samedi 28 février 2015

Allemagne. Un « SMIC » à 8,50 euros, ça change quoi ? (L'Humanité)

Correspondance particulière

PAULINE HOUÉDÉ
Vendredi, 27 Février, 2015
Humanité Dimanche
AFP
Depuis début janvier, environ 3,7 millions de salariés bénéficient d’un salaire minimum de 8,50 euros brut de l’heure. Cette nouvelle mesure ne s’applique pas à tous. Certains patrons, augmentant les cadences ou poussant les salariés à opter pour un statut indépendant, ont déjà élaboré leur stratégie de contournement.
« Le salaire minimum ? Oui, ça fait une différence ! » Helin travaille à temps plein dans une boulangerie berlinoise. Depuis l’introduction du « SMIC » en Allemagne au 1 er janvier, elle gagne 8,50 euros brut.
Contre 6,10 euros de l’heure précédemment. Un coup de pouce qui lui permet de toucher environ 400 euros brut en plus à la fin du mois. « C’est de l’argent en plus pour mes filles », souligne-t-elle devant son comptoir de brötchen, ces petits pains très appréciés outre-Rhin. L’employée de boulangerie de 41 ans élève seule ses 3 filles et cumule les heures supplémentaires. Elle n’estime pas pour autant son travail mieux considéré depuis le début de l’année. « Seuls les chiffres changent », lâche-t-elle, en haussant les épaules.
Sur la fiche de paie de Marlen, le changement n’est pas si important.
La grande jeune femme de 25 ans travaille à temps partiel, un à deux jours par semaine, dans un bar-restaurant du quartier populaire de Neukölln dans le sud de la capitale allemande. L’étudiante gagnait auparavant 8 euros par heure. La loi lui permet aujourd’hui d’empocher 50 centimes de plus, soit 4 euros supplémentaires par jour. « C’est bien, mais assez négligeable pour moi, observe-t-elle. Je compte davantage sur les pourboires. » Grâce à ces derniers, son salaire horaire peut grimper jusqu’à 10 euros par heure.

Les coiffeurs attendront

Comme Helin ou Marlen, 3,7 millions d’Allemands sont directement concernés par l’introduction du salaire minimum décidée par le gouvernement de coalition d’Angela Merkel. La plupart d’entre eux travaillent dans l’hôtellerie, la restauration, les petits commerces, les call centers ... ou encore les entreprises de taxis. Des secteurs qui n’avaient jusqu’ici pas négocié de salaires minimums de branche. Sont concernés les CDI, les CDD, comme les « minijobs », ces emplois rémunérés jusqu’à 450 euros par mois et exonérés de cotisations sociales, ou encore les stages non obligatoires de plus de 3 mois. En sont exclus les mineurs, les apprentis, les stagiaires, un fameux trio connu sous le nom d ’« azubis » qui jouent un rôle très important en Allemagne, ou encore une série de métiers déjà couverts par des conventions collectives avec un « SMIC » inférieur à 8,50 euros. Ces derniers ont jusqu’en 2017 au plus tard pour se conformer à la nouvelle réglementation. C’est le cas des coiffeurs, dont le « SMIC » de branche, porté l’été dernier à 7,50 euros à l’est et à 8 euros à l’ouest du pays, sera relevé partout à 8,50 euros en août prochain.
La fédération des syndicats allemands DGB a lancé un numéro vert pour renseigner les salariés. Plus de 6 000 personnes ont jusqu’ici décroché leur téléphone. Si la plupart appellent pour obtenir des informations, cette ligne téléphonique est également l’occasion de repérer les premiers abus des employeurs signalés par les salariés : « Nous avons eu le cas d’exploitants de saunas ou solariums qui distribuaient des bons d’achats à leurs employés pour payer la différence entre leur salaire et le “ SMIC ” », raconte Marion Knappe, porte-parole du DGB. « Dans la restauration, les pourboires sont parfois récupérés pour payer les salariés ... Dans d’autres cas, les employeurs demandent à leurs employés de leur écrire une lettre dans laquelle ils renoncent au salaire minimum. On leur explique que cela ne vaut rien… »

Appliquer la loi ou risquer une amende

« Les employeurs vont se montrer très créatifs pour contourner la loi », souligne de son côté Karl Brenke, spécialiste du marché du travail à l’Institut économique de Berlin (DIW). Ce dernier évoque le nonpaiement des heures supplémentaires ou encore ces salariés sommés de prendre le statut de travailleur indépendant ... afin d’échapper au salaire minimum. Quand il ne s’agit pas de travailler plus vite : « Nous avons le cas classique de ces entreprises de nettoyage qui demandent à leurs employés de nettoyer par exemple une surface plus grande pour le même temps imparti », décrit l’économiste. « La grande majorité des employeurs ne cherchent pas des moyens de contourner le salaire minimum mais veulent l’appliquer dans les règles », expliquait lors d’un point presse fin janvier la ministre du Travail, Andrea Nahles, dont les services ont reçu en janvier 12 000 coups de fil, provenant notamment de patrons en quête d’informations.
Il est trop tôt pour évaluer l’attitude générale des employeurs, expliquent de leur côté les douanes allemandes.
Déjà chargée outre-Rhin de la lutte contre le travail au noir, l’administration accueillera 1 600 nouvelles recrues sur une période de 5 ans afin de contrôler l’application du salaire minimum dans les entreprises. Les contrevenants risquent une amende pouvant aller jusqu’à 500 000 euros.
REPERES
26 Le nombre de pays de l’OCDE ayant un salaire minimum.
9,61 euros brut de l’heure Salaire minimum en France.
8,34 euros brut de l’heure Salaire minimum au Royaume-Uni.
8,50 euros brut de l’heure Salaire minimum en Allemagne.

Travailleurs pauvres : qui pourra bénéficier de la prime d'activité ? (l'Humanité)

Samedi, 28 Février, 2015

AFP
Le quotidien Le Monde dévoile les modalités d'attribution de la nouvelle « prime d’activité » qui va remplacer la prime pour l’emploi (PPE) et le RSA activité à la fin de l'année.
Les modalités précises de cette nouvelle prestationdevraient être présentées mardi 3 mars par le premier ministre, Manuel Valls.
La nouvelle prime, dont le fonctionnement sera très proche du RSA activité, sera concentrée sur les travailleurs gagnant entre 570 et 1 360 euros net, soit entre 0,5 et 1,2 smic. Tous les bénéficiaires actuels de la PPE au-delà de ce seuil ne percevront plus rien, mais le gouvernement estime que la perte sera très faible, de l’ordre de quelques dizaines d’euros par an.
La prime d’activité sera bien versée dès le 1er euro gagné mais les salariés touchant jusqu’à 0,5 smic (soit environ 570 euros) ne devraient pas voir de grand bouleversement, le montant de la nouvelle prime d’activité restant pour eux à peu près le même que celui du RSA activité. « Il s’agit de ne pas inciter les tout petits contrats à temps partiel » justifie un des acteurs du dossier. « Le dispositif doit fonctionner comme une incitation à travailler davantage », abonde Matignon. Quitte à ne pas aider les travailleurs les plus pauvres. Le montant devrait être maximum pour les salariés gagnant autour de 800 euros.
Le collectif Alerte, qui regroupe les associations de lutte contre la pauvreté, a demandé que ce maximum soit de 250 euros, mais le rapport Sirugue n’évoque de son côté qu’un montant de 215 euros.
Les CAF, qui géreront le dispositif, cesseront de demander aux salariés ayant « trop » travaillé les mois précédents de rembourser de l’argent. La situation sera en effet réexaminée tous les trois mois, et le montant de la prime évoluera seulement pour les trois mois suivant. Contrairement au RSA activité, le montant de la prime ne dépendra plus non plus de complexes barèmes de ressources selon la structure du foyer, mais sera le même quelle que soit la situation familiale. La prime ne sera toutefois versée qu’en dessous d’un certain plafond de revenu du foyer. Pour éviter de désavantager les parents de famille monoparentale, qui auraient perdu pour cette raison dans la fusion, ceux-ci bénéficieront d’une allocation majorée.
La prime d’activité sera ouverte aux jeunes entre 18 et 25 ans, qui n’ont aujourd’hui pas accès au RSA. Selon le rapport Sirugue, environ 300 000 jeunes pourraient ainsi toucher cette prestation. Mais les derniers arbitrages du gouvernement pourraient finalement être bien moins généreux car les jeunes résidant chez leurs parents verront les revenus de l’ensemble du foyer fiscal pris en compte. « Nous voulons que les jeunes de moins de 25 ans qui travaillent puissent en bénéficier quoi qu’il arrive de manière autonome, sinon seulement 200 000 jeunes pourront en profiter », critique François Soulage, président du collectif Alerte. Le gouvernement s’y oppose pour l’instant, mais serait prêt à faire un geste pour les apprentis, qui au départ ne devaient pas bénéficier de la prime. « C’est un point qui pourra bouger lors de l’examen parlementaire [prévu cet été] et faire l’objet d’amendement », confirme Matignon.
Cette nouvelle prime, qui entrera en vigueur début 2016, devrait coûter environ 4 milliards d’euros par an, le même coût que la PPE et le RSA cumulés. Environ 7 millions de personnes y seraient éligibles, mais Matignon a fondé ses calculs sur le fait que seulement 50 % des bénéficiaires potentiels en feront au final la demande !

Le bonheur au pouvoir ? (Pressenza)


27.02.2015 - INREES - Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinaires
Le bonheur au pouvoir ?
Le Bonheur National Brut est plus important que le Produit National Brut. Slogan sur le mur de l'école des arts traditionnels de Thimphou. Crédits image : Mario Biondi | Wikimedia Commons
Par Réjane Ereau
Le bonheur peut-il être un indice de développement au niveau d’un pays ou d’une organisation ? C’est le pari relevé par le Bhoutan, sous l’œil attentif de l’ONU.
Imaginez un petit royaume niché discrètement entre Inde et Chine, au cœur de l’Himalaya. Imaginez une terre de forêts et d’agriculture vivrière, où la nature est encore très pure. Imaginez 750 000 habitants baignés de culture bouddhiste, longtemps tenus à l’écart des fracas du monde. Ce petit pays, aujourd’hui, intéresse l’ONU. Car depuis quarante ans, son développement n’est pas fondé sur le seul critère économique. « Si le gouvernement ne peut pas faire le bonheur de son peuple, il n’y a pas de raison que ce gouvernement existe », est-il écrit noir sur blanc dans son Code légal. En 1972, son roi déclarait que le « Bonheur National Brut » (BNB) était plus important que le « Produit National Brut ».

Bonheur national brut

« La richesse contribue de manière significative au bonheur, mais au-delà d’une certaine sécurité matérielle, son impact est négatif, note Yannick Lapierre, consultant-formateur au sein d’Arolla Partners. Regardez les Etats-Unis : c’est un des pays les plus riches du monde, mais il ne se classe que dix-septième en matière de satisfaction de vie.» L’ancien premier ministre du Bhoutan confirme : « Le bonheur ne dépend pas d’une croissance économique perpétuelle, mais d’un bon équilibre entre les besoins du corps et ceux de l’esprit. Le BNB est basé sur la conviction que le développement doit être durable, holistique, inclusif et centré sur l’humain. »
S’en est suivi la mise en place d’une grille d’analyse destinée à évaluer la justesse de toute décision politique, au regard non seulement de critères socio-économiques tels que le niveau de vie, la santé ou l’éducation, mais aussi de la préservation de l’environnement, de la culture, d’une gestion gouvernementale saine, du bien-être individuel et de la solidarité. Maîtres mots : équilibre, respect, responsabilité… et interconnexion, car tous ces sujets sont liés.

Sur le terrain

Paradoxe : au moment où les institutions internationales se penchent sur son cas, le Bhoutan traverse une période délicate. L’ouverture progressive du pays et ses récentes difficultés économiques, liées à l’arrêt des subventions indiennes sur l’essence et le gaz domestique, engendrent de nouvelles questions : entre aspiration légitime à plus de confort matériel et miroir aux alouettes de la vie à l’occidentale, les jeunes quittent les campagnes, se confrontent au chômage et à la délinquance. « Le gouvernement précédent a passé beaucoup plus de temps à parler de BNB qu’à agir », plaide le Parti démocratique du peuple, qui a remporté les dernières élections législatives. La période est charnière : comment conjuguer tous les facteurs ?
Pour décliner concrètement son modèle sur le terrain, prouver son bien-fondé et le faire perdurer, le Bhoutan a mis en place un Centre du Bonheur National Brut, dont la mission est de former des Bhoutanais, mais aussi des étrangers, à « comment appliquer les valeurs du BNB au quotidien, dans leur famille, leur communauté, leur pays et au-delà », explique le directeur des programmes Ha Vinh Tho, ancien responsable de la formation au Comité International de la Croix-Rouge (Genève).
Spécialistes du changement en organisation, Yannick Lapierre, Edouard Payen et Isabelle Lunel ont fait le voyage. Au programme : immersion dans le pays, rencontres d’acteurs locaux, formation aux principes du BNB et aux moyens de les mettre en œuvre à l’échelle d’une organisation. « Au Bhoutan, les élèves pratiquent la méditation pleine conscience avant d’entrer en classe. La façon d’enseigner des professeurs s’appuie aussi sur cette technique, qui leur permet d’être plus centrés, plus à l’écoute, plus à même de transmettre. Il s’agit vraiment de développer un état intérieur qui favorise l’attention et la relation », explique par exemple Isabelle Lunel.
A l’issue de ce voyage, Arolla Partners a créé un Institut Mindfulness et Bonheur, destiné à proposer en France des formations et des conférences-ateliers, notamment sur le BNB, en partenariat avec le Centre bhoutanais. « Notre système est dans l’impasse, commente Edouard Payen. Albert Einstein disait qu’aucun problème ne peut être résolu sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré. Il est temps de changer de niveau de conscience, à titre individuel et collectif. »

Laboratoire pour le monde

Aux Etats-Unis, la société textile Eileen Fisher Clothing Group a d’ores et déjà adapté les principes du BNB pour améliorer ses méthodes de travail. Idem chez Nature Brazil, leader des cosmétiques au Brésil. En avril 2012, un colloque à l’ONU sur le thème Bonheur et bien-être : définir un nouveau paradigme économique a rassemblé 800 participants, parmi lesquels des responsables politiques, des économistes, des acteurs de la société civile et le Secrétaire général des Nations unies. Il a ensuite été demandé au Bhoutan de fournir une série de conclusions et de recommandations en 2013 et 2014, pour application à partir de 2015.
« Le Bhoutan constitue un excellent laboratoire, souligne Isabelle Lunel. On peut y expérimenter des choses qu’on ne pourrait pas faire à grande échelle. Ce qui y fonctionne pourra inspirer d’autres pays, notamment ses colossaux voisins, l’Inde et la Chine ». Les grandes puissances se saisiront-elles de l’occasion ? « L’intérêt de l’ONU a le mérite d’envoyer le signal qu’il s’agit d’un enjeu fort, pas d’un gadget », estime Yannick Lapierre.
Et attendant, à chacun de nous, aussi, de favoriser l’émergence d’un nouveau paradigme. « Le véritable bonheur provient de l’aide que nous apportons à autrui, d’une vie en harmonie avec la Nature, ainsi que de la prise de conscience de notre sagesse originelle, rappelle l’ancien premier ministre du Bhoutan. Ce que nous voulons atteindre par les programmes du Centre du BNB, ce n’est rien de moins qu’une transformation profonde. Permettre aux gens de déployer leur plein potentiel, contemplatifs autant qu’analytiques dans leur compréhension du monde, ayant profondément réalisé qu’ils ne sont pas séparés de la Nature et des autres. En somme, réalisant leur humanité véritable. »
Source : http://www.inrees.com/articles/bonheur-au-pouvoir/

Sarkozy, Hollande, Zemmour… “Si on ne rit pas, on se flingue”, par Patrick Rambaud (Les crises)

Alors qu’il publie un roman libertaire sur un sage chinois, Patrick Rambaud passe en revue tout ce qui le met en colère. Entretien décapant.
Patrick Rambaud a trouvé son maître : c’est Tchouang-Tseu, un sage chinois du IVe siècle avant notre ère. Il lui consacre un roman facétieux comme un conte voltairien, qui fait en douce l’apologie de la décroissance et de la pensée libertaire pour mieux flinguer l’esprit de compétition, les princes qui nous gouvernent et toutes les formes de la bêtise humaine.
Après les six tomes de sa fameuse «Chronique du règne de Nicolas Ier», auxquelles Rambaud promet aujourd’hui une suite, ce «Maître»-là est une récréation terriblement actuelle.
L’OBS Qu’est-ce qui vous a pris de vous intéresser à ce Tchouang-tseu ?
PATRICK RAMBAUD Je le connais depuis très longtemps. Je l’ai rencontré au début des années 1970. A l’époque, je dînais souvent avec Michel Polac. Il m’avait dit un jour: «Tu devrais absolument lire ça.» La traduction disponible à l’époque était un peu obscure, mais pendant des années, je l’ai lu et relu – il y a eu depuis une autre traduction en 2006, remarquable, par Jean Levi. J’avais un attrait pour le personnage.
Par ailleurs je m’intéresse beaucoup à l’Asie, parce que je suis d’origine lyonnaise. J’ai au moins sept siècles de Lyonnais derrière moi. Or entre Lyon et l’Asie, il y a la soie. J’ai chez moi plein d’objets chinois qui datent des appartements lyonnais d’autrefois: des lampes, des cendriers, une pipe à opium, des trucs très bizarres.
Enfin, quand j’étais au journal «Actuel», mes camarades avaient toujours cinq ou six heures de retard à chaque rendez-vous, donc j’avais le temps de lire de la littérature chinoise en les attendant.
Vous n’étiez pas très mao pour autant?
Jamais. J’étais plutôt avec notre ami Simon Leys, qui vient de mourir. J’ai toujours pensé que Mao était un gros con et, comme tous les empereurs de Chine, un redoutable personnage.
Que sait-on exactement de Tchouang-tseu?
Ce type n’a pas de vie. Elle tient en dix lignes chez le premier grand historiographe chinois connu, Sseu-Ma Ts’ien, qui est né deux siècles après. On y apprend qu’il est né Tchouang (dans la ville de Mong), qu’il a un nom de famille (donc qu’il est issu d’une classe un peu élevée), et qu’il a occupé les fonctions de superviseur des laques. Ce sont à peu près les trois seules choses qu’on sait sur lui.
Mais j’ai aussi beaucoup relu le livre de Tchouang-tseu, on y trouve plein d’indications sur lui. Par exemple, au détour d’une anecdote on apprend qu’il était marié. Tiens. Qu’il avait des enfants. Tiens, tiens. Qu’il parle des expériences qu’il a faites. J’ai remis tout ça dans mon bouquin.
Sinon, son époque est intéressante : c’est celle des Royaumes combattants, entre la fin de la féodalité chinoise et le début de l’Empire. Trois-quatre siècles de bordel complet et de guerres permanentes. Chaque Etat mangeait l’autre, puis s’alliait avec un troisième jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Tout ça dans une brutalité totale. Mais je m’aperçois que toutes les époques sont des époques de chaos.
La nôtre aussi ?
Ça y ressemble pas mal. L’histoire est une longue histoire de massacres. Mais celle dont je parle est aussi le moment où est née la pensée chinoise, avec des philosophes errants qui cherchaient du boulot, et plein d’écoles de philosophie… Des livres permettent de reconstituer ce décor. Mais j’ai fait un roman. Des sinologues ne pourraient pas. Ils connaissent trop bien le sujet, ils n’oseraient pas se laisser aller comme ça. Moi, je m’en fiche, je ne parle pas un mot de chinois.
Il est beaucoup question des recettes de cuisine de l’époque. Le «fœtus de panthère», par exemple, ça se mangeait vraiment?
Oui. Pourquoi serais-je allé inventer un truc comme ça? C’est déjà assez barjot.
Et les foies humains ?
C’est dans Tchouang-tseu. Le premier écrivain chinois qui a signé son propre texte. Ca n’est pas rien, tout de même ! Et c’est aussi le premier penseur indépendant de tous les dogmes et de tous les pouvoirs: c’est très rare en Chine, l’indépendance. Lui c’est un type complètement indépendant. C’est sans doute ça aussi qui m’a séduit, dès les années 1970.
Je parlais tout à l’heure de la nouvelle traduction parue en 2006, dans un français limpide, par Jean Levi. Elle m’a bien aidé. Il faut la lire. Avec tout ça, je me suis inventé une histoire. J’ai pris les épisodes et j’ai essayé de les lier les uns aux autres.
Votre roman est aussi le portrait d’un sage. Quelle est sa grande leçon?
Je crois qu’on peut la résumer avec la phrase de Wittgenstein que je cite en tête du livre: «Puisque la vérité est étalée sous nos yeux, il n’y a rien à expliquer.» On ne peut qu’observer et décrire. Tout le reste n’est qu’un affreux bavardage.
Parce qu’il a observé de près les puissants, il donne aussi des leçons sur l’exercice du pouvoir.
Oui, il appartenait à la classe des fonctionnaires qui naît à cette époque-là. Donc il a été au service des princes. Il les a vus à l’œuvre. Et du coup il ne les supporte pas. Il y a deux choses qu’il ne supporte pas: les croyances et le pouvoir. D’où son indépendance totale.
Que devraient faire nos princes actuels s’ils lisaient ce livre? Démissionner?
Assez vite, oui. Faire leur boulot et partir, sans s’accrocher au pouvoir. Mais comme ils n’ont jamais rien fait d’autre… C’est ça le problème. C’est une espèce de caste très étrange, qui pense sans arrêt à se renouveler, à s’échanger des postes, à grimper. Ils ne parlent pas aux gens. Ce sera dans ma prochaine «Chronique», ça.
Voulez-vous dire que le fonctionnement de la cour des princes chinois vous a rappelé celle de Sarkozy?
Bien sûr, c’est toujours pareil. Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on revient vingt-cinq siècles en arrière et ce sont les mêmes bonshommes, avec les mêmes raisonnements. C’est peut-être pour ça aussi qu’il est moderne, notre ami Tchouang-tseu.
C’est assez désespérant. Votre livre est nihiliste au fond.
Non, ce n’est pas nihiliste. Il s’agit juste d’observer et décrire, je vous dis. On constate qu’il n’y a pas d’évolution fantastique entre le Ve siècle avant notre ère et aujourd’hui, c’est tout. C’est d’ailleurs assez amusant, non?
Votre Tchouang-tseu a aussi un côté très anti-libéral, très critique sur l’esprit de compétition, qui selon lui anime les hommes et ne leur apporte finalement que du malheur. Partagez-vous ce point de vue?
Bien sûr. La vie est dure pour ceux qui n’ont pas de travail. Mais ceux qui en ont sont complètement esclaves. 90% des gens au moins font un travail idiot. Comment peut-on vivre toute sa vie en faisant un travail idiot?
Par exemple ?
Un travail de bureau, de paperasse, par exemple, ça ne sert à rien. D’ailleurs, les gens ne pensent qu’à une chose, ce sont les vacances et les week-ends. Comme quand on est à l’école. On pense aux grandes vacances. Ah, ce que j’ai pu penser aux grandes vacances quand j’étais à l’école ! Le reste je m’en foutais complètement.
Le travail n’est pas obligatoire en fait. Il l’est devenu, mais il ne devrait pas l’être. Et ceux qui n’en ont pas cherchent à en avoir. Ca c’est terrifiant comme vision. Des gens qui font un travail intéressant, il n’y en a pas beaucoup. La presse, c’est intéressant par exemple. Ecrire des bouquins, aussi, même si c’est un travail bizarre.
Mais travailler dans une aciérie huit heures par jour, c’est effrayant. Toute sa vie. Et pour mourir tôt, parce qu’on est épuisé. En fait l’esclavage est absolument partout, contrairement à ce qu’on croit.
J’ai mis deux phrases dans le livre. Une d’Emerson, le maître de Thoreau: «Une mouche est aussi indomptable qu’une hyène.» Et j’ai casé aussi une phrase de Stirner: «Un homme n’est appelé à rien, pas plus qu’une plante ou qu’un oiseau.» C’est vrai. C’est idiot, cette idée de vouloir trouver un sens à tout, alors qu’il n’y en a pas.
Sans doute, mais la crise économique…
Ecoutez, j’ai toujours entendu dire que c’était la crise et qu’il fallait faire des efforts, pour enrichir trois financiers. C’est consternant comme discours. J’entends ça depuis que je suis né en 1946, donc ça va, ça suffit, il faudrait passer à autre chose, essayer de voir les choses autrement. Mais nos dirigeants ne peuvent pas voir autrement : ils sont dans ce moule-là, ils ne peuvent pas en sortir. Ils réfléchissent à partir de choses déjà connues. Ils n’ont pas d’idées.
Tout est économique dans leur discours. C’est épuisant. Ces types ne voient qu’en chiffres. Ils ne parlent pas aux gens. Ce malheureux Hollande ne sait pas parler aux gens. C’est le prototype de l’énarque, promotion croquignol comme dit l’autre. Il est entouré d’énarques qui n’ont jamais rien fait, qui ne voient pas les gens, qui ne savent pas leur parler.
C’est étonnant quand même. Il me semble que le plus important, ce sont les gens, non? Je suis peut-être complètement con, mais je cherche à être con, parce que les chiffres sans arrêt, ce n’est pas possible… On va payer plus, serrez-vous la ceinture… Merde ! Ce n’est pas ça la vie ! Eh bien, si, pour eux c’est ça.
Il n’y a qu’à voir la fameuse histoire de la naissance des 3%. L’idée que «le déficit public ne doit pas dépasser les 3% de la richesse nationale», ça s’est fait au pif. Ça a été inventé sous Mitterrand. Et c’est devenu un dogme. Je raconterai en détail, l’année prochaine, comme ça s’est fait.
Mais encore une fois, comment répondre à la paupérisation des populations?
Il y en a partout, des gens qui se paupérisent. Dans le monde. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, ce n’est pas mon métier. Mais étrangler les gens en permanence, ce n’est pas possible. Il faut changer complètement de vision des choses. Peut-être qu’il faudra une grande catastrophe pour que ça arrive…
Mais il y a des gens qui veulent sortir de ça. Même en Chine. Il y a ce grand mouvement qui s’appelle le «mouvement des branleurs»: ce sont des jeunes Chinois qui se fichent du pognon. Ils vivent complètement en marge du système. Ils sont très mal vus, mais leur mouvement prend de l’importance, puisque le gouvernement en parle. Et puis avec internet, ils peuvent se fédérer, un peu comme ceux de Hong-Kong. Ca fait très peur au gouvernement chinois.
Ils ressemblent un peu à nos zadistes, vos «branleurs».
Oui, mais ils ne sont pas violents. Ça ne sert à rien de casser des trucs. Ça se termine toujours mal. Enfin, c’est vrai, il y a un courant comme ça. On relit Thoreau, ça veut dire quelque chose.
Nous, quand on parlait d’écologie dans les années 1970, tout le monde se foutait de notre gueule. On avait fait la campagne de René Dumont à «Actuel». C’était le premier candidat écolo à la présidentielle, tout de même !
C’était l’époque où Pompidou voulait recouvrir le canal Saint-Martin et détruire Paris pour faire Manhattan. Des trucs abominables. Il a réussi à casser les Halles, d’ailleurs, ce qui était grotesque. Donc on réagissait contre tout ça, mais ça ne prenait pas. Maintenant, ça commence un peu plus à prendre…
Tchouang aussi se méfiait du progrès technique et du pouvoir des machines, un peu comme les luddites au XIXe siècle. C’est un apôtre avant l’heure de la décroissance…
Oui, ça c’est très, très curieux. Mais ça vient de ses textes. Il y raconte quelque chose qu’il a sans doute vécu. Un jour il voit des types qui se fatiguent à tirer de l’eau avec des seaux pour arroser des citrouilles.
Il leur dit qu’il existe une espèce de roue qui pourrait les aider à faire monter l’eau, et qu’ils pourraient produire beaucoup plus de citrouilles en se fatiguant moins.
Le type lui dit: «Monsieur ça nous ferait honte. La machine va nous manger, elle va nous mécaniser le cœur.» C’est extrêmement bizarre. La seule machine qui existe à l’époque est celle-là, et il dit déjà que c’est très dangereux, qu’il faut s’en méfier.
Je suis sans le savoir assez d’accord avec Tchouang-tseu. Je n’ai pas de bagnole, je n’ai jamais su conduire. Je n’ai pas d’ordinateur. J’ai un téléphone portable mais qui est toujours éteint, je prends simplement les messages qu’on m’y laisse. C’est juste pour téléphoner, ça ne me sert pas d’ouvre-boîte et de grille-pain en plus. Je m’en fous, je ne suis pas branché. A notre époque, c’est très reposant. Donc oui, je suis assez d’accord avec lui. C’est peut-être pour ça que j’ai fait un livre sur lui finalement.
Votez-vous pour les écologistes ?
Je ne vote pas. Je n’ai jamais voté de ma vie. Je n’y arrive pas. J’ai un blocage. Je n’y crois pas trop. Sauf à l’Académie Goncourt. Où je ne suis pas toujours d’accord, d’ailleurs, avec les résultats.
Qu’avez-vous pensé justement du Goncourt 2014 ?
Je suis très content pour Lydie Salvayre. Je crois que tout le monde est content. Elle vendait 6000 exemplaires avant le Goncourt, elle doit bien en être à 300.000. Ça marche. Le Goncourt, il ne faut pas oublier que les gens l’achètent à Noël pour leur grand-mère. Moi quand je l’ai eu, j’ai passé deux mois à écrire «Joyeux Noël mémé» sur mes livres. C’est bien, c’est toujours moins con que d’offrir des chocolats.
Patrick Rambaud (Bruno Coutier)
Il y a aussi un discours très libertaire dans votre roman, avec l’idée qu’il y a trop de lois et que plus il y en a, plus il y a de brigands.
Qu’il y ait trop de lois, c’est évident. Lao-tseu l’avait dit. Et sitôt qu’il y a une loi, ça incite les gens à la contourner, à faire le contraire. Tenez, récemment, la loi la plus idiote, c’était l’idée d’interdire les feux de bois dans les cheminées ! Ségolène a arrêté la chose.
Mais tout est interdit depuis un moment. Gouverner, c’est interdire. De quoi se mêlent donc ces gens? Ce n’est pas parce qu’un type met deux bûches dans une cheminée, pour se chauffer, ou parce que c’est joli, que ça va envoyer des particules partout. A Paris, des particules, on en prend plein la figure dès qu’on ouvre sa fenêtre. C’est comme cette interdiction permanente de fumer !
Disons que ça peut être mauvais pour la santé de votre entourage, non?
Vous en êtes certain ? Est-ce que ça va tuer des gens qui, dans la rue, respirent bien pire? Mon toubib m’a dit que j’avais «des poumons de parisien». C’est intéressant quand même… Non, cette manie d’interdire est catastrophique.
Votre génération était pleine d’espoirs en Mai-68. Etes-vous amer, ou déçu, devant la tournure prise par les choses?
Pas du tout. D’abord, à partir du 4 mars 68, j’ai dû faire mon service dans l’armée de l’air. On essayait de faire des choses à l’armée, des conneries comme bloquer des parachutistes sur la base d’Evreux, mais ça ne menait pas bien loin.
En fait, dans notre génération, on s’emmerdait terriblement. La censure était partout. Il fallait être habillé en gris et avoir les cheveux courts. Je me souviens d’un type, en 67. Il remontait les Champs-Elysées, dans un costume en velours grenat qui passerait aujourd’hui complètement inaperçu. Tous les gens disaient : «Eh, regardez le pédé.»
C’était étouffant. Mai-68, c’était une façon d’ouvrir la fenêtre. De respirer, d’avoir un peu d’air. «De l’air, de l’air», c’était un des slogans d’«Actuel». Aujourd’hui, la manie d’interdire est revenue. On a de nouveau besoin d’air, considérablement. Fichez donc la paix aux gens !
Un homme politique disait pourtant l’autre jour sentir dans notre pays un «besoin d’autorité».
Je crois le connaître, oui. Il pense ce qu’il veut.
C’est aussi ce que dit le Front national, au fond.
Oui, bien sûr. Ça me rappelle surtout le prince Tchang, dont le royaume est devenu la Chine en mangeant tous les autres. Il était complètement militarisé. Quand on lit ses textes, on a l’impression de lire Adam Smith: c’est le pouvoir militaire à tout prix, il n’y a que ça, que la loi. C’est lui qui a inventé ça à l’époque. Les résultats ont été catastrophiques. L’empire chinois s’est avéré contraignant et abominable.
Aujourd’hui, on en revient comme toujours au vieux truc de la poigne autoritaire, comme si les gens n’étaient pas adultes. On les considère toujours comme une classe de gamins un peu turbulents qu’il faut mater. C’est assez bête et dangereux, on n’est pas obligé d’aller se mettre là-dedans. Il faut se retenir. C’est dommage que certains n’y arrivent pas. Ce sont des bavardages. Zemmour, c’est un long bavardage, avec plein de choses fausses dedans. Mais j’en parlerai dans ma chronique.
Vous allez donc y revenir, à la chronique politique?
Oui, je l’ai interrompue deux ans pour faire mon roman et m’aérer la tête. J’avais écrit six chroniques de suite, ça devenait mécanique, j’en avais marre. Là je suis à nouveau assez en colère contre tous ces gens.
A droite comme à gauche ?
Oui. Ceux qui ont le pouvoir sont plus ou moins tocards, mais il n’y en a aucun de bon.
Alain Juppé jouit aujourd’hui d’une très forte popularité. Comment le percevez-vous?
Comme le type qui, en 1997 à Bordeaux, m’a fait découvrir les cœurs de canard en broche. Donc je pense qu’il ne peut pas être complètement mauvais. Mais c’est tout ce que j’ai à dire sur lui pour le moment.
Le personnage principal de vos «Chroniques», lui, est réapparu en tout cas. Sarkozy a-t-il réussi son retour selon vous? Les éditorialistes en ont beaucoup débattu l’automne dernier…
Ah, c’est un débat complètement inutile.
Et pensez-vous qu’il a une chance sérieuse de revenir à l’Elysée?
Je ne l’espère pas, mais on ne sait pas. En attendant, le clown revient et il m’amuse toujours autant. Si on ne rit pas, qu’est-ce qu’on fait? On se flingue. Il est consternant. C’est la consternation qui domine, en ce moment, quand on regarde la classe politique.
Mais ces gens n’ont pas d’importance, en fait. Ce qui est amusant c’est de les voir s’agiter, c’est tout. Marine Le Pen, tenez. C’est Mlle de Montretout dans ma chronique. Elle a le même programme que Georges Marchais en 1970. Et financée par l’argent de Moscou, Môssieur !
Le fond de votre livre est pourtant assez sombre sur le rôle de l’écrivain. Les propos de Confucius sont mal compris, Tchouang-tseu finit par se retirer du monde…
C’est vrai, les propos des écrivains sont toujours déformés. Pourtant, moi, j’essaie d’être clair. J’ai un sens de la politesse vis-à-vis des lecteurs. Je les aime bien, c’est pour eux qu’on écrit des histoires. Quand j’avais 16 ans, j’étais illusionniste dans un petit cabaret de la Rive-Droite. J’ai vu comment fonctionnait la crédulité des gens. C’est pour ça que j’essaie d’être le plus simple possible, pour qu’ils comprennent et que ça les intéresse. J’ai tout appris dans ce cabaret, finalement.
LIRELe discours du Bourget raconté par Patrick Rambaud” style=”margin: 0px; padding: 0px; border: 0px; list-style: none; position: absolute; top: 0.6em; right: 0.5em; color: rgb(179, 179, 179); box-sizing: border-box;”>Enfin, on sort de l’année Marguerite Duras, puisqu’on a beaucoup célébré le centenaire de sa naissance tout au long de 2014. Comment l’avez-vous vécue, en tant que pasticheur officiel de Marguerite Duraille?
Pas pasticheur : j’ai écrit des parodies, qui ont quelque chose de méchant, alors que les pastiches sont des exercices d’admiration. J’en ai fait deux, de son vivant. J’ai aussi fait des recettes de cuisine à sa manière, pour «l’Obs». C’était pour la critiquer. Dire que Marguerite Duras est nulle et me barbe à un degré invraisemblable, tout le monde s’en fout. Donc j’avais fait une parodie, pour au moins faire rire les gens. Ce qui a été le cas. C’est tout.
En tout cas, pour l’anniversaire de la mort de La Bruyère, je crois qu’il n’y a rien eu, c’est dommage. Je l’aime beaucoup. C’est un des premiers auteurs français modernes. On peut y entrer où on veut, comme on veut. Marguerite, je m’en fous, chacun fait ce qu’il veut. Ça finance des bavards. Il faut bien financer les bavards, quelquefois.
Mais vous trouvez toujours sa littérature aussi ridicule?
Ah complètement. Totalement ridicule. Peut-être pas «Un Barrage contre le Pacifique», mais après, ça se gâte.
Et comme vous n’avez pas de chance, on rentre à présent dans l’année Roland Barthes… que vous avez parodié aussi.
Bah oui, dans «le Roland Barthes sans peine», une méthode Assimil écrite avec mon ami Burnier. C’est une langue proche du français, mais qui n’est pas tout à fait du français. Au lieu de dire : «je suis dactylo», on dit :«j’expulse des petits bouts de code».
Ça a fait rire aussi. Il faut faire rire, sans emmerder les gens comme Marguerite. Sinistre Marguerite. J’ai essayé de voir ses films, je n’ai jamais pu en voir un entier. Dieu sait que j’en ai vu des navets, pourtant. Ça ronronne, on s’endort, ça n’a aucun intérêt. Pour moi en tout cas. Cela dit, c’est un genre, l’emmerdant. Certains aiment. Il y a des masochistes partout.
Propos recueillis par Grégoire Leménager
Source : L’Obs

Le capitalisme expliqué en 12 minutes : l’île aux fleurs (Les moutons enragés)

Le capitalisme expliqué en 12 minutes : l’île aux fleurs

Un court-métrage documentaire devenu culte sur la mécanique capitaliste : l’île aux fleurs, du brésilien Jorge Furtado, vous y apprendrez pourquoi une alimentation jugée impropre pour un cochon peut être consommée par un être humain…
 

La France occupée : Bruxelles exige de nouvelles réformes ambitieuses [Euractiv] (Les moutons enragés)

La France occupée : Bruxelles exige de nouvelles réformes ambitieuses [Euractiv]

La loi Macron à peine adoptée par le gouvernement sans débat parlementaire, Bruxelles impose déjà à la France un nouveau programme détaillé de réformes dites « structurelles », entendez par là un train de mesures de libéralisation économique et de destruction des mécanismes de protection sociale supplémentaires, pour le mois d’Avril. La loi Macron constituait déjà une attaque sans précédent contre le droit du travail, il semble que cela ne soit considéré que comme une première étape vers la paupérisation et la précarisation massive des salariés par les instances néolibérales de l’UE. Notre pays est définitivement sous occupation, pour ceux qui en doutaient encore, et la capitulation en rase campagne du parti grec anti-austérité Syriza doit faire prendre conscience qu’il n’y a pas d’alternative possible à ces politiques de régression sociale sans un recouvrement de la souveraineté nationale et la sortie de l’UE…

Moscovici a annoncé un nouveau délai pour que la France ramène son déficit sous la barre des 3%
La Commission européenne attend de pied ferme un nouveau programme détaillé de réformes structurelles de Paris d’ici avril, malgré l’adoption récente de la loi Macron.
Paris a deux ans supplémentaires pour ramener son déficit public sous la barre des 3%, soit d’ici 2017. Mais devra en contrepartie engager très rapidement des réformes ambitieuses de son économie, a tranché la Commission européenne le 25 février.
Annonçant les décisions prises sur les budgets nationaux de la France, de l’Italie et de la Belgique, trois pays en délicatesse avec les règles du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission a épinglé Paris au tableau de mauvais élèves sur le front des grands déséquilibres macro-économiques, tout en laissant davantage de temps au pays pour réduire son déficit public.
Des réformes attendues
Le message de la Commission est clair : les réformes structurelles engagées par Paris, et notamment la loi Macron ne sont pas suffisantes. « Nous avons monté la France d’un cran dans l’échelle de responsabilité sur le plan des déséquilibres macro-économiques » a précisé le commissaire français Pierre Moscovici, en charge des affaires économiques. Sur les 6 niveaux que comporte l’évaluation de Bruxelles, la France se trouve maintenant au 5ème pallier.
« La France a déjà annoncé plusieurs réformes, qui vont dans la bonne direction [….] Nous attendons qu’elle présente un programme national de réformes ambitieux et plus détaillé au mois d’avril » a déclaré l’ancien ministre de l’Économie français.
Les propositions françaises de réformes seront de nouveau réévaluées au mois de mai. Mais sans amélioration, la Commission passera à l’étape suivante, c’est-à-dire la demande d’un plan de réforme « correctif ».
Un défi de taille
Le défi est de taille pour Paris, qui vient de faire passer en force devant les députés la loi Macron, sensée relancer l’économie française. Et le gouvernement doit maintenant aller plus loin avec une majorité de plus en plus fragile. Un exercice d’équilibriste périlleux.
« Il ne m’a pas échappé que le vote de la Loi Macron n’a pas été simple à l’Assemblée nationale » a concédé le commissaire français Pierre Moscovici.
Déficit budgétaire
Si la Commission a serré la bride sur le front des réformes, Paris s’en sort mieux sur la question du déficit public en obtenant un nouveau délai de 2 ans afin de repasser sous la barre des 3%.
« Nous allons proposer au conseil une nouvelle recommandation afin de reporter la date butoir de 2015 à 2017 pour la France » a souligné Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission en charge de l’euro.
Le pays avait déjà obtenu en 2013 un report de deux ans de son objectif de réduction du déficit public à 3% du PIB. Mais depuis des mois, à Paris comme à Bruxelles le deuil est fait du respect de l’échéance de 2015.
Fermeté
Afin d’éviter que ce nouveau délai ne sape la crédibilité du Pacte de stabilité et de croissance, l’exécutif a pris garde de faire montre de fermeté.
« Pour 2015, nous recommandons un effort structurel de 0,5% du PIB » a expliqué Valdis Dombrovskis. La France s’était engagée à la réduction de son déficit structurel à hauteur de 0,3% et l’effort supplémentaire de 0,2% demandé au gouvernement français, soit environ 4 milliards d’euros d’économie supplémentaires, fait figure de condition sine qua non. Un rappel nécessaire alors que plusieurs pays du nord de l’Europe auraient souhaité une ligne plus dure sur la question du déficit français.
« L’effort budgétaire structurel demandé à la France doit être absolument respecté » a insisté le commissaire français. « C’est important pour la crédibilité de la Commission, mais aussi de la France » a-t-il rappelé.
Une condition que la France a immédiatement réaffirmé vouloir respecter. « La France respectera ses engagements d’un ajustement 2015 de ce niveau » a souligné le ministre des Finances Michel Sapin.
Le suivi de l’engagement français devrait être renforcé. « Nous ferons une nouvelle évaluation de cet objectif 3 mois après que soit adoptée la nouvelle recommandation au Conseil » a détaillé Valdis Dombrovskis.
Autres mauvais élèves
La France n’est pas la seule à avoir fait l’objet de recommandations de la part de la Commission. Au total, 16 États membres ont été épinglés au titre des déséquilibres macro-économiques, dont l’Allemagne pour son manque d’investissement dans les secteurs privé et public.
source : Euractiv

Boris Nemtsov, ennemi de Poutine, a-t-il été tué par la CIA? (Les moutons enragés)

Boris Nemtsov, ennemi de Poutine, a-t-il été tué par la CIA?

Depuis le début des problèmes en Ukraine, Vladimir Poutine est resté de marbre, un geste de travers aurait été le prétexte idéal pour déclencher un conflit de grande ampleur. Le soulèvement en Ukraine? Organisé par les Etats-Unis qui s’emparent morceau par morceau du pays. Les très (trop) nombreuses sanctions décidées par les Etats-Unis (toujours…) sont contre-productives, nombre de pays d’occident perdent des sommes colossales, et après certains s’étonnent que la Russie refuse d’importer des produits européens ou américains… Les défilés à la frontière russe de véhicules armés américains, là encore pure provocation, et Vlad qui reste de marbre… La propagande va si loin qu’il a été expliqué que Poutine était autiste, voire même qu’il a été aidé par des extra-terrestres, du grand n’importe quoi servi aux foules!
La situation aurait pu se calmer en Ukraine, les militaires nationalistes ont été armée par les USA et l’Angleterre. Alors pensez-vous que Poutine aurait pu commettre un geste aussi insensé et dangereux pour la stabilité actuelle de son pays avec un acte aussi radical et visible? Pour l’instant, nombre d’articles sur internet pointent la CIA du doigt, reste à voir ce qu’il en est réellement…
Quand aux grands chefs d’états qui se prétendent démocrates, tous ils condamnent l’assassinat en glissant entre les lignes que le coupable idéal n’est autre que Poutine. Cherchez simplement à voir à qui profite le crime, juste cela, pour bien comprendre les enjeux…
L’opposant russe et ancien vice-premier ministre Boris Nemtsov a été tué par balles en plein centre de Moscou, devant le Kremlin, dans la nuit de vendredi à samedi, « un assassinat qui a tout d’une provocation », selon le président Vladimir Poutine.
Boris Nemtsov se promenait avec une jeune femme sur le Grand Pont de pierre, juste à côté du Kremlin, quand « vers 23h15, une voiture s’est approchée d’eux, quelqu’un a tiré des coups de feu, dont quatre l’ont touché dans le dos, causant sa mort », a déclaré une porte-parole du ministère russe de l’Intérieur, Elena Alexeeva, à la chaîne de télévision Rossia 24.Une « provocation », selon Poutine
« Poutine a déclaré que cet assassinat brutal portait les marques d’un meurtre commandité et avait tout d’une provocation », a indiqué aussitôt son porte-parole, Dmitri Peskov.

Boris Nemtsov, 55 ans, avait été premier vice-Premier ministre du président Boris Eltsine à la fin des années 90 pendant un an et demi. Après l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, il était devenu l’un des principaux opposants au Kremlin.

Un responsable du Comité d’enquêtes, Vladimir Markine, a indiqué de son côté que « pas moins de six ou sept coups de feu ont été tirés sur Boris Nemtsov par un inconnu circulant en voiture ». « Devant moi, je vois le corps de Boris. Il y a beaucoup de policiers autour », a déclaré à l’agence Ria Novosti un proche de M. Nemtsov, l’opposant Ilia Iachine, arrivé rapidement sur les lieux. Rossia 24 a montré des images du corps de Boris Nemtsov allongé par terre sur le pont. Des traces de sang étaient visibles.
« Le prix à payer »
Plusieurs personnes ont été témoins de l’assassinat et la jeune femme qui accompagnait Boris Nemtsov a été interrogée par les enquêteurs, a précisé la police, citée par les agences russes. Aussitôt la nouvelle connue, des Moscovites sont venus déposer des fleurs près de l’endroit ou l’opposant a été tué.
La Maison Blanche à Washington a condamné « le meurtre brutal » de Boris Nemtsov et appelé « le gouvernement russe à rapidement mener une enquête impartiale et transparente », alors qu’à Moscou les réactions atterrées se multipliaient. « C’est une terrible tragédie pour tout le pays », a réagi aussitôt l’ancien ministre des Finances de Vladimir Poutine, Alexeï Koudrine.
Article intégral sur 7sur7.be

vendredi 27 février 2015

L'orthodoxie économique, le remède qui devient poison : la Grèce ne remboursera jamais sa dette ! (La tribune)

Opinions

(Crédits : Reuters)
Gilles Lecointre | - 927 mots
Le problème grec est -il seulement économique? par Gilles Lecointre, entrepreneur, professeur à l'Université de Paris Ouest et enseignant à l'Essec
Il y a quelques mois j'essayai de convaincre mes étudiants de l'exemplarité de la solidarité européenne et, à titre d'exemple, je cru bon d'évoquer le plan de sauvetage de la Grèce.
Mon propos déchaîna immédiatement une réponse passionnée d'une élève originaire de ce pays qui m'opposa l'immense misère que ce plan avait déclenché. « Avec cette austérité sans précédent, me disait-elle, nous sommes revenus à un niveau de vie inférieur à tout ce que nous connaissions avant. Une honnête famille ne peut plus subvenir à ses besoins élémentaires. C'est intolérable. »

Le remède pire que le mal?

La digne violence de cette étudiante me laissa perplexe et entama mes certitudes. Et depuis je m'interroge sur la validité d'une telle politique du « redressement » forcé. Faut-il contraindre le soldat grec à passer sous les fourches caudines ? Le remède peut-il être pire que le mal ?
Mais aussi, peut-on tolérer que des engagements internationaux ne soient pas respectés, que la corruption, l'imprévoyance, le laisser-aller triomphent ?
Mais aussi....est-on bien certain que le défaut de paiement éventuel de la Grèce, sur une dette qui a été financée sur le principe de la planche à billets, provoquerait un impact cataclysmique sur l'Europe et sur l'Euro ?
Mais aussi, se souvient-on qu'un certain DSK nous disait au début de cette grise qu'il serait plus sage d'annuler la dette grecque et de repartir sur de nouvelles bases ?
Toutes ces remarques montrent la dualité de la situation et soulèvent deux questions de fond : le problème est-il seulement économique ? Et, si non, l'outil choisi pour « réparer » la machine grecque est-il bien approprié ?
Sur la première interrogation, on voit bien que le problème grec n'est pas seulement financier car il peut s'envisager de multiples manières.
Par exemple :
- Se place-t-on en économiste orthodoxe, comptable du seul principe de l'égalité des recettes et des charges ?
- Se place-t-on en homme politique défenseur du respect des Lois et des engagements donnés entre États ?
- Se place-t-on en moraliste qui a le souci de l'équité ?
- Se place-t-on dans une perspective purement humaniste qui privilégie la compassion?
Quelle est, dans ces quatre façons de regarder la réalité, la bonne méthode ?

Quatre ordres s'emboîtant les uns dans les autres

André Comte Sponville, philosophe bien connu, nous aide à réfléchir. Que nous montre-t-il en effet dans son ouvrage le plus connu, « Le capitalisme est-il moral ? ». Il pense que nos sociétés sont organisées sur la base de quatre ordres qui s'emboîtent les uns les autres, chacun étant limité pat l'ordre qui lui est supérieur. Tout en bas de l'échelle il y a l'ordre du monde technique et scientifique - dont fait partie l'économie- et qui est celui ce qui est possible.
Mais tout ce qui est possible n'est pas nécessairement souhaitable, le monde technique doit être encadré par le monde du politique qui définit les Lois.
On sait bien aussi que les dictatures sont possibles, même dans un monde légaliste, il convient donc de subordonner le monde politique à celui de la morale qui définit le bien et le mal.
Enfin un monde moral n'est pas toujours un monde humaniste ; il faut donc faire dépendre l'ordre moral du principe de respect de l'amour de son prochain.

Un effort utile?

Si l'on accepte cette vision du monde, on peut aisément s'en servir de grille d'interprétation de la crise grecque. En effet, le remboursement « technique » de la dette, partie émergente du problème, ne peut s'envisager que par rapport à un accord politique qui en fixe les termes et conditions. Mais pour que cet accord soit respecté, encore convient-il qu'il soit juste et qu'il soit défendu par des autorités elles-mêmes irréprochables. Enfin il est ô combien nécessaire que l'effort demandé soit utile et débouche sur un mieux pour le peuple qui doit en supporter la charge.
Or, dans le cas de la Grèce, ce « modèle » vertueux est défaillant : les porteurs du projet ne sont pas crédibles de part et d'autre, leur parole ne vaut pas grand-chose et la démagogie (pour défendre le peuple opprimé ou bien pour jouer les vierges effarouchées défendant l'ordre international) est leur principal credo. Les efforts financiers demandés sont trop importants et ne permettent pas à la machine économique de redémarrer. La dette creuse son propre trou et son fardeau est donc perçu comme injuste. Comment peut-on d'ailleurs imaginer un quelconque remboursement alors que le « malade » ne peut subvenir à ses besoins élémentaires (pour honorer une dette il convient d'être suffisamment bien portant pour avoir l'énergie de créer de la valeur et faire face). Enfin, ce pénible spectacle crée une opposition peuple contre peuple qui nous écarte de notre idéal de paix et de respect mutuel.

Quand l'économie perd sa boussole

Morale de cette histoire, la dette grecque ne sera jamais remboursée et son économie a peu de chance de s'améliorer. Car l'économie ne peut être considérée comme un domaine autonome qui ne devrait rendre des comptes qu'à elle-même.
Faute de comprendre les différents mondes dans lesquelles elle s'inscrit, elle perd la boussole, se trompe dans toutes ses prévisions, se décrédibilise et désespère le peuple qui finit toujours par avoir raison.

Le Qatar devient propriétaire d'un quartier entier de Milan (La tribune)

L'acquisitionLe quartier doit héberger des marques telles que Nike, Google, Samsung, et d'autres griffes de la mode. (Photo: Paolo Sacchi)
Le quartier doit héberger des marques telles que Nike, Google, Samsung, et d'autres griffes de la mode. (Photo: Paolo Sacchi) (Crédits : Hines Italia)
latribune.fr |
 
Le Qatar Investment Authority (QIA), fonds souverain du pays, vient aussi de devenir le propriétaire unique de l'intégralité d'un quartier d'affaires de Milan, a annoncé vendredi la société italienne de développement immobilier Hines Italia qui représente le consortium des investisseurs initiaux du projet.
Le fonds, qui détenait déjà 40% du projet immobilier de Porta Nuova, a relevé les parts des autres associés.

Un projet évalué à plus de 2 milliards d'euros

Le projet, qui compte 25 immeubles, est actuellement évalué sur le marché plus de 2 milliards d'euros. Le quartier doit héberger des marques telles que Nike, Google, Samsung, et d'autres griffes de la mode .
 
Le montant de l'opération n'a pas été dévoilé. La somme est toutefois "importante", selon le directeur général d'Hines Italia, Manfredi Catella, qui a souligné:
"Il s'agit de l'une des plus grandes transactions à l'échelle européenne".
"Les investisseurs dans le projet de Porta Nuova ont gagné 30%", a-t-il par ailleurs précisé, ajoutant: "Il y aura par la suite la possibilité que d'autres fonds souverains rentrent dans le capital en position minoritaire".

Un "Bois vertical" parmi les immeubles acquis

Parmi les joyaux architecturaux du nouveau quartier désormais dans les mains du Qatar figure le Bosco verticale (Bois vertical) dessiné par l'architecte italien Stefano Boeri, qui a remporté en novembre de l'International Highrise Award, prix du meilleur gratte-ciel décerné tous les deux ans à Francfort.
Bosco Verticale à Milan

 Les prix des appartements situés dans les deux tours qui le composent -définies par le jury de Francfort comme un "grand exemple de symbiose entre architecture et nature"- ont déjà atteint les 10 millions d'euros, rapporte Il Sole 24 Ore. Chaque appartement bénéficie d'un balcon ou d'une terrasse privative où poussent un millier de plantes et arbres de variétés différentes.

Scandale en Grande-Bretagne : deux parlementaires filmés en flagrant délit de malversation (Lci via Les mots ont un sens)

Edité par avec
le 24 février 2015

Après la révélation d'une enquête menée par la télévision et la presse locale, deux anciens ministres britanniques des Affaires étrangères se sont défendus lundi d'avoir commis la moindre malversation après avoir été filmés en train de proposer leurs services à une entreprise chinoise fictive en l'échange de contreparties financières.
Malcolm Rifkind, membre du Parti conservateur et le travailliste Jack Straw, député du principal parti d'opposition, le Labour, sont tous les deux devenus persona non grata au sein de la vie politique anglaise. Suspendus par leur propre parti, ils sont accusés de monnayer leur service, enregistrement sonore à l'appui.
Des révélations qui font suite à une enquête menée par des journalistes du journal Daily Telegraph et de l'émission Dispatches de la chaîne de télévision Channel 4 qui se font passer pour des hommes d'affaires. Des hommes d'affaires qui demandent à ces politiques d'user de leur influence pour favoriser une entreprise privée.
"Ce que j'ai dit est utilisé"
Dans la vidéo, Malcolm Rifkind déclare aux journalistes se faisant passer pour des hommes d'affaires chinois qu'il dispose d'un accès "utile" aux ambassadeurs, tandis que Jack Straw explique comment il a su par le passé discrètement utiliser son influence pour modifier les règles européennes au bénéfice d'une autre entreprise. Malcolm Rifkind a déclaré à la BBC qu'il avait rencontré les représentants de l'entreprise pour entendre ce qu'ils avaient à dire sans avoir négocié ou accepté quoi que ce soit de leur part.

Mardi, il a annoncé qu'il renonçait à se représenter à son siège de député aux législatives du 7 mai, et Jack Strauw s'est exprimé par le biais d'un communiqué. Sa version des faits : il aurait clairement expliqué à ses interlocuteurs qu'il ne travaillerait pour l'entreprise qu'après avoir abandonné son mandat de député comme prévu, après des élections en mai.

"Je me trouve maintenant dans la terrible situation où ce que j'ai dit est utilisé pour suggérer que j'ai commis un méfait alors qu'il n'y en a pas", a-t-il ajouté. "Je suis sûr que rien de ce que j'ai dit lors de ces rencontres était incorrect". Les deux hommes ont averti la Commission d'éthique parlementaire et rien dans le rapport de celle-ci ne semble indiquer qu'ils aient commis la moindre malversation. A l'aube des élections législatives anglaises, ces allégations risquent d'attiser le ressentiment des Britanniques à l'égard des principaux partis politiques, et d'alimenter le vote en faveur de leurs rivaux.
 

 

L’hypothèse d’un “GREXIT”, par Jacques Sapir (Les crises)

 
La possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone Euro, qu’elle soit voulue ou qu’elle soit subie, devient de plus en plus vraisemblable d’ici le début du mois de juillet prochain. Le fait que le gouvernement grec et l’Eurogroupe aient pu trouver un accord pour les quatre mois nous séparant de cette date ne change rien à l’affaire. Il faudra poser la question soit de l’annulation d’une partie de la dette, soit de sa transformation (en réalité un moratoire sur près de trente ans). Or, l’on sait que ces deux hypothèses sont également rejetées par l’Allemagne. Il convient donc de regarder un certain nombre de paramètres de la Grèce pour se faire une idée réelle de ce qu’un « GREXIT » signifierait.

La question fiscale

Le premier point concerne la question fiscale. On affirme que la Grèce a vécu « au dessus de ses moyens » et qu’elle doit « payer » pour ses errements passés. En réalité, quand on regarde les recettes publiques on constate d’une part que la situation de la Grèce n’était pas en 1995 différente de celles du Portugal et de l’Espagne, et qu’elle a fait un effort important de 1995 à 2000 arrivant au niveau des Pays-Bas.
Graphique 1
A - FiscaGr1
Source : FMI
Cet effort s’est relâché de 2000 à 2004, mais il a repris par la suite et aujourd’hui la Grèce se trouve avec un même niveau de recettes que l’Allemagne, et un niveau légèrement supérieur au Portugal et aux Pays-Bas, et même très nettement supérieur à celui de l’Espagne. Bien sur, elle reste en-deçà de pays comme l’Italie et la Finlande. Mais rien n’autorise à dire que l’effort fiscal des grecs ne fut pas important, même si on peut penser qu’il est mal réparti et que proportionnellement la partie la plus pauvre de la population paye le plus.
Par contre, les dépenses publiques sont toujours restées très importantes, voire excessive. C’est en partie le problème des JO de 2004, mais pas seulement.
Graphique 2
A - FiscaGR2
Source : FMI
En fait, les dépenses publiques explosent de 2007 à 2009 sous l’influence de trois facteurs : d’une part des mesures anti-crises en 2008, mais aussi (et surtout) des libéralités du gouvernement (conservateur) pour gagner les élections de 2009 (ce qui fut politiquement un échec) et d’autre part la montée des taux d’intérêts qui commencent à créer un « effet Ponzi » de la dette. Alors que la croissance économique se ralentit et que la croissance nominale (croissance du PIB réelle x taux d’inflation) diminue, la hausse des taux, sur un volume élevé de dettes publiques, rend insupportable le poids des intérêts. En fait, ce mécanisme Ponzi (appelé ainsi car il évoque les pyramides financières où les intérêts des premiers déposants sont payés par de nouveaux souscripteurs) explique largement la montée régulière de la dette publique à partir de 2009, et une très large part de l’excès des dépenses publiques.
On sait que la Grèce a atteint un excédent budgétaire primaire (soit hors les remboursements de la dette). Cela veut dire que si la Grèce faisait défaut sur sa dette, estimant que les intérêts payés depuis 2009 ont éteint une grande partie de cette dernière, elle pourrait financer sur ses propres bases ses dépenses publiques. En d’autres termes, si la Grèce fait défaut, et si elle sort de l’Euro, elle n’a plus besoin d’emprunter pour boucler son budget. C’est un premier point qu’il faut avoir à l’esprit quand on parle d’un possible GREXIT. La Banque Centrale de Grèce n’aurait pas à monétiser des sommes importantes, ce qui exclut le risque d’hyperinflation qui est souvent avancé par les adversaires de la solution du Grexit.

Epargne et investissement.

Mais, dira-t-on, la Grèce a besoin d’emprunter pour investir. Elle ne peut se couper des marchés financiers, ce qui arriverait en cas de sortie de la zone Euro. En fait, la chute des investissements a été telle que, depuis 2013, l’épargne interne est supérieure à l’investissement.
Graphique 3
A - InvEpGR
Source : FMI
Si l’on part de l’idée que les recettes fiscales seront égales aux dépenses (et qu’il ne faudra pas emprunter pour couvrir un déficit budgétaire) ce point, bien montré dans le graphique 3 est important. En fait, jusqu’en 1994, l’écart entre les investissements et l’épargne est peu important. Cet écart devient par contre considérable à partir de 1999, très certainement à cause des investissements décidés dans le cadre de la préparation des JO de 2004, mais il continue à croître par la suite. En 2009, le flux d’épargne annule n’est que de 15 milliards alors que les investissements atteignent 37,5 milliards. Aujourd’hui, on est revenu à une situation ou la Grèce exporte son épargne. Ceci est lié à la contraction brutale de l’investissement mais cela signifie AUSSI que la Grèce peut parfaitement vivre « en circuit fermé » d’un point de vue financier. C’est un facteur important quand on cherche à évaluer la possibilité d’un GREXIT.

La question de la balance courante.

On rappelle ici que la balance courante confronte les importations et les exportations de biens et de services. On voit que la situation de la Grèce se caractérise par un léger déficit, le pays exportant environ 20-25% de son PIB. Par contre, par la suite, le déficit de la balance courante se creuse de manière astronomique, en particulier de 2004 à 2007, soit sous le gouvernement conservateur. Cette situation s’explique aussi par l’étouffement des exportations grecques du fait du renchérissement de l’Euro. La Grèce exporte à plus de 60% en dehors de la zone Euro. La hausse de l’Euro que l’on constate alors étrangle les industries et services exportant. La Grèce est, en 2013-2014, revenue à l’équilibre mais au prix d’une contraction dramatique des importations.
Graphique 4
A - BalComGR
Source : FMI
On voit ici qu’une dévaluation de 20% à 30%, rendue possible par une sortie de l’Euro aurait des effets extrêmement positifs sur l’économie1 . L’effet d’accroissement sur le volume du PIB serait important. La Grèce pourrait donc accroître ses importations (en biens d’équipements notamment) sans compromettre l’équilibre de la balance courante.
Ceci confirme donc une analyse intuitive. La Grèce est AUJOURD’HUI bien plus prête à une sortie de l’Euro qu’elle ne l’était en 2009 ou 2010. Une telle sortie, accompagnée d’un défaut sur la dette et d’une dévaluation de 20% à 30% aurait pour effet de dynamiser rapidement et profondément l’économie grecque. Ceci conduirait très certainement à des gains de productivité du travail importants, qui permettrait, dès 2016, des hausses de salaire importante sans compromettre la compétitivité retrouvée de l’économie grecque.
Source : Jacques Sapir, pour son blog RussEurope, le 24 février 2015
  1. Artus P., « Dévaluer en cas de besoin avait beaucoup d’avantages », NATIXIS, Flash-Economie, note n°365/2012, 29 mai 2012

Fin de partie pour Syriza ? Pas si vite…(Les crises)

Devant le Parlement à Athènes, le 20 février 2015. REUTERS/Yannis Behrakis.
Devant le Parlement à Athènes, le 20 février 2015

Les commentaires sur l’accord entre la Grèce et l’Eurogroupe ont transformé la défaite provisoire de Syriza en déroute définitive. Il faudra pourtant plusieurs mois pour savoir si c’est vraiment le cas.
Depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce, deux logiques s’affrontent au sein de la zone euro, sur les plans à la fois économique et politique.
D’un côté, les membres de l’Eurogroupe conditionnent leur soutien financier à une consolidation budgétaire drastique et à des «réformes structurelles» allant dans le sens d’une déréglementation des marchés des biens et du travail. De plus, les autorités européennes affirment que les choix démocratiques d’un peuple ne peuvent pas contrevenir aux traités européens, ni aux exigences des créanciers publics d’un pays. En somme, quels que soient les choix politiques du peuple grec, il lui est dénié la possibilité de rester dans la zone euro et d’y mener des politiques alternatives, sous peine de blocus financier et monétaire.
De l’autre côté, face à ce que l’économiste Cédric Durand et le sociologue Razmig Keucheyan n’ont pas hésité à qualifier de «césarisme bureaucratique», le nouveau gouvernement grec a pour priorité de mettre fin aux conséquences désastreuses de l’austérité qui ravage le pays depuis plusieurs années. Syriza veut éviter de déprimer l’activité par une politique budgétaire trop restrictive et entend réformer son Etat et son économie d’une manière qui ne pénalise pas davantage les citoyens ordinaires. En outre, le parti conteste que la souveraineté nationale puisse être circonvenue par des autorités européennes sans véritable mandat populaire. Autrement dit, son rejet de «l’austérité permanente» cible à la fois sa rationalité économique et sa légitimité démocratique.

La logique du «tout ou rien» nécessite d’être nuancée.

Attendu, le choc entre ces deux logiques s’est bien produit, alimentant le suspense de négociations tendues tout au long du mois de février. Plusieurs économistes, dont Frédéric Lordon, avaient prévenu que le gouvernement Tsipras n’aurait d’autre choix que de se soumettre ou de se démettre, en raison de l’intransigeance prévisible de la position allemande. Et de fait, l’Allemagne, en position de domination géo-économique dans la zone euro, a bien cherché à anéantir tout programme alternatif aux mémorandums imposés par la fameuse Troïka (UE, BCE, FMI) à Athènes.

Cette logique du «tout ou rien» nécessite cependant d’être nuancée.

Premièrement, la position allemande recèle plus de nuances qu’il n’y paraît. La ligne du ministre des Finances Wolfgang Schäuble semble manifestement plus dure que celle d’Angela Merkel ou des sociaux-démocrates de sa coalition, ces derniers hésitant manifestement à assumer le risque énorme que représenterait la fin de «l’irréversibilité» de l’euro.
Deuxièmement, un autre acteur à prendre à compte est justement la Banque centrale européenne, dont l’existence est liée à la zone euro. Malgré son coup de force du 4 février dernier, la perspective d’un démembrement de l’Union économique et monétaire (UEM), fut-il circonscrit, n’est certainement pas dans son intérêt.
Troisièmement, au directoire de la BCE comme dans l’Eurogroupe, les représentants n’ont pas de droit divin, et doivent convaincre de leur ligne les autres Etats membres.

Une défaite relative, un bras de fer à plus long terme

L’accord trouvé samedi 20 février, dont le détail a été bien décrit par Romaric Godin dans La Tribune, semble pourtant donner raison à ceux pour qui la victoire d’un camp et la défaite de l’autre seraient forcément totales. Tandis que des voix, à l’extrême-gauche, ont crié à la trahison de Syriza (qu’elles avaient prophétisée, car elles prophétisent les trahisons de tout gouvernement non révolutionnaire), des journalistes sensibles à la conception allemande de la zone euro n’ont pas manqué non plus de savourer la supposée capitulation du gouvernement grec.
Cette interprétation de l’accord n’est cependant pas la seule possible. Sans partager, faute d’informations et de conviction intime, la thèse d’un savant calcul de Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis pour mieux faire exploser le consensus de Bruxelles dans quatre mois, plusieurs observations peuvent être faites.
(1) Le nombre et la nature des concessions faites par Athènes consistent bien en une défaite face à la logique de l’Eurogroupe. Aucune restructuration de la dette n’est envisagée, des impératifs draconiens d’excédents budgétaires s’imposeront à nouveau à partir de 2016 et les réformes souhaitées par Syriza feront toujours l’objet d’une forme de surveillance de ses créditeurs. Wolfgang Schäuble a eu ce qu’il voulait: la poursuite du programme d’aide existant, moyennant quelques aménagements.
(2) Toutefois, un certain nombre de différences avec une extension à l’identique de ce programme sont notables. Le gouvernement grec retrouve une autonomie dans la définition des mesures qu’il souhaite mettre en œuvre pour respecter ses engagements. L’approbation de sa politique par ses créditeurs s’apparente certes à une forme de «souveraineté limitée», mais c’est déjà un progrès. De plus, le pays obtient de respirer pendant quelques mois: il pourra faire face à ses engagements immédiats sans que ses banques se voient couper l’accès au refinancement, et les exigences d’un excédent primaire pour 2015 seront revues à la baisse.
(3) Surtout, chacun des acteurs a «acheté du temps» plutôt que remporté une victoire ou une défaite irréversible. En effet, dans quatre mois, les deux logiques mentionnées plus haut risquent bien de rentrer à nouveau en collision. Or, tout le monde avait besoin d’une trêve de quelques semaines (dont il faudra déjà voir si elle tient jusqu’à la fin de la semaine, Athènes devant présenter son programme d’action mardi).
Les dirigeants de la zone euro souhaitaient en effet ce répit. Ils ont d’ailleurs pris l’habitude, depuis la crise, de repousser sans cesse la résolution des contradictions de l’UEM. Ces compromis imparfaits ne renvoient pas tant à un caractère vélléitaire des élites européennes qu’à une erreur de diagnostic profonde sur les maux de la zone euro.
Se gausser de «l’impréparation» et de «l’arrogance» de Syriza revient à exiger d’un pestiféré de la cour d’école qu’il se rallie sa classe en quelques jours
Le gouvernement grec, plus encore, avait un besoin vital de cette trêve. Il a en effet entamé les négociations avec pour perspective une éventuelle panique bancaire en cas d’échec; pour appui une opinion solidaire, mais toujours acquise à la monnaie unique; pour interlocuteur un Eurogroupe dont aucun des membres n’a véritablement appuyé sa cause; et pour instrument une administration pas forcément favorable, dont il est à la tête depuis un mois à peine. Dans ces conditions, il y a beau jeu de se gausser de «l’impréparation» de Syriza et de se scandaliser de «l’arrogance» de son ministre des Finances, qui n’a pas eu la décence de respecter l’étiquette des réunions européennes. Cela revient un peu à exiger d’un nouveau venu et déjà pestiféré de la cour d’école qu’il se rallie sa classe en quelques jours, tout en lui imposant une nouvelle façon de jouer à la récréation.

Pourquoi l’Allemagne a provisoirement pris le dessus

En résumé, les marges de manœuvre obtenues par Syriza sont minces, tandis que son affrontement avec la logique de l’austérité permanente n’est pas terminé. Une bataille a été perdue dans un conflit qui se joue en fait à plus long terme. Certains économistes, au premier rang desquels Jacques Sapir, estiment d’ailleurs que la respiration obtenue par Athènes doit maintenant être utilisée par le gouvernement à préparer le pays à une sortie de la zone euro.
S’il semble finalement que Syriza devra bien se démettre brutalement ou se soumettre totalement, sa mise au pas est-elle pour autant certaine? Non, et c’est pourquoi les nuances que nous avons apportées plus haut n’étaient pas vaines. Si l’orientation «ordolibérale» de Berlin domine dans l’Eurogroupe, et si la ligne dure de Schäuble pèse très fortement dans l’orientation de Berlin, les seules règles écrites de la zone euro ne permettent pas de le comprendre.
D’une part, il faut prendre en compte des facteurs internes à l’Allemagne, qui incitent ses représentants à camper sur une position d’intransigeance. Depuis les élections générales de 2013, un parti conservateur anti-euro baptisé AfD a surgi dans le paysage allemand, et sa dynamique et sa capacité de nuisance électorale inquiètent la chancelière. Toute concession aux pays du Sud serait du pain bénit pour cet adversaire.
D’autre part, les dirigeants allemands ont procédé à une neutralisation de tous les adversaires potentiels à sa ligne. Berlin a su s’allier les riches Etats exportateurs du nord de la zone, mais aussi les Etats «périphériques», dont les exécutifs n’ont aucun intérêt à accorder des concessions que réclament des partis oppositionnels de leur propre pays. Enfin, la France et l’Italie sont tenues en respect par l’examen de leurs budgets par la Commission, elle-même obligée de ne pas heurter la première économie de l’UE. Où l’on voit les effets du traité «Merkozy», que François Hollande a renoncé à renégocier à son arrivée au pouvoir…
Au passage, tout ceci signifie que plusieurs des récits construits ces derniers mois n’avaient aucun rapport avec la réalité. Ainsi, «l’offensive rose» du centre-gauche, annoncées après les européennes de 2014, aurait dû venir appuyer les dirigeants de Syriza, repeints en paisibles sociaux-démocrates peu avant les élections de janvier. Cela ne s’est évidemment pas produit.

Ce que ces événements révèlent de la zone euro

De façon plus essentielle, ce diagnostic oblige à reconnaître qu’une politique alternative dans le cadre de la zone euro est devenue quasi impossible, du moins pour les Etats périphériques de cet ensemble. C’est ce que n’ont pas manqué de relever des responsables de l’aile gauche de Syriza, comme Stathis Kouvélakis.
Certains des obstacles dressés devant les espoirs d’un «bon euro» sont déjà connus. Il s’agit de la difficulté de modifier les traités dès lors que l’unanimité des 28 Etats membres est requise, du poids grandissant acquis par les institutions communautaires indépendantes dans le système européen, de la domination allemande dans le rapport de force économique et politique à l’intérieur de l’eurozone.
Mais le bras de fer engagé par Syriza a aussi illustré que le cadre des négociations lui-même pousse à des compromis insatisfaisant et peu durables. En effet, l’accord trouvé le 20 février est typique de ceux qu’a l’habitude de produire le système institutionnel européen. Faute de pouvoir trouver une solution satisfaisante pour tous, mais faute aussi d’assumer l’irréductibilité des logiques qui s’opposent, les acteurs négocient en défendant non pas leurs intérêts positifs, mais leurs intérêts négatifs: ils tracent alors des lignes rouges en tentant de rapprocher ensuite leurs positions respectives.
Le résultat final ne peut donc ni correspondre à la position exacte de quiconque, ni résoudre durablement les problèmes de fond. Alors qu’on passe d’un «sommet de la dernière chance» à un autre, jamais ne sont traitées les véritables contradictions de la zone euro, dont la crise grecque n’est qu’un sous-produit.
De fait, l’utilisation d’une même monnaie par un ensemble de pays aussi hétérogènes, en l’absence d’un puissant mécanisme de transferts des pays riches vers les pays pauvres, entraîne nécessairement la migration des capacités productives des seconds vers les premiers, de l’Europe du Sud vers l’Europe du Nord.
Ce processus, qui s’est déroulé tout au long des années 2000, a été renforcé par la politique de compétitivité menée par l’Allemagne à partir de la fin des années 1990. Le déséquilibre a été provisoirement compensé par une forte baisse des taux d’intérêts dans les pays du Sud de la zone. En contrepartie, une véritable bulle de l’endettement, public comme privé, s’est alors formée.

La Grèce est la pointe avancée de la décomposition d’une union monétaire insoutenable dans son architecture actuelle

A cette crise de désindustrialisation et à cet endettement insoutenable, les autorités européennes ont répondu par des politiques d’austérité et des «réformes structurelles». Comme si, au-delà du caractère pro-cyclique de ces mesures tant de fois dénoncé, on pouvait créer des usines en se contentant d’abaisser le coût du travail et de diminuer la dépense publique! Sans politique de monnaie faible, sans soutien actif de l’Etat aux entreprises pour l’innovation et la recherche, de tels remèdes aboutissent forcément à une chute de l’investissement et de la productivité.
La Grèce est donc la pointe avancée de la décomposition d’une union monétaire insoutenable dans son architecture actuelle, que les acteurs les plus puissants sont pourtant décidés à conserver, puisqu’elle sert jusqu’à présent leurs intérêts. Du temps est sans cesse acheté, mais en imposant des politiques économiques poussant dangereusement à la déflation. Ce n’est que dans les prochains mois que nous saurons si Syriza se conformera à cette logique, ou s’il finira par s’y dérober.
Source : Fabien Escalona et Nicolas Gonzales, pour Slate, le 24 février 2015.
Fabien Escalona est Enseignant à Sciences Po Grenoble
Nicolas Gonzales est Ancien élève de Sciences Po Grenoble, mémorant à l’EHESS.