15-64
ans, le même rapport nous révèle l’évolution suivante : 16, 7 % en 2008,
18, 5 % en 2009, 21,9 % en 2010, 22,7 % en 2011, 24, 2 % en 2012 (4).
Les rapports 2014 du Secours Catholique (5) et du Secours Populaire
(6) convergent vers le constat d’une aggravation de la paupérisation sur
l’ensemble du territoire et à plus forte raison dans les territoires
les plus pauvres. La situation est encore plus dramatique pour les
nouvelles générations avec un taux de chômage de 45 % pour les 15-25 ans
(contre 22,7 % pour les 25-49 ans en ZUS et 23, 1 % pour les jeunes
hors ZUS).
L’inscription dans la durée du processus de paupérisation ne
peut que susciter des tendances au développement d’un rapport craintif,
sceptique, désespéré, etc., à l’avenir. Ce qui est surprenant ce n’est
pas que des quartiers explosent régulièrement mais le fait qu’ils
n’explosent pas plus souvent. L’explication est logique : ils
n’explosent pas parce qu’une partie de leurs habitants implosent.
Le second processus en œuvre dans les quartiers populaires est le
processus de précarisation. Le travail et la classe ouvrière existent
encore dans les quartiers populaires contrairement aux affirmations
nombreuses d’il y a quelques années. En revanche le rapport au travail
est de plus en plus intermittent, passager, irrégulier, entrecoupé de
périodes longues d’inactivité. L’organisation de la précarité est aussi
institutionnellement produite par les fameux « contrats aidés » aux
multiples noms, structurant progressivement un marché du travail
segmenté aux droits inégaux. Le CDD, l’intérim et le contrat aidé sont
pour un nombre toujours croissant d’habitants des quartiers populaires,
et de manière encore plus prégnante pour les jeunes, l’horizon maximum
d’attente.
L’entrée dans la vie active par l’emploi précaire c’est concrètement
la perte de plusieurs horizons d’autonomie se répercutant sur toutes les
sphères de la vie sociale : accès au logement autonome, rapports
affectifs et amoureux, estime de soi et santé, agenda des priorités,
etc.
Avoir vingt ans dans les quartiers populaires c’est
objectivement, pour la majorité des jeunes, être dépossédé du droit à la
projection et être assigné à une temporalité de l’immédiat.
Les jeunes issus de l’immigration postcoloniale subissent de surcroît
des discriminations massives et systémiques dans l’accès à l’ensemble
des biens rares (formation, logement, emploi, etc.) et en particulier
dans l’accès à l’emploi en général et à l’emploi stable en particulier.
Pour avoir été sous-estimées et même niées pendant des décennies, y
compris dans les organisations des classes populaires, ces
discriminations racistes n’en sont pas pour autant neuves. Les parents
de ces jeunes les ont subies mais l’impact destructif est plus important
pour les nouvelles générations.
Le sentiment d’injustice est d’autant plus insupportable pour ces
jeunes qu’ils sont nés et ont été socialisés en France. Ne se percevant
pas comme étrangers, ces jeunes ressentent, à juste titre et encore plus
que leurs parents, les discriminations subies comme une injustice
fondamentale, brutale et injustifiable. L’absence ou la place secondaire
des discriminations racistes dans les programmes des organisations
politiques ou syndicales renforce encore la certitude d’être traité
comme une population de seconde zone. Depuis l’enquête du Bureau
international du travail de 2008 (7) plus personne ne peut nier le
caractère massif des discriminations d’autant plus que les résultats ont
été confirmés depuis par de nombreuses autres recherches (8).
Cette enquête par testing met en exergue que 4 employeurs sur 5
privilégient le candidat du groupe majoritaire (non issu de
l’immigration postcoloniale) sur ceux issus de groupes minoritaires
(français Noirs ou Arabes).
Toutes les analyses qui occultent les discriminations racistes ne
peuvent que devenir aveugles à la réalité des quartiers populaires.
Quand par peur de prononcer le mot « race » ou que par coquetterie
intellectuelle on se contorsionne pour mentionner une telle inégalité
sans la nommer et/ou sans vouloir la mesurer, on contribue objectivement
à la reproduire. De même, toutes les analyses qui confondent les
réactions à la violence systémique subie (pouvant bien sûr se tromper de
cibles) et le racisme systémique et la violence massive qui en
découlent, en amalgamant les deux sous le vocable de racisme (9),
alimentent volontairement ou non (le résultat est le même) le racisme
systémique. Qu’on le veuille ou non, la classe se vit aussi de manière
racisée dans le capitalisme mondialisé contemporain. Reconnaître la
réalité pour ce qu’elle est, est la première étape pour pouvoir la
transformer.
L’occultation dans les reconstructions médiatiques des
quartiers populaires de ce contexte matériel révèle un mépris de classe.
Que celui-ci soit volontaire ou non, conscient ou non, ne change rien à
l’existence de ce mépris de classe déformant la réalité.
Essentialisation, racialisation et politique de la race
Les quartiers populaires sont également l’objet dans les discours
politiques et médiatiques d’un traitement essentialiste et racialiste
conduisant à la promotion de plus en plus ouverte d’une politique de la
race.
L’essentialisation est l’adoption d’une grille explicative d’un sujet ou
d’une question niant les déterminants historiques, économiques,
politiques, sociaux, etc. La négation de ces déterminants conduit
logiquement à expliquer la réalité à partir d’une « essence » qui
caractériserait un groupe social, une culture ou une religion. Ce groupe
social, cette culture ou cette religion est dès lors considéré comme
invariable historiquement, homogène et indépendant des interactions
avec la société globale. Les causes conduisant à la multiplication
contemporaine des traitements essentialistes des quartiers populaires
peuvent se déduire de facteurs objectivables : d’une part, le besoin
pour le gouvernement de masquer le lien de cause à effet entre une
politique libérale de destruction des sécurités sociales et des services
publics par la mise en avant d’autres causalités. D’autre part, la
recherche du sensationnalisme à finalité d’audimat pour les
journalistes qui conduit à simplifier les réalités et à produire de la
peur, (qui est un) ingrédient fréquent de la « sensation ».
Donnons un exemple d’essentialisation des quartiers populaires parmi de nombreux autres.
Les jeunes des quartiers populaires, tant dans de nombreux reportages
des médias lourds que dans les déclarations politiques implicites,
apparaissent comme étant une population particulière et homogène. Ils
seraient caractérisés par la violence dans leurs relations sociales et
par la désocialisation (10). Les filles ne sont pas présentes dans cette
image essentialiste si ce n’est en tant que victimes du virilisme des
garçons qui serait une autre caractéristique essentielle des jeunes des
quartiers populaires (11). Le jeune des quartiers populaires apparaît
dès lors non pas comme le résultat d’un fonctionnement social mais comme
un sujet fondamentalement porteur de dangerosité. Bien sûr dans un tel
cas de figure la solution n’est pas à chercher dans la suppression des
inégalités mais dans le contrôle et la répression.
La racialisation ou l’ethnicisation est le même processus recherchant
l’« essence explicative » dans un facteur de « race ». Il faut bien
entendu prendre le terme de « race » dans ses évolutions historiques.
Nous savons en effet, depuis Frantz Omar Fanon, que la mécanique raciste
s’adapte aux évolutions des contextes pour maintenir son efficacité.
Fanon a en particulier souligné en 1956 la mutation du racisme
biologique au racisme culturel du fait à la fois des progrès
scientifiques, des horreurs de la seconde guerre mondiale et de la
colonisation (12). Mais l’histoire se poursuit après Fanon et le racisme
continue à prendre de nouveaux visages.
En particulier la traduction du facteur « race » en caractéristique
religieuse est un des nouveaux visages de ce racisme sous la forme de
l’islamophobie. Tous ceux qui pinaillent sur l’utilisation du terme
islamophobie soit sincèrement, par coquetterie intellectuelle ou par
calcul, contribuent au même résultat : l’enracinement et la banalisation
de l’islamophobie.
Force est de constater la multiplication des grilles explicatives
racialistes ou ethnicistes dans les médias et les discours politiques.
Parlant des « émeutes urbaines » c’est-à-dire en fait des « révoltes des
quartiers populaires », Alain Finkielkraut peut déclarer :
"En France, on aimerait bien réduire ces émeutes à leur dimension
sociale, les voir comme une révolte des jeunes des banlieues contre leur
situation, contre la discrimination dont ils souffrent, contre le
chômage. Le problème est que la plupart de ces jeunes sont des Noirs ou
des Arabes avec une identité musulmane. Regardez ! En France il y a
aussi des immigrés dont la situation est difficile — des Chinois, des
Vietnamiens, des Portugais — et ils ne prennent pas part aux émeutes.
C’est pourquoi il est clair que cette révolte a un caractère ethnique et
religieux." (13)
En 2010 le sociologue Lagrange publie son ouvrage Le déni des
cultures (14) dans lequel il prétend expliquer l’échec scolaire et la
délinquance par la culture d’origine des africains subsahariens. Selon
cet auteur, à condition sociale égale, l’origine culturelle serait
explicative des conduites sociales et en particulier de la délinquance.
Il est bien sûr invité sur tous les plateaux. Il faut citer notre
premier ministre Manuel Valls à propos des Rroms pour mesurer l’ampleur
prise par la racialisation ou l’ethnicisation des grilles explicatives :
"C’est illusoire de penser qu’on règlera le problème des
populations roms à travers uniquement l’insertion [ …] Oui, il faut dire
la vérité aux Français [ …] Ces populations ont des modes de vie
extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en
confrontation (avec les populations locales) [ …] C’est illusoire de
penser qu’on règlera le problème des populations roms à travers
uniquement l’insertion [ …] Il n’y a pas d’autre solution que de
démanteler ces campements progressivement et de reconduire (ces
populations) à la frontière." (15)
Non seulement tous les Rroms sont homogénéisés dans une catégorie
unique aux comportements identiques, mais celle-ci est de surcroît
culturellement déterminée pour ne pas s’enraciner en France. Les modes
de vie incriminés n’ont bien sûr rien à voir avec les traitements
discriminatoires qu’ils subissent.
L’essentialisation et la racialisation passent un seuil qualitatif en
se traduisant dans des politiques spécifiques : des politiques de la
race. Au niveau national comme au niveau municipal se multiplient les
exemples de politiques spécifiques pour des populations
« particulières ». Il faut être bien naïf pour continuer à croire que la
loi sur les signes religieux à l’école ne signifie pas concrètement une
politique spécifique pour un foulard spécifiquement musulman. De même
les municipalités ne ramassant pas les ordures des campements Rroms
installés sur leur territoire adoptent une politique spécifique
concernant une population particulière. La banalisation de
l’essentialisation et de la racialisation prépare le terrain à une
politique de la race de plus en plus assumée.
Au mépris de classe que vivent les habitants des quartiers populaires
s’ajoute pour ceux issus de l’immigration une « humiliation de race »
avec toutes les conséquences prévisibles d’encouragement aux passages à
l’acte violents contre les populations désignées comme indésirables et
dangereuses.
Violence sociale et violence contre soi
Les habitants des quartiers populaires subissent une violence sociale
systémique d’autant plus destructrice qu’elle ne se présente pas et
n’est pas perçue comme telle. C’est un des privilèges des classes
dominantes que d’user de la violence économique en la présentant comme
une simple gestion neutre et sans conséquence. Dans les faits les
décisions libérales prises par le gouvernement socialiste détruisent nos
quartiers, assomment notre jeunesse, poussent au désespoir une partie
d’entre nous, « suicident » une autre partie dans la toxicomanie, mènent
à la folie une autre partie encore comme en témoignent les patients
pauvres et issus de l’immigration des hôpitaux psychiatriques, etc.
Cette violence invisible est sans commune mesure avec les violences de
réactions et/ou de défense qui éclatent régulièrement dans les quartiers
populaires.
A cette violence économique s’ajoute la violence idéologique sous la
forme du « mépris de classe » et de « l’humiliation de race » dont nous
avons mentionné ci-dessus quelques formes parmi de nombreuses autres. La
violence des mots qui stigmatisent les quartiers populaires, des
explications de nos difficultés qui rabaissent leurs habitants, des
programmes moralisants censés aider ces quartiers populaires, etc., est
également sans commune mesure avec « l’impolitesse » et/ou la
« vulgarité » que les reportages sensationnalistes imputent aux
habitants des quartiers populaires. Comme le souligne justement Monique
Pinçont-Charlot et Michel Pinçon, la violence des dominants est
invisible, élégante, polie :
"Mobilisés à tous les instants et sur tous les fronts, les plus
riches agissent en tenue de camouflage, costume-cravate et bonnes
manières sur le devant de la scène, exploitation sans vergogne des plus
modestes comme règle d’or dans les coulisses. Cette violence sociale,
relayée par une violence dans les esprits, tient les plus humbles en
respect : respect de la puissance, du savoir, de l’élégance, de la
culture, des relations entre gens du « beau » et du « grand » monde."
(16)
Les habitants des quartiers populaires ne sont pas inactifs face à cette
violence destructrice. Les solidarités de proximité tentent d’amoindrir
l’impact destructeur de la violence économique et idéologique. Les
médiations spontanées de voisinage évitent de nombreux drames. Les
multiples groupes de Rap analysent et dénoncent culturellement (et donc
politiquement) la descente aux enfers des quartiers populaires. De
nombreuses initiatives de mobilisation se prennent dans des luttes pour
le logement, contre les crimes racistes, contre les discriminations,
etc. Ce sont toutes ces réactions de vie qui sont passées sous silence
dans les multiples reportages médiatiques traitant des quartiers
populaires.
Mais l’ampleur de la violence économique et idéologique est telle, que
ces mobilisations citoyennes ne peuvent pas l’enrayer de manière
significative. A côté des réactions de vie se développent des
autodestructions individuelles et/ou collectives. « On nous traite comme des esclaves, on se révolte comme des animaux »
(17) me disait un jeune de Seine-Saint-Denis dans une interview
consacrée aux révoltes populaires de 2005. Frantz Fanon a souligné
l’émergence et le développement de cette autodestruction dans le rapport
colonial. « Cette agressivité, souligne-t-il, sédimentée dans ses
muscles, le colonisé va la manifester d’abord contre les siens. C’est la
période où les nègres se bouffent entre eux (18) ». La situation est
identique dans nos quartiers populaires et elle perdurera tant que n’est
pas disponible un canal commun pour peser sur le rapport de force.
Les discours politiques et médiatiques contribuent par leur
réductionnisme et leur essentialisme à maintenir cette violence contre
soi en désignant des cibles de proximité, des « coupables » de
voisinage, des « ennemis » dans la famille. « Si vous n’êtes pas
vigilants, les médias arriveront à vous faire détester les gens opprimés
et aimer ceux qui les oppriment ». disait Malcom X. Le Rrom, le jeune
dit « des cités », la femme voilée, les musulmans, le voisin, etc., la
production de cibles médiatiquement et politiquement construites tourne à
grand rendement depuis plusieurs décennies pour déstructurer les
quartiers populaires et annihiler leurs capacités de résistance et
d’offensive. Ce faisant, les dominants créent les conditions pour
pouvoir appauvrir massivement sans risque de réaction collective, pour
pouvoir multiplier les guerres coloniales sans ripostes importantes.
Il est temps de reprendre l’initiative.
Notes :
1. Razzy Hammadi, interview au Monde du 30 mars 2012.
2. Pétition, « Après "Villeneuve : le rêve brisé", http://www.petitions24.net/apres_vi...
3. ONZUZ, rapport 2013, Les Editions du Conseil Interministériel à la Ville (CIV), décembre 2013.
4. Idem, p.8.
5. Secours Catholique, Ces pauvres que l’on ne voit plus, rapport statistique du Secours Populaire, http://www.onpes.gouv.fr/Ces-pauvre....
6. Secours Populaire, La pauvreté s’étend et s’enracine, https://www.secourspopulaire.fr/la-....
7. E. Cediey et F. Foroni, Les discriminations à raison de
l’ « origine » dans les embauches en France, une enquête nationale par
tests de discrimination selon la méthode du Bureau International du
Travail, OIT, Genève, 2007.
8. Par exemple Emmanuel Duguet, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit, Florent Sari, Discriminations à l’ehttp://www.cee-recherche.fr/publica... des jeunes franciliens et intersectionalité du sexe et de l’origine : les résultats d’un testing, .
9. C’est le cas malheureusement d’une grande organisation antiraciste
française comme le MRAP qui inscrit dans son programme la lutte contre
le supposé « racisme anti blanc » directement importé de l’appareil
idéologique d’extrême-droite.
10. Eric Marliere, Jeunes en cité. Diversité des trajectoires ou destin commun ?, L’Harmattan, Paris, 2005.
11. Nacira Guenif-Souilamas, Eric Macé, Les féministes et le garçon arabe, Aube, Paris, 2006.
12. Frantz Fanon, Racisme et culture in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001.
13. Alain Finkielkraut, Interview au journal Ha’aretz, 17 novembre 2005.
14. Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Seuil, Paris, 2010.
15. Manuel Valls, déclaration sur France inter le 24 septembre 2013.
16.Monique Pinçont-Charlot et Michel Pinçon, La violence des riches,
Chronique d’une immense casse sociale, La découverte, Paris, 2013,
Avant-propos.
17. Said Bouamama, Des gentils « beurs » à la méchante « racaille », Culture et société, n° 15, pp. 61-68.
18. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre (1961), La Découvert, Paris, 2002, p.53-54.
Source : Investig’Action
Un « message » des États-Unis à la France, à la manière du « Parrain » (Cercle des volontaires)
Un « message » des États-Unis à la France, à la manière du « Parrain »
30 novembre, 2014 | Posté par Benji |
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Dans mes deux articles précédents, « Un accident bizarre qui en rappelle un autre » et « Un embarras TOTAL », j’ai souligné les ressemblances entre les circonstances de la disparition d’Enrico Mattei, le PDG de la pétrolière nationale italienne ENI au début des années 1960, et celle de Christophe de Margerie, le PDG de TOTAL, survenue il y a un peu plus d’un mois à l’aéroport Vnoukovo de Moscou.
J’ai également démontré que les États-Unis étaient à l’origine de la première, et qu’il existait d’excellentes raisons de croire qu’ils étaient aussi à l’origine de la seconde. En effet, autant Mattei que de Margerie constituaient des menaces claires à leurs intérêts pétroliers et financiers, en plus de défier ouvertement leur hégémonie mondiale, et la menace posée par de Margerie était sans doute encore beaucoup plus existentielle que celle qu’avait posée Mattei, comme nous allons le voir un peu plus bas.
Mon intérêt pour cette affaire s’explique à la fois par les connaissances que j’ai acquises au cours de ma carrière au service de deux grandes multinationales du pétrole, ESSO (maintenant connue sous le nom d’Exxon Mobil), et Texaco (aujourd’hui intégrée à Chevron), et par celui que j’ai développé pour l’Empire Desmarais, à la tête du grand conglomérat financier canadien Power Corporation, associé au groupe belge Frère, les deux étant d’importants actionnaires de TOTAL par le truchement d’une structure suisse de coparticipation, Pargesa SA, constituée par leurs soins.
Au Québec, comme j’ai eu l’occasion de le démontrer dans deux ouvrages récents, Desmarais : la Dépossession tranquille, et Henri-Paul Rousseau, le siphonneur de la Caisse de dépôt parus respectivement à Montréal aux Éditions Michel Brûlé en 2012 et 2014, les visées de l’Empire Desmarais sur ces principaux leviers de développement que sont Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et de placement sont carrément prédatrices et spoliatrices.
L’intérêt soulevé par mon second article (repris sur plus d’une vingtaine de sites dont vous trouverez les liens à la fin de celui-ci), et notamment en Europe, m’a convaincu de pousser plus loin mon enquête, en m’intéressant non pas tant aux circonstances de l’accident/attentat – aucun nouvel élément n’a été rapporté depuis deux ou trois semaines – qu’à la conjoncture géopolitique internationale dans laquelle il est survenu, à la place qu’y occupe le pétrole, au rôle qu’y joue TOTAL, et à celui qu’y jouait son PDG Christophe de Margerie jusqu’à son décès.
La conjoncture géopolitique actuelle est l’une des plus tendues depuis la fin de la guerre froide. Alors que les États-Unis croyaient être parvenus, au tournant des années 1990, avec la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS, à asseoir leur domination sur le monde, les voici aux prises avec une concurrence nouvelle animée non plus par la recherche d’une confrontation entre deux idéologies (capitalisme et communisme), mais plutôt par la vision pluripolaire des puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) réunies dans le BRICS, et opposées à toute forme d’inféodation, politique, économique ou culturelle.
À cette menace politique se rajoute le spectre d’un important déclin économique qui ne ferait qu’amplifier la première. En effet, s’étant rendus compte au début des années 1980 que leur structure de coûts de production était de moins en moins concurrentielle, les États-Unis poursuivent depuis lors une politique de libéralisation systématique des échanges commerciaux internationaux dont les effets les plus pervers ont été la désindustrialisation de leur économie et un appauvrissement collectif qui se manifeste dans la disparition rapide de leur classe moyenne.
Les bénéfices escomptés de la financiarisation de leur économie ne sont pas au rendez-vous. Non seulement alimente-t-elle une multiplication de bulles spéculatives qui finissent toutes par éclater éventuellement, mais il n’existe aucun mécanisme de redistribution de la maigre richesse qu’elle crée, et le fossé des inégalités sociales en train de se creuser constitue une menace sérieuse à leur stabilité politique à moyen et long terme.
L’absence de croissance économique réelle se reflète dans leur degré d’endettement qui se situe désormais parmi les pires du monde développé, et ils sont de plus en plus tentés par des aventures militaires hasardeuses dont ils pensent qu’ils pourraient sortir à la fois vainqueurs sur le plan politique, et renforcés sur le plan économique.
Leur situation se complique dès qu’on y introduit la donnée pétrole dont ils ont longtemps contrôlé le marché.
Au début des années 1970, contraints par l’essoufflement budgétaire causé par leur engagement au Vietnam de renoncer à l’obligation qu’ils avaient acceptée, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de garantir la convertibilité de leur dollar en or au taux fixe de 35 $ l’once dans le but de relancer l’économie internationale qu’ils étaient bien placés pour dominer, et désireux d’asseoir leur hégémonie économique sur des bases encore plus solides, ils concluent une entente avec la monarchie régnante en Arabie Saoudite en vertu de laquelle celle-ci, devenue le plus important producteur de pétrole, s’engagera à exiger le paiement de toutes ses livraisons en dollars US, en contrepartie d’une garantie par les États-Unis de la défendre contre toute agression militaire.
C’est le début du règne du pétrodollar. L’or noir se substitue très rapidement à l’or métal comme référence dans toutes les transactions internationales, et les deux parties à cette entente vont en profiter immensément pendant une quarantaine d’années.
Au cours de la dernière année, certains événements sont survenus, certains connus, d’autres non, qui ont amené l’Arabie Saoudite à remettre en question son soutien jusque là indéfectible aux États-Unis et au dollar US. Le résultat se reflète ces jours-ci dans la baisse du cours du pétrole. Au moment d’écrire ces lignes, il a perdu près de 40 % de sa valeur depuis juin dernier. Vendredi, et, aujourd’hui le cours du WTI est passé sous la barre des 65 $ $ US alors que le Brent se situe légèrement au-dessus de 70 $.
Un analyste américain allait même jusqu’à prédire ces jours derniers qu’il pourrait même descendre jusqu’à 35 $ l’an prochain si les pays membres de l’OPEP ne parvenaient pas à s’entendre sur une réduction de leurs quotas de production.
Combinés à la remise en question du statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale depuis quelques années et aux gestes concrets posés en ce sens par la Russie, la Chine, l’Iran, et quelques autres depuis un an, il est clair que ces événements marquent pour les États-Unis le commencement de la fin de leur hégémonie mondiale. Ils ont toutefois tellement à y perdre qu’ils vont tenter par tous les moyens de maintenir leur emprise, et l’Affaire de Margerie constitue une bonne indication des moyens qu’ils sont prêts à prendre pour éviter le sort qui les attend.
En effet, de Margerie était le PDG de TOTAL, seule entreprise non américaine avec BP à figurer au nombre des « majors » de l’industrie. BP est une entreprise britannique qui a perdu le peu d’indépendance qui lui restait dans la foulée de l’explosion survenue à l’été 2010 sur la plate-forme Deep Horizon dans le Golfe du Mexique, et de la catastrophe environnementale qui s’est ensuivie. Sous haute surveillance des autorités américaines en raison de l’importance des dommages encore non liquidés, l’entreprise est désormais dirigée par un Américain.
En raison de son histoire très complexe et des fusions dont elle est issue, TOTAL fait bande à part. Très tôt, elle a été présente au Moyen-Orient, notamment en Irak, en Afrique du Nord, et en Afrique Équatoriale. Très tôt, son intérêt stratégique pour la France l’a amené à développer un réseau parallèle de renseignement qui a très bien servi les intérêts de la France, ce qui l’a mise à l’abri des remontrances de l’État lorsqu’elle s’engageait dans des coups fourrés, comme ce fut le cas en Iran, en Irak et en Libye au cours des dernières années.
Ainsi, on apprenait encore ces derniers jours que TOTAL avait accepté de verser 400 millions $ US en guise de pénalité pour avoir enfreint l’embargo des États-Unis contre l’Iran au début des années 2000, au détriment de l’américaine Conoco. Voici comment Libération présentait les faits dans son édition du 26 novembre :
L’invocation de la règle « non bis idem idem » paraît un argument bien faiblard à l’avocat québécois que je suis dans la mesure où les faits reprochés à TOTAL tombent sous le coup des lois de deux pays différents, qu’ils ne sont pas de même nature dans les deux pays, et qu’aux États-Unis, un règlement négocié est intervenu sans qu’un jugement de culpabilité n’ait été prononcé. Mais bon, je ne prétends pas connaître le droit français.Total sera jugé pour « corruption » en marge de contrats en Iran
Le groupe français Total sera jugé en correctionnelle pour « corruption d’agents publics étrangers » en marge de contrats pétroliers et gaziers conclus en Iran dans les années 1990.
Son ancien PDG, Christophe de Margerie, avait également été renvoyé pour ce même chef le 15 octobre, a indiqué mardi à l’AFP une source judiciaire, confirmant une information de Charlie Hebdo. Mais les poursuites le concernant se sont terminées avec son décès quelques jours plus tard à Moscou.
Cette enquête ancienne porte sur un peu plus de 30 millions de dollars qui auraient été versés à partir d’octobre 2000 en marge de deux contrats du géant français en lien avec l’Iran dans les années 1990, sur fond d’embargo américain.
Le principal contrat, d’une valeur de 2 milliards de dollars, avait été conclu le 28 septembre 1997 avec la société pétrolière nationale iranienne NIOC et concernait l’exploitation – par une coentreprise réunissant Total, le russe Gazprom et le malaisien Petronas – d’une partie du champ gazier de South Pars au large de l’Iran, dans le Golfe. Washington avait menacé les pétroliers de sanctions pour ces investissements.
Le second contrat visé par l’enquête avait été conclu le 14 juillet 1997 entre Total et la société Baston Limited. Il était lié à un important accord conclu deux ans plus tôt, le 13 juillet 1995, pour l’exploitation des champs pétroliers iraniens de Sirri A et E, également dans le Golfe.
Total avait alors bénéficié du retrait de l’Américain Conoco, contraint de céder la place après que l’administration Clinton eut décrété un embargo total sur l’Iran.
Dans l’enquête ouverte en France fin 2006, Christophe de Margerie avait été mis en examen en 2007 par l’ancien juge d’instruction Philippe Courroye pour « corruption d’agents publics étrangers » et « abus de biens sociaux ». M. de Margerie était à l’époque des faits directeur pour le Moyen-Orient du géant français.
« Réels problèmes juridiques » –
Les juges d’instruction ont finalement ordonné en octobre le renvoi en correctionnelle de Total et de Christophe de Margerie pour les faits de « corruption d’agents publics étrangers », selon la source. Ils n’ont pas retenu l’abus de biens sociaux contre le patron du groupe.
Christophe de Margerie a péri dans la nuit du 20 au 21 octobre quand son Falcon a percuté un chasse-neige au décollage à l’aéroport Vnoukovo de Moscou.
Deux intermédiaires iraniens sont également renvoyés pour complicité : l’homme d’affaires et lobbyiste Bijan Dadfar, qui travaillait pour Baston Limited, et Abbas Yazdi, un consultant pétrolier.
Interrogé sur cette affaire en juin 2013, alors que le parquet de Paris venait de requérir son renvoi et celui de Total, Christophe de Margerie avait réfuté les accusations de versement « de pots-de-vin » ou de « rétrocommissions » : « ce que nous avons fait dans les années 90 était effectivement conforme à la loi », avait-il déclaré au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI.
Sollicité par l’AFP, l’avocat de Total, Me Daniel Soulez-Larivière, a estimé mardi que ce dossier posait « de réels problèmes juridiques ».
D’une part parce que les contrats sont antérieurs à l’entrée en vigueur en France en 2000 de la convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prohibant la corruption d’agents publics étrangers.
D’autre part parce que, visé par des poursuites aux Etats-Unis pour ces contrats, Total a accepté en 2013 de transiger pour clore la procédure, moyennant le versement de près de 400 millions de dollars. Or, selon la règle dite du « non bis in idem », nul ne peut être poursuivi ou puni plusieurs fois pour les mêmes faits, relève l’avocat.
Première entreprise de l’Hexagone par les bénéfices et deuxième par la capitalisation boursière, Total avait bénéficié en juillet 2013 d’une relaxe dans le procès « pétrole contre nourriture ». Mais le parquet a fait appel de cette décision.
Source et nombreux liens connexes sur Reseauinternational.net
Reportage au Salon Marjolaine, auprès de Kokopelli et d’artisans (cercle des volontaires)
p ar Raphaël "JahRaph" Berland / le 28 novembre 2014
Nous avons eu le plaisir d’aller cette année encore au Salon Marjolaine, qui se tenait du 8 au 16 novembre, au Parc Floral de Paris. En 2012, nous avions déjà pu rencontrer, à ce même salon du Bio, Cyril Dion (qui venait de lancer Kaizen Magazine) et Jocelyn Moulin de Kokopelli. Cette fois, nous sommes retourné voir l’association Kokopelli,
qui milite toujours pour la sauvegarde et la diffusion des graines et
semences ancestrales ; nous avons également interrogé deux artisans : Jacques-Olivier Civilise, éleveur d’alpaga, ainsi que Pierre Rossard, tourneur sur bois.
Jennifer Cingouin et Raphaël Berland
COMMENT ÉRADIQUER LE FRANÇAIS (ET AUTRES LANGUES) DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET DU MONDE EN GÉNÉRAL (Les brindherbes engagés)
COMMENT ÉRADIQUER LE FRANÇAIS (ET AUTRES LANGUES) DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET DU MONDE EN GÉNÉRAL
ou comment favoriser l’hégémonie d’une seule langue supranationale, l’anglais.
Courant novembre 2013 s’est tenue à Washington, dans les bureaux
de la CIA, une réunion informelle, volontairement secrète, qui
réunissait les principaux acteurs du British Council, l’office
britannique de promotion de la langue anglaise et de leurs homologues
des Centres Culturels états-uniens.
Grâce à la bévue d’une secrétaire, qui a malencontreusement
transmis le rapport de cette réunion à un journaliste du Guardian dont
l’adresse mèl se trouvait par erreur dans un fichier de dirigeants, des
informations ont filtré et ont été révélées dans le numéro du journal
britannique daté du 28 février 2013.
Le document comportant plus de 200 pages, le journaliste, Bob
Sleg, n’a retenu que les passages les plus percutants. Vous en trouverez
ci-dessous la traduction française.
Article traduit de l’anglais par Marc -Jean Larquais
–
Pages 2 et 3 : Introduction
L’anglais occupe aujourd’hui une place prépondérante dans le monde
comme jamais aucune langue ne l’a eue. Nous devrions plutôt écrire
l’américain, sans vouloir vexer nos amis britanniques, car les États
Unis, grâce à leur puissance économique, leur armée, leur avance
technologique, leur main mise sur les médias internationaux, leur
hégémonie culturelle, dominent largement les autres pays et peuvent
désormais imposer leur langue en tant que langue de communication
privilégiée. Qui ne communique pas avec nous ne peut prétendre être
entendu et respecté.
Nous avons en cela pris le relais de nos plus fidèles alliés
indéfectibles, les Britanniques, qui, il y a un siècle à
peine, pouvaient donner le la au monde mais notre position est assise
sur des bases nettement plus solides et sur une hyper puissance ô
combien plus efficace. Soyons francs : autant nos amis britanniques ont
su autrefois tirer leur épingle du jeu dans la conquête du monde, autant
la diffusion de l’anglais après la seconde Guerre Mondiale a été avant
tout favorisée par nous Américains, représentants de la nation la plus
puissante. Sans nous, les Européens privilégieraient le français ou
l’allemand car la Grande Bretagne n’est plus qu’une puissance économique
moyenne, admettons-le et ceci sans vouloir vexer nos alliés
britanniques.
Cela n’est pas une raison pour autant de sous-estimer leur rôle car
leur appui en Europe et dans le reste du monde permet de renforcer nos
positons linguistiques. La Grande-Bretagne demeure pour nous un grand
pays, toujours respecté et écouté– par le biais notamment des liens
tissés entre pays du Commonwealth.
Malgré toutes ces considérations, je continuerai à parler de
l’anglais plutôt que de l’américain pour des raisons de commodités et de
compréhension. De toute façon, peu importe la dénomination de notre
langue, l’essentiel est d’assurer et de perpétuer son hégémonie
écrasante.
L’anglais en ce début du XXI ième siècle domine les relations
internationales. Cette situation a toutes les chances de perdurer
pendant des décennies. Cependant, d’autres langues commencent à lui
grignoter des places. La Chine, qui se développe à grande allure, va
probablement, favoriser et chercher à imposer progressivement le
mandarin. Cette menace ne nous apparaît cependant tangible qu’à moyen
terme. Tant que la Chine restera une dictature, son attractivité
demeurera limitée. Sans compter que l’apprentissage des idéogrammes
constitue un handicap important pour la diffusion de la langue.
L’espagnol est plus menaçant actuellement ; heureusement, son aire de
diffusion est plutôt limitée : en dehors de l’Amérique Latine, il n’a
guère de relais. Même s’il est de plus en plus parlé aux États-Unis,
l’évolution naturelle de la société avec le mélange des populations, le
fait qu’il ne soit ni langue officielle ni langue d’enseignement, le
marginaliseront tôt ou tard. C’est pourquoi il nous faut absolument
préserver cette situation et faire taire par tout moyen (en italique
dans le texte) les revendications de minorités hispaniques agissantes,
qui militent pour une reconnaissance officielle de l’espagnol (notamment
dans les états limitrophes au Mexique comme la Californie):il en va de
notre langue et de notre spécificité anglo-saxonne.
La menace la plus inattendue et la plus probante à court et moyen
terme, nous semble-t-il, vient d’une autre langue, une langue que nous
avions progressivement supplantée au siècle dernier, que nous pensions
avoir définitivement reléguée au rang de langue de passéistes ; le
français.
S’il y a bien un ennemi, un danger à éliminer, pour imposer une
hégémonie définitive de l’anglais, c’est lui. (en gras dans le texte).
Pour le dire en termes crus : éliminons le français, nous n’aurons
(presque) plus de limites à la propagation de notre langue.
La situation linguistique du monde est arrivée à un point
déterminant. Les dernières projections sur le nombre de francophones
sont alarmantes (en gras dans le texte original). En 25 ans, il a
doublé, pour atteindre au minimum 250 millions aujourd’hui, plus si l’on
ajoute ceux qui le parlent uniquement ou le comprennent à l’oral. En
2050, on annonce plus de 700 millions de francophones, certaines études
tablant même sur 1 milliard…
Si nous voulons imposer l’anglais définitivement, c’est maintenant
qu’il nous faut agir. Dans 10 ou 15 ans, la Chine sera assez puissante
pour nous mettre des bâtons dans les roues. L’expansion démographique de
l’Afrique favorisera le français et pourrait donner à ce dernier un
renouveau préjudiciable à nos ambitions linguistiques.
Une telle situation n’est peut-être pas inéluctable. Les stratégies
proposées dans ce document de travail visent à contrecarrer ces
évolutions et assurer ainsi une hégémonie définitive de notre langue.
Page 10
…Employons tous les moyens nécessaires pour entretenir l’idée que le
français est une langue ringarde. N’hésitons pas à répéter par exemple
que c’est la langue de l’amour, de la culture (du passé), du bien
vivre;cela permet en contrepoint de soutenir que l’anglais, lui, est LA
langue des affaires et des sciences. Pour simplifier, faisons passer le
français pour le latin des temps modernes, c’est – à – dire, une langue à
la grammaire et à l’orthographe difficiles, vestige d’un passé
prestigieux. Une langue pour intellectuels, qui veulent se distinguer.
Ainsi, d’une part, notre point de vue sera inattaquable car il passera
pour un compliment ; d’autre part, il affaiblira sur le long terme
l’attrait de cette langue, au fur et à mesure de l’américanisation
grandissante de la planète (voir pages suivantes) …
…Nous avons, pour diffuser ce message, des alliés très efficaces. :
nos multinationales, nos médias, nos citoyens… Ainsi, les entreprises
anglo-saxonnes implantées en Europe exigent de plus en plus une maîtrise
parfaite de l’anglais de la part de ses employés. C’est une tendance
qu’il nous faut encourager : réunions de sensibilisation, crédits
d’impôts pour l’apprentissage de l’anglais, encouragements des cadres à
voyager dans les pays anglo-saxons,…
Page 16
…Pour reprendre un proverbe français (! ) : Médisez, médisez, il en restera toujours des traces…
Page 22
…Ne lâchons rien sur les institutions internationales ; les instances
de Bruxelles doivent être notre modèle : aujourd’hui, grâce à un
travail intense de sape, de pressions, de lobbying, grâce aux postes
clés de certaines personnes, l’anglais est devenue la langue de travail
principale dans les instances européennes. Les documents mis à
disposition des états sont toujours donnés en premier dans notre langue
et éventuellement traduits en français ou en allemand beaucoup plus
tard, quand il est trop tard justement pour prendre une décision ! C’est
là une tactique mise au point par nos alliés britanniques qui
fonctionne parfaitement… Nous sommes d’ailleurs en train de l’appliquer
avec succès au Tribunal Pénal International de La Haye, avec tous les
avantages concomitants (notamment l’application d’une réglementation
anglo-saxonne qui correspond parfaitement à nos intérêts économiques et
diplomatiques)…
…Ces succès européens doivent inspirer nos actions dans les autres institutions internationales…
Ne nous focalisons pas sur le retour relatif du français aux Jeux
Olympiques : cette utilisation est de toute façon ponctuelle et ne dure
que 15 jours tous les deux ans ; de plus, elle permet de montrer au
reste du monde que l’anglais n’écrase pas les autres langues (nous
savons que cela n’est qu’une illusion, gardons-nous de la détruire )…
Page 37 :
Certes, le français est encore utilisé dans de nombreuses instances
internationales. Mais l’évolution de ces 30 dernières années laissait
penser qu’il serait inexorablement balayé par l’anglais.
Malheureusement, cette perspective risque de ne pas se produire à cause
principalement des initiatives de l’OIF (Organisation Internationale de
la Francophonie ). Cette dernière milite activement, et avec un certain
succès, pour la formation en français d’interprètes, de diplomates, et
pour le recours au français dans les échanges internationaux.
…Cela n’est pas une raison pour renoncer. Reprenons la tactique
décrite ci-dessus pour l’Europe et appliquons-la dans les institutions
internationales… Nous n’arriverons certainement pas à éliminer à moyen
terme le français des langues de communications internationales mais
nous pouvons contribuer à éroder durablement ses bases. Il nous faut
avoir une vision à long terme et nous projeter sur les 50 prochaines
années…
Page 44
… Dans chacune des institutions internationales, dès qu’un
journaliste francophone sollicite une interview à un représentant
anglo-saxon, celui-ci doit répondre qu’il ne s’exprimera que dans sa
langue maternelle, un argument imparable…
Page 56 : PASSER A L’OFFENSIVE
Nous aborderons dans un premier temps des considérations générales
qu’il faut avoir en tête pour mener à bien cette guerre car il s’agit
bien d’une guerre, feutrée certes et bien à l’abri des caméras et des
médias. Puis, nous donnerons quelques cas concrets à mettre en œuvre.
Chacun de nos représentant, diplomate, homme politique, dirigeant
d’entreprise, scientifique de renom, intellectuel et d’une façon
générale toute personne influente, qu’il soit américain, britannique,
australien, ou d’un autre pays anglophone, doit s’imprégner de cette
maxime : Le temps justifie toute violence (en gras dans le texte)
L’histoire regorge d’exemples qui justifient cette phrase. Il y a
2000ans, les Chrétiens se sont imposés face aux autres religions de
l’Empire Romain en détruisant des temples ou en massacrant des «
hérétiques ». Cette politique s’est continuée tout au long du Moyen-âge
et des Temps modernes avec le succès que l’on sait en Orient, en
Amérique ou en Afrique. Qui remet en cause la légitimité de l’Église
aujourd’hui ? Il en est de même d’ailleurs pour l’islam…
…Plus près de nous la politique coloniale des Britanniques qui nous
concerne particulièrement, bien évidemment, politique qui fut, par
certains côtés pires et donc plus efficaces, que celle des Français. Par
exemple, la quasi-extermination des peuples indigènes ou leur
relégation dans des parcs, a permis la naissance des États-Unis et la
suprématie de la langue anglaise… Les Français, dont la colonisation a
engendré aussi énormément de souffrances, ne sont pas allés aussi
loin… Réjouissons nous -en! De toute façon, notre puissance et notre
influence culturelle et économique ont éclipsé ce pan de l’histoire. Le
temps a fait son travail, notre puissance est un fait acquis et reconnu
par tous, avec la suprématie de notre langue.Qui, à part quelques
obscures peuplades indigènes, voudrait nous faire un procès des
violences passées ?…Nos ancêtres ont bien œuvré pour notre plus grand
bénéfice… Gardons à l’esprit ces souvenirs…
Page 58
…N’oublions pas que toute situation n’est jamais définitivement
acquise… pensez aux Philippines. Ces îles, espagnoles depuis plus de 3
siècles, sont passées sous l’influence américaine il y un peu plus de
100 ans. Aujourd’hui, l’anglais a remplacé l’espagnol comme langue
officielle de pays…
Page 70 :
…Pour ce qui concerne les pays du Maghreb encore majoritairement
francophones – Tunisie, Maroc, Algérie -, nous devons envisager une
offensive à long terme.
Actuellement, le français reste largement diffusé dans ces pays. Mais
cette situation repose sur 3 bases potentiellement fragiles, que nous
pouvons encore éroder : le français n’est pas la langue maternelle, il
s’étend essentiellement grâce au système éducatif, il s’appuie sur des
relations économiques et culturelles privilégiées avec l’ancienne
puissance colonisatrice (positions déjà de plus en plus contestées par
de nouveaux pays comme la Chine ou les États-Unis).
Attaquons en premier lieu la troisième base. Nombre de films
américains sont prisés par les jeunes Maghrébins. Youtube, Facebooket
Tweeter sont bien connus. Notre musique est aussi de plus en plus
écoutée. Étendre nos chaînes musicales sur l’Afrique du Nord ainsi que
nos radios – avec des animateurs francophones ou arabophones dans un
premier temps – rendrait la culture anglo-saxonne encore plus populaire.
Reproduisons dans le domaine économique ce que nous avons fait en
Europe dans les années 60 et 70. Étendons l’influence de nos
multinationales sur ces pays (en plein développement économique par
ailleurs), quitte à exiger de nos expatriés de parler français dans un
premier temps. Puis, encourageons les dirigeants à multiplier les
réunions de travail entre cadres en anglais, sous prétexte
d’internationalisation ; Il suffirait de proposer aux multinationales
les services gratuits du British Council ou des Centres Culturels
Américains pour l’apprentissage de l’anglais commercial. Dans un
deuxième temps (20 ou 30 ans), les dirigeants pourraient exiger, comme
en Europe, que désormais la maîtrise de l’anglais soit une condition
nécessaire pour être embauché. Cette donnée sera de mieux en mieux
intégrée par les nouvelles générations.Les classes supérieures et
moyennes feront alors de plus en plus pression pour que l’anglais occupe
une place égale au français dans l’enseignement, puis – et c’est cela
notre objectif – pour qu’il le supplante …
Nous pouvons probablement accélérer ce processus avec l’aide de nos
médias – en français ou en anglais-, diffusés de plus en plus dans ces
pays, avec celle de groupes de réflexion acquis à notre cause, en
insistant sur le caractère universel de notre langue et en parallèle sur
le côté « vieillot e» du français, sur le déclin économique et culturel
de la France – avéré ou non, peu importe -, en faisant référence à une
soi-disant montée du racisme anti-maghrébin en France,etc…
Page 134 :
…Cette politique pourrait plus tard être étendue d’autres pays
francophones, qui possèdent une langue indigène en passe de devenir
langue nationale comme Madagascar (malgache) ou le Sénégal (wolof) Nous
pourrons alors argumenter que le français n’a plus vocation à assurer
une unité nationale…
Page 152 :
…Pour d’autres pays comme Haïti, Madagascar, certains pays africains
nous pouvons compter sur le soutien de communautés religieuses
américaines solidement implantées et qui sont prêtes à nous soutenir.
Leur implantation dans l’enseignement, leur implication dans la prise en
charge des orphelinats permet d’ores et déjà une diffusion de plus en
plus massive de notre langue. Accordons -leur des crédits d’impôts, des
subventions sous couvert d’aides internationales, des aides matérielles
(envoi de livres anglais dans les bibliothèques, de tablettes …), des
enseignants mêmes … L’aspect religieux est un caractère primordial dans
beaucoup de pays francophones ; les Français, de par leur culture, le
négligent. À nous d’en tirer profit !…
Page 195 :
…Il nous faut tirer parti de toute catastrophe affectant un pays
francophone. Le Rwanda. en est un bon exemple. Le génocide de 1994 nous a
permis d’implanter solidement notre langue dans l’enseignement aux
dépens du français. Même si le rôle de la France dans les massacres
n’est pas avéré, laissons croire le contraire, au moins pendant quelques
décennies. Il sera toujours temps dans 50 ans de découvrir la vérité ;
d’ici là, l’anglais se sera imposé..
Page 203
…La guerre civile qui touche actuellement la Centrafrique est pour
nous une merveilleuse opportunité pour asseoir la place de l’anglais
dans ce pays, si nous nous y prenons bien… Carnages, pillages, viols, se
succèdent et dressent les communautés entre elles. L’idéal aurait été
de laisser pourrir la situation puis de faire intervenir l’armée
américaine… L’intervention française a changé la donne, mais tout n’est
pas perdu… Ce ne sont pas 1500 militaires dans un pays de 620 000 km2
qui vont pouvoir régler à eux seuls le problème.
.. Usons de notre hégémonie diplomatique pour bloquer, ou du moins,
retarder au maximum, tout envoi supplémentaire de troupes d’autres
pays.Les Britanniques, pour l’Europe, peuvent très bien freiner des 4
fers, toute initiative en ce sens ; ils convaincront sans peine des
Allemands ou des Espagnols, déjà peu enclins à intervenir. La situation
des Français deviendra ainsi chaque jour plus intenable, avec un rejet
de la population. L’idéal serait de reproduire un scénario identique à
celui du Rwanda, il y a 20 ans, qui permettrait de supprimer toute une
frange francophone du pays pour la remplacer par une élite anglophone….
Page 225 Conclusions :
…Nous terminerons par l’urgence à mettre en place les dispositions
préconisées ci-dessus. Elles ne permettront peut-être pas d’empêcher
l’émergence du français comme langue majeure dans le futur mais elles
pourraient l’affaiblir considérablement…
Nous appelons les chefs de gouvernement des principaux pays
anglo-saxons, et donc en priorité, celui des États Unis et celui de sa
très Gracieuse Majesté, à agir sans tarder, s’ils veulent préserver et
amplifier le rôle de l’anglais dans les prochaines années.
Ce rapport a naturellement vocation à rester secret et ne doit sous
aucun prétexte être divulgué au grand public. Pour ce faire, seules les
personnes présentes lors de son élaboration disposeront d’un exemplaire,
envoyé à une seule adresse – mèl après rédaction….
Washington, le 13 novembre 2013
Nota Bene :
Cet article n’est qu’une fiction. Une rencontre, telle que celle évoquée en introduction, n’a probablement pas eu lieu… un 13 novembre 2013 !
Cependant, la plupart des stratégies évoquées reposent sur des faits, des tendances avérées ou des opinions exprimées.
Jean Marc de : LA VOIX FRANCOPHONE
[NDLR : Vous noterez comment est présentée cette fiction reproduite sur un forum de langue française.net
« Ce document américain
classé Secret Défense fut établis dans les locaux de la CIA dans la
ville de Washington durant les courants de l’année 2013. ]
Le côté fiction, pfffft envolé ! Douter et vérifier : les deux mamelles du surfeur ]
Drôle de guerre contre l’Etat islamique, par Francis Briquemont (Les crises)
Drôle de guerre contre l’Etat islamique
Une opinion de Francis Briquemont, Lieutenant Général (e.r.)
“Fasse Dieu qu’ils n’y mettent plus jamais les pieds.” Aboul Fida (historien et poète arabe du XIIIe siècle).
Ainsi se termine “Les Croisades vues par les Arabes” de Amin
Maalouf (1). Ne plus voir un “Franj” violer la terre d’Islam : tel était
le vœu de Aboul Fida. Les historiens arabes ont en effet considéré que
les Croisades étaient bien davantage une agression des Francs qu’un
“pèlerinage” chrétien pour récupérer le tombeau du Christ. Les récentes
décapitations d’Occidentaux par les jihadistes de l’Etat islamique (EI)
comparées aux atrocités commises alors par les Francs au nom du Christ
et celles commises par les musulmans au nom d’Allah apparaissent comme
des incidents mineurs mais, au XXIe siècle, ceux-ci provoquent des
réactions émotionnelles des médias et des opinions publiques telles, que
les dirigeants politiques se sentent obligés de réagir immédiatement
sous peine d’être accusés de faiblesse ou de mollesse. C’est
particulièrement vrai aux Etats-Unis et c’est ainsi que Barack Obama a
pris la tête d’une vaste (?) coalition internationale qui a pour
objectif de détruire l’EI.
Il est paradoxal de voir Barack Obama en leader de cette coalition.
Lui, qui est sans doute le premier président des USA à penser que son
pays n’a pas vocation à régir seul le monde; qui était, comme sénateur,
contre les aventures en Irak et en Afghanistan et avait réussi à s’en
extirper, le voilà replongé dans le bourbier ou plutôt le nœud de
vipères du Moyen-Orient.
La durée des opérations étant estimée par certains de trois à… trente
ans, nous avons le temps de nous poser quelques questions à propos de
celles-ci. Fallait-il décider aussi rapidement de partir en guerre
contre l’EI ? A la veille d’élections importantes pour lui – la perte de
sa majorité au Sénat paralyserait son action pendant les deux dernières
années de son mandat présidentiel (2) – il devait “faire quelque chose”
pour éviter les critiques acerbes des Républicains et ce d’autant plus
que les deux premiers décapités par les jihadistes étaient des citoyens
américains.
Détruire l’EI est facile à dire mais comment et surtout pour quel
objectif politique final ? La situation géopolitique du Moyen-Orient est
plus complexe que jamais. D’une part, trois Etats se disputent le
leadership régional : l’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie. D’autre
part, la Syrie est ravagée par la guerre, le Liban est très instable et
que reste-t-il de l’Irak partagé maintenant entre un Kurdistan irakien
autonome, l’EI qui s’étend sur le nord-ouest du pays et l’est de la
Syrie et enfin l’Irak du sud. Ajoutons à cela, une guerre de religion
impitoyable entre sunnites, menés par l’Arabie, et chiites, appuyés par
l’Iran et le “tout” morcelé en d’innombrables tribus, clans, plus ou
moins fiables. C’était déjà le cas au temps des Croisades ! J’allais
oublier le Kurdistan syrien et le Kurdistan turc qui forment un
“ensemble terrain” homogène avec le Kurdistan irakien. C’est ce dernier
que l’Occident s’empresse d’organiser pour fournir les troupes au sol
contre les jihadistes de l’EI.
Ici, il faut bien s’interroger sur la stratégie opérationnelle de la
coalition anti-EI et l’homogénéité de celle-ci. Il y a unanimité pour
conclure que les frappes aériennes seules ne résoudront pas le problème
et qu’il faut des unités opérationnelles au sol capables de reconquérir
le terrain perdu non seulement en Irak mais aussi en Syrie. Les
jihadistes ont vite compris comment se fondre, sur le terrain et au sein
des populations, pour éviter au mieux les frappes aériennes. Détruire
des objectifs fixes (raffineries, dépôts, etc.) est chose aisée – la
supériorité aérienne de la coalition est totale – mais attaquer des
petites unités qui pratiquent la guerre asymétrique, c’est tout autre
chose.
L’envoi de troupes occidentales étant exclu et même impensable, les
Occidentaux essaient de former des unités de combat avec les Peshmergas
(Kurdes) et de reconstituer une armée irakienne digne de ce nom. De
l’avis général, cela prendra du temps.
Mais question fondamentale : cette coalition est-elle fiable ? Barack
Obama déclare qu’il faut priver l’EI de toute ressource matérielle :
est-ce crédible ? L’EI n’est-il pas soutenu financièrement et
matériellement par certains membres de la coalition qui ont encouragé
des jihadistes de tous poils depuis de longues années ? J’ai déjà connu
ce problème en Bosnie en 1993 !
Quid de la Syrie, de l’Irak, du Kurdistan ?
Finalement, en supposant même que l’EI soit un jour éliminé, quel est
l’objectif politique des Occidentaux au Moyen-Orient ? Quid de la
Syrie, de l’Irak, du Kurdistan ? Ne doit-on pas s’attendre, à plus ou
moins long terme, à une modification de certaines frontières, définies
il y a un siècle par la France et la Grande-Bretagne (accords secrets
Sykes-Picot) dont le principal souci était de délimiter leurs zones
d’influence et certainement pas l’intérêt des populations locales ?
Est-ce vraiment celui des Occidentaux de s’immiscer dans les
querelles entre sunnites et chiites – ce que craignait déjà Colin Powell
à l’issue de la guerre du Golfe en 1991 – ou encore entre l’Iran et
l’Arabie Saoudite, alors qu’ils ont été et sont toujours incapables
d’“imposer” une solution au conflit israélo-palestinien, dont le général
américain Zinni, envoyé spécial du Président sur place, disait, il y a
dix ans, qu’il était le problème le plus urgent à régler au Moyen-Orient
?
Nul ne sait pendant combien de temps les forces aériennes de la
coalition vont exécuter des tirs “ciblés” c.-à-d. sans dommages
collatéraux, en attendant que Kurdes et Irakiens soient à même de
reconquérir la zone irako-syrienne occupée par l’EI et, ce qui ne
simplifie pas le problème, d’éliminer Bachar el-Assad. Que va donc faire
exactement la coalition dans cette galère ?
Je ne suis pas certain que cet EI constitue une menace sérieuse pour
l’Europe mais cette effervescence permanente au Moyen-Orient incite à
réfléchir sur l’avenir de cet îlot de paix qu’est l’UE où l’ambiance
politique n’est pas bonne. Jean-Claude Juncker a même déclaré au
Parlement européen qu’il présidait la Commission de la dernière chance.
En effet, des forces centrifuges disloquent peu à peu la cohésion de
cette Europe où l’égoïsme sacré des Etats nations reprend de plus en
plus le dessus. Et pourtant, comment ne pas être d’accord avec Pierre
Defraigne qui, récemment, terminait un article sur le monde futur et le
conflit potentiel entre la Chine et les USA en écrivant : “Qui mieux
qu’une Europe unie et forte, c.-à-d. dotée aussi d’une défense commune
pour asseoir sa crédibilité, pourrait penser un multilatéralisme adapté
au monde multipolaire en émergence ? Y a-t-il une meilleure raison de
faire l’Europe politique que de contribuer à la paix du monde ?”
(3)
(3)
Pour cela cependant, il faut :
1. que les dirigeants européens cessent de jouer aux “princes-souverains” du Finistère de l’Eurasie;
2. que l’Otan subisse une profonde transformation
car une défense européenne véritable ne peut être mise sur pied dans le
cadre de la structure actuelle de l’organisation.
Ceci n’est certes pas pour demain, mais, dans l’immédiat, le nouveau
président de la Commission pourrait proposer la suppression immédiate
des sanctions contre la Russie dont l’efficacité reste à démontrer et
qui sont d’abord la conséquence d’un lamentable échec de la diplomatie
européenne. N’en déplaise à certains, la paix et la stabilité en Europe
dépendent de relations correctes avec la Russie.
Pour terminer, revenons à cette drôle de guerre contre l’EI et
évoquons un instant ce “terrorisme” des radicaux – islamistes dont nous
sommes menacés constamment et d’une manière peut-être trop émotionnelle.
Faisons quand même confiance aux services de sécurité européens et aux
mesures déjà prises pour protéger au mieux nos populations.
Et fasse Dieu, dirait Aboul Fida, qu’Il ne serve plus jamais d’alibi à
des hommes pour tuer leurs semblables. Ne nous faisons pas d’illusions
cependant. En 1919, le géographe anglais H. J. Mackinder écrivait : “La
tentation du moment est de croire qu’une paix perpétuelle découlera
logiquement de la lassitude des hommes face à la guerre. Pourtant, les
tensions internationales renaîtront…”
(4)
(4)
Vingt ans plus tard, c’était la Seconde Guerre mondiale et en 2014,
certains partent toujours à la guerre en criant : Dieu ou Allah
donne-nous la victoire !
(1) Aux Ed. Jean-Claude Lattès. 1983. (2) Il l’a perdue ou conservée
ce 4 novembre. (3) “La Libre” du 28 août. (4) Cité par R. D. Kaplan dans
“La revanche de la géographie” aux Ed. du Toucan. 2014.
Source : lalibre.be
[Reprise] La leçon du G20 et le jeu de la Russie, par Philippe Grasset (Les crises)
Reprise d’un article de Dedefensa
Commençons par ce qui n’est pas d’actualité. Il s’agit d’un article du professeur James Petras, Bartle Professor (Emeritus) de sociologie à l’université de Birmingham dans l’État de New York, USA, le 12 novembre 2014 sur le site 4thMedia.org.
Il s’agit d’une analyse de l’évolution de la Russie depuis la chute du
Mur et la fin de l’URSS, pour aboutir aux possibilités de l’actuelle
Russie de Poutine de s’adapter de façon constructive, voire offensive
(ou contre-offensive) aux conditions créées par les sanctions
économiques. Petras est de l’avis de Yevgeny Primakov (qui n’est
pourtant pas un conservateur poutinien), dite sur Itar-Tass le 27 octobre 2014, qui confirme la version de l’agression du bloc BAO au travers de sa politique des sanctions perçue comme un acte de guerre («The
aim of anti-Russian economic sanctions is to weaken Russia, corner us,
put into practice the idea of a “color revolution” in our country»)
Petras développe une analyse extrêmement
stricte, qui prend en compte tous les événements de l’ère eltsinienne,
l’intervention du capitalisme sauvage international sous coordination
américaniste, l’effondrement des conditions économiques et sociales,
etc. Il reconnaît à Poutine une très grande réussite dans son entreprise
de relèvement du pays mais juge que la méthode employée a comporté
plusieurs points de faiblesse qui rendent aujourd’hui la Russie
vulnérable aux sanctions. L’illustration de la faiblesse principale de
la méthode poutinienne a été son comportement vis-à-vis des oligarques
qui avaient amassé leur fortune durant les années 1990. Poutine a
attaqué les “politiques” (ceux qui ont fait de l’activisme globalisant
et considéré comme antirusse, et antipoutinien, à partir de leurs
fortunes), les éliminant souvent en les forçant à émigrer, mais il n’a
guère pris de mesures contre les oligarques “économiques”, ceux qui
n’avaient pas de projet politique et se sont rangés du côté du pouvoir
poutinien. Aujourd’hui, ces oligarques “économiques” sont en difficultés
ou deviennent suspects du point de vue politique, parce que l’essentiel
de leurs fortunes est investie dans le bloc BAO. Finalement, la méthode
poutinienne n’a pas été très différente pour l’économie russe
elle-même, et elle montre aujourd’hui sa faiblesse à cause des liens de
dépendance économique établis avec le bloc BAO. Voici comment Petras
conclut cette longue analyse de la situation russe face aux sanctions, –
ou comment s’en sortir…
»First and foremost Russia must
diversify its economy; it must industrialize its raw materials and
invest heavily in substituting local production for Western imports.
While shifting its trade to China is a positive step, it mustnot
replicate the previous commodities (oil and gas) for manufactured goods
trading pattern of the past.
»Secondly, Russia must
re-nationalize its banking, foreign trade and strategic industries,
ending the dubious political and economic loyalties and rentier behavior
of the current dysfunctional private ‘capitalist’ class. The Putin
Administration must shift from oligarchs to technocrats, from rentiers
to entrepreneurs, from speculators who earn in Russia and invest in the
West to workers co-participation– in a word it must deepen the
national,public, and productive character of the economy. It is not
enough to claim that oligarchs who remain in Russia and declare loyalty
to the Putin Administration are legitimate economic agents. They have
generally disinvested from Russia, transferred their wealth abroad and
have questioned legitimate state authority under pressure from Western
sanctions.
»Russia needs a new economic and
political revolution – in which the government recognizes the West as an
imperial threat and in which it counts on the organized Russian working
class and not on dubious oligarchs. The Putin Administration has pulled
Russia from the abyss and has instilled dignity and self-respect among
Russians at home and abroad by standing up to Western aggression in the
Ukraine. From this point on, President Putin needs to move forward and
dismantle the entire Yeltsin klepto-state and economy and
re-industrialize, diversify and develop its own high technology for a
diversified economy. And above all Russia needs to create new
democratic, popular forms of democracy to sustain the transition to a
secure, anti-imperialist and sovereign state.
»President Putin has the backing of
the vast majority of Russian people; he has the scientific and
professional cadre; he has allies in China and among the BRICs; and he
has the will and the power to “do the right thing”. The question remains
whether Putin will succeed in this historical mission or whether, out
of fear and indecision, he will capitulate before the threats of a
dangerous and decaying West.»
Cette voie que recommande Petras, la
réunion du G20 de Brisbane a montré à Poutine qu’elle était de plus en
plus inévitable. Rien, absolument rien ne peut être attendu des
dirigeants du bloc BAO, qui se tiennent les uns les autres dans un même
réseau serré d’obligations fondamentales de radicalisme dont la crise
ukrainienne a fait une prison hermétique. Il n’y a aucun argument,
aucune raison, aucun espoir de négociation à attendre, et même, à notre
sens, l’idée de diviser l’Europe et les USA, – qui sont également
fautifs, avec l’UE en tête, dans cette affaire, – est complètement
vaine. Le départ avancé de Poutine de Brisbane (voir le Guardian du 16 novembre 2014),
d’ailleurs présenté comme étant une mesure de simple efficacité, sans
aucune appréciation officielle de critique, ne fait finalement qu’acter
une évidence. Tous les sommets et rencontres des processus
internationaux et transnationaux dans lesquels le bloc BAO est partie
prenante, et où le bloc BAO parvient, soit par le nombre, soit par la
préséance de l’organisation (si un membre du bloc est organisateur de la
rencontre), à maîtriser et à orienter la communication, devient
automatiquement un théâtre de communication dont le seul but est
d’accréditer la narrative du bloc BAO. Les arguments sont d’une
nullité consternante, les attitudes dignes de l’agitation de jeunes
élèves dans une cour de récréation d’école primaire, lorsque se font les
rassemblements conformistes où chacun veut briller plus que l’autre en
rajoutant sur la sottise originelle.
Ce phénomène quasi-stupéfiant
d’infantilisme de comportement est devenu aujourd’hui écrasant,
étouffant, bloquant tout dialogue possible, parce que la narrative
dominante est celle de l’Ukraine, et qu’elle est absolument construite
sur des fondations sans aucun rapport avec la réalité, illustrant des
événements également sans rapport avec la réalité. Lorsque deux
interlocuteurs se rencontrent et que l’un dit à l’autre “Je vous serre
la main mais n’entame une conversation constructive que si vous retirez
vos troupes d’Ukraine”, et que l’autre lui répond “Mais je n’ai aucune
troupe en Ukraine, comment voulez-vous que je rencontre votre demande”
(on notera qu’en exposant cela, nous ne prenons pas position, même si
notre position est connue), – on se trouve dans une situation
schizophrénique qui n’a aucune issue, où les deux mondes ainsi définis
n’ont aucune chance de se rencontrer. Et ce phénomène n’est pas
accessoire, il n’est pas “pour la galerie”, “pour les médias”, etc., il
est fondamental notamment dans l’attitude du bloc BAO, – parce que le
bloc BAO ne peut tenir sa cohésion, sa position, son standing, son “rang” si l’on veut qu’en ne cédant pas un pouce de sa narrative.
Il en est aujourd’hui le prisonnier plus que jamais, alors qu’il en a
été au départ la dupe plus encore que le constructeur conscient.
Cette situation générale implique que
toutes les démarches de Poutine pour parvenir à un arrangement sont
absolument vouées à l’échec. Ce n’est pas un constat bien nouveau,
certes, mais ce qui est remarquablement nouveau c’est la constance avec
laquelle ce constat ne cesse de se renforcer. Comme on observe la
situation, nous dirions que la seule issue se trouve dans une “sortie
vers le haut”, c’est-à-dire une tension, un affrontement, une
crise-dans-la-crise, une crise-au-dessus-de-la-crise, etc., dans des
domaines autres que la seule situation ukrainienne (du cas du Mistral
à celui de la dédollarisation, à celui de l’évolution des BRICS, il ne
manque pas de champs de manœuvre dans ce sens), où des intérêts
essentiels de membres du bloc BAO peuvent se trouver en opposition à
cette occasion, conduisant à des divergences significatives de position
vis-à-vis de la Russie. En attendant, Poutine n’a qu’une seule issue,
qui s’imposera de plus en plus à lui, qui est celle de chercher
systématiquement un renforcement de la position russe dans des postures
étrangères au bloc BAO, ou antagonistes du bloc BAO. Du point de vue
russe, c’est dans ce contexte que les observations du professeur Petras
deviennent intéressantes, notamment ce paragraphe où il recommande une
“nouvelle révolution économique et politique”, – qui pourrait être vue
comme une seconde démarche gorbatchévienne, – la première ayant servi à
sortir la Russie de l’emprise du Système par l’attaque et la destruction
de la bureaucratie soviétique, la seconde, celle de Poutine, allant
dans le sens de sortir la Russie de l’emprise du Système par l’attaque
et la destruction de de la restructuration capitaliste et corruptrice
forcée des années 1990…
«La Russie a besoin d’une nouvelle
révolution économique et politique, – à l’occasion de laquelle le
gouvernement doit identifier l’Ouest comme une menace impérialiste et
pour laquelle il s’appuiera sur une organisation des forces russes du
travail et non plus sur des oligarques douteux et suspects.
L’administration Poutine a sorti la Russie des abysses et a à réappris
aux Russes la dignité et le respect d’eux-même, chez eux autant qu’à
l’extérieur en tenant tête à l’agression occidentale en Ukraine. Appuyé
sur cette fondation, le président Poutine doit aller de l’avant et
démanteler entièrement les structures corrompues de l’État eltsinien et
de son économie, pour ré-industrialiser, diversifier et développer ses
hautes technologies dans une économie rénovée. Par-dessus tout, la
Russie doit créer une nouvelle démocratie, une forme populaire de
démocratie pour soutenir cette transition vers un État souverain et
anti-impérialiste…»
A cette lumière, nous dirions que le
conseil est effectivement bon, mais avec deux ajouts qui pourraient
paraître contradictoires et qui seraient éventuellement plutôt
complémentaires : le premier, que cette voie est en train de se dessiner
peut-être plus vite que ne le croit Petras, sous la pression des
événements, parce qu’elle devient la seule échappée possible pour
Poutine qui devra s’appuyer de plus en plus et de plus en plus
rapidement sur une sorte de souverainisme populiste en s’ouvrant sur ses
alliés type-BRICS pour résister aux pressions du bloc BAO ; le second,
qu’une amorce d’évolution dans ce sens, ou une évolution déjà en route,
susciterait, si elle n’apprête déjà à le susciter, des remous suffisants
pour précipiter certains de ces événements que nous évoquions pour une
“sortie vers le haut” de la crise ukrainienne, c’est-à-dire vers une
crise internationale plus grave encore qui secouerait gravement la
cohésion du bloc BAO et certaines situations intérieures de pays du bloc
BAO.
Quoi qu’il en soit des calculs des uns
et des autres, le jeu de la Russie (dans le sens où l’archi-gaulliste
Philippe de Saint-Robert parlait du Jeu de la France) est
aujourd’hui d’une importance vitale, non seulement pour la Russie
certes, mais bien au-delà, pour l’équilibre et le sort du Système. D’un
point de vue absolument objectif et nécessairement métahistorique, le
jeu de la Russie n’a de réelle importance que dans la mesure de ses
effets sur l’équilibre et le sort du Système. Il n’est pas sûr que cela
convienne aux plans et à la prudence de Poutine, mais cela nous paraît
une nécessité métahistorique qui écarte tout le reste.
Source : dedefensa.org
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