lundi 30 novembre 2015

La résistance n’est pas qu’une histoire de terrasses (l'Humanité)

PIERRE DUQUESNE
JEUDI, 26 NOVEMBRE, 2015
L'HUMANITÉ
Lors des hommages place de la république, les jeunes étaient les plus nombreux à défier la peur et l'interdiction de se rassembler.
Photo : Benoit Tessier/Reuters
Confrontés aux attentats terroristes, de nombreux jeunes appellent 
à une réaction politique qui dépasse le simple clin d’œil parisien 
du «Tous au bistrot». Sur les réseaux sociaux, les débats fleurissent 
et le désir de s’engager pour contrer la barbarie devient impérieux.
Sarah Roubato n’a pas 30 ans. Elle est française. « Paris est (s)a ville », comme elle dit. Elle parle plusieurs langues et se dit « républicaine et transculturelle ». Elle a fait une école internationale puis, après le bac, des études au Québec. « J’ai des origines, comme on dit, maghrébines », ajoute-t-elle. Après les attentats, elle n’a pas voulu vivre cet événement seulement au travers des médias, « de façon passive ». Alors, elle a pris la plume. Très énervée, surtout, de voir se multiplier sur les réseaux sociaux des messages « Tous en terrasse ! » ou des photos de copains disant, un verre de bière à la main, « On résiste ! ». « Aujourd’hui, ce n’est pas en terrasse que j’ai envie d’aller », écrit cette jeune femme de 29 ans dans une lettre adressée à « (s)a génération ». Son texte a fait un carton. Diffusé sur son blog, et relayé par le site Mediapart, il a reçu 140 000 « like » sur Facebook en trois jours. Près de 1 million de vues sur la Toile… Le papier le plus lu de toute l’histoire du journal d’information en ligne. L’écho gigantesque donné à ce coup de gueule salvateur aurait pu surprendre. Il témoigne surtout du désir, dans une grande partie de la jeunesse, de débattre et de s’engager pour répondre, au-delà du simple pied de nez aux « en terrasse », au défi politique que pose le terrorisme.
Sarah, elle, ne s’explique pas vraiment le succès de sa lettre. « Une fois diffusé sur le Net, ce texte ne m’appartient plus », juge cette ancienne élève du lycée Henri-IV. Anthropologue de formation, auteure de textes de chansons, Sarah n’a rien contre « les terrasses » en tant que telles. Mais elle redoute les limites d’une réaction réduite à un clin d’œil. « J’étais en France le 11 janvier et les manifs “Je suis Charlie”, se souvient-elle. J’avais été marquée de voir comment on est en train de substituer le symbole à l’action. Que les dirigeants politiques le fassent, qu’ils soient uniquement dans la posture, la communication, on est habitué… Ce qui me choque aujourd’hui, c’est de voir que les citoyens font de même. »

Un humour tranchant qui se double d’une lecture politique acérée

Dans sa lettre, elle chambre, non sans raison : « Je ne suis pas sûre que si les attentats prévus à la Défense avaient eu lieu, on aurait lancé des groupes Facebook “Tous en costard au pied des gratte-ciel !” ni qu’on aurait crié notre fierté d’être un peuple d’employés et de patrons fiers de participer au capitalisme mondial, pas toi ? » Au passage, Sarah égratigne « les messes festives du week-end » et le règne de « l’hyperconsommation ». L’humour tranchant se double d’une lecture politique acérée. « On nous raconte qu’on a été attaqué parce qu’on est le grand modèle de la liberté et de la tolérance. (...) Il me semble qu’on a plutôt été attaqué parce que la France est une ancienne puissance coloniale du Moyen-Orient, parce que la France a bombardé certains pays en plongeant une main généreuse dans leurs ressources, parce que la France est accessible géographiquement, (…), parce que la France est un terreau fertile pour recruter des djihadistes. »
Ce réquisitoire, parfois un brin condescendant, a fait l’effet d’un électrochoc et ouvert un large débat. Une « Réponse à Sarah Roubato », œuvre d’une étudiante en droit, a commencé à peine à tourner sur Facebook qu’une « Réponse à la réponse à Sarah Roubato » prenait le relais… Car la jeune femme n’est pas la seule de sa génération à plonger la plume dans la plaie. « Ce sont tes propres enfants, chère France, qui s’attaquent à leur pays. Le pays qui les a vus naître et grandir. Et? pourtant, tu ne veux toujours pas te remettre en question ni même chercher à comprendre comment on en est arrivé là ! », écrit Hawa, 23 ans, étudiante en Île-de-France, sur le site Zone d’expression populaire, un média citoyen ouvert aux jeunes (la-zep.fr).
Julien Ballaire, 25 ans, ancien de l’Unef et aujourd’hui salarié dans une Scop, a lancé un appel à cette « jeunesse éduquée, ouverte d’esprit, multiculturelle, buvant des coups dans des quartiers bobos, (...) qui a le pouvoir d’achat pour profiter du Bataclan, celle-là même qui lira le Goncourt tout frais d’un passionné d’Orient ». Cette jeunesse doit agir « parce qu’il est temps, grand temps, que le malheur succombe », citant au passage Jean Ferrat. Pour Julien Ballaire, cette jeunesse « exerçant des professions intellectuelles, est la plus à même de se faire entendre, la mieux armée pour développer un esprit critique, et pour infléchir les orientations politiques. On peut le déplorer, mais cette jeunesse-là pèse dans le débat public. Comment réagira cette fraction de la jeunesse ? Le but des terroristes c’est de la faire douter, lui montrer qu’il faut qu’elle ait peur, qu’elle identifie ses ennemis. Il ne faut pas tomber dans ce piège ».
Comme Sarah Roubato, il insiste sur le fait que la France n’a pas été attaquée pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle fait. « J’avais 11 ans le 11 septembre 2001. Treize ans quand les États-Unis ont décidé d’envahir l’Iraq. Notre génération n’est pas responsable des choix politiques faits à cette époque, qu’elle paie cher aujourd’hui. Mais c’est à nous de montrer que la guerre contre le terrorisme a été un échec. Notre génération ne doit pas servir d’alibi aux politiques qui ont provoqué le chaos ici, comme là-bas. » Et Julien, qui milite à la Ligue des droits de l’homme, d’enfoncer le clou. « Il ne suffira pas de mettre des bougies à ses fenêtres pour éviter que Daech gagne, comme il n’a pas suffi d’être “Charlie” le 11 janvier pour empêcher qu’il ne gagne des points. Chaque appel à la guerre est une victoire de Daech. Chaque loi sécuritaire est une victoire de Daech. Chaque repli identitaire, chaque saillie islamophobe, chaque envie de ratonnade, chaque attaque contre une mosquée est une victoire de Daech. Chaque musellement de l’expression de la société civile est une victoire de Daech. »
Julien, comme Sarah, ont fait de grandes écoles. Mais, dans d’autres milieux aussi, des jeunes se mobilisent. « Après les attentats de “Charlie” et de l’Hyper Cacher, et suite aux drames des réfugiés de cet été, nous avons vu affluer beaucoup d’étudiants nous disant qu’ils voulaient agir », raconte Élise Renaudin, directrice déléguée de l’Afev, association de promotion de l’engagement des jeunes, très présente sur les facs. « En un an, nous sommes passés de 4 000 à 5 000 volontaires. »
Parmi eux, Nadjah Mroudjae, 23 ans, étudiante en sciences de l’éducation à Lille. « J’ai moi-même été en terrasse boire des verres avec des copains. Je trouve que c’est bien. Cela montre que les terroristes n’atteindront pas leur but, leur donner raison. » Elle ne s’est pas arrêtée là. En plus d’accompagner un enfant des quartiers populaires, elle a adhéré en janvier à l’association Coexister qui organise des « rencontres interconvictionnelles », où discutent des personnes croyantes et des personnes non croyantes. Des rencontres philosophiques, interreligieuses et incluant des personnes athées. « Je suis musulmane, et dans ce contexte, j’ai envie d’agir. Non pas pour dédouaner ma religion. Si tous les musulmans commencent à se justifier, ce sera suspect. Mais j’ai envie de m’engager, avec mon identité, pour faire avancer la société dans son ensemble. » Ces jeunes militants sont, comme Deniz Kiraz, Sihame Assbague, Marius Caillol (lire portraits ci-contre), très engagés dans la bataille contre les amalgames. Au mot-clé #TousEnTerrasses », les jeunes de l’Afev ont préféré brandir 
un autre sur les réseaux sociaux :#NousSommesUnis.
« Une bénévole de Saint-Étienne, qui porte le voile, a été agressée la semaine dernière suite aux attentats, rapporte Élise Renaudin. Comme l’ensemble de la société, la jeunesse est traversée par le raidissement idéologique, que ce soit des discours prônant une laïcité peu inclusive, d’un côté, et, ou une certaine radicalisation religieuse. Mais il y a aussi énormément de jeunes qui s’engagent et qui participent à la mobilisation citoyenne. » S’ils n’adhèrent pas aux organisations politiques traditionnelles – c’est le cas de Sarah, Julien, Nadjah – ils n’ont pas de désintérêt pour la chose publique. « Plus de la moitié des jeunes déclarent que la politique est importante dans leur vie, plus de huit jeunes sur dix suivent son actualité », explique le dernier baromètre de l’Afev. Y compris dans les quartiers populaires. L’étude réalisée en septembre par l’association montre que deux tiers des collégiens de ces territoires se sont dits « en colère » contre les terroristes ou « tristes » après les attentats du mois de janvier. Seuls 17 % se déclaraient « indifférent ». « Il existe toujours une proportion de jeunes, extrêmement minoritaires, qui se sentent tellement abandonnés et exclus par la République qu’ils ne peuvent participer à ce moment d’union nationale ou à la minute de silence », explique Élise Renaudin. Si cette jeunesse en rupture a été moins visible qu’après l’attentat à Charlie Hebdo, elle existe bel et bien. Souvent loin des terrasses.

Chronologie des attentats : hasard ou stratégie de la tension ! (le libre penseur)


Chronologie des attentats : hasard ou stratégie de la tension !



Cette image ne nécessite clairement aucun commentaire car elle se suffit à elle-même.

Oui, un Nobel d’économie peut raisonner comme un abruti (l'humanité)

Oui, un Nobel d’économie peut raisonner comme un abruti

GÉRARD LE PUILL(*)
LUNDI, 30 NOVEMBRE, 2015

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Photo Philippe Huguen
Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence de Paris pour tenter de trouver les voies d’une limitation de la hausse de la température du globe à + 2°C d’ici la fin du siècle en cours, Jean Tirole continue d’affirmer que cela dépend, exclusivement et miraculeusement, du prix de la tonne de carbone sur le marché mondial des droits à polluer.
Le 5 juin dernier je posais la question suivante comme titre d’un article sur l’Humanité.fr : « Un Nobel d’économe peut raisonner comme un abruti?». La question visait nommément Jean Tirole qui, avec son collègue Christian Gollier de l’école d’économie de Toulouse, considérait dans le Monde daté de ce même jour qu’une taxe carbone suffisamment élevée permettrait de réduire miraculeusement les émissions de gaz à effet de serre sans rien changer au fonctionnement de l’économie libérale mondialisée.
 
Dans le supplément économique du Monde daté du 28 novembre, Jean Tirole récidive dans le cadre d’un entretien croisé avec Antoine Frérot, PDG de Veolia. L’entretien s’étale sur une page entière du quotidien du soir et n’a, de manière générale, que peu d’intérêt. A une question de la rédaction sur l’intérêt de « l’économie circulaire » basée sur le recyclage des matières premières, Jean Tirole répond « pourquoi pas?». Puis il ajoute à l’adresse de son compère Frérot : « Le jour où il y aura un prix du carbone décent, cela donnera à Veolia l’occasion d’en faire plus ». Car Tirole en est sûr, « une fois le signal (par le prix NDLR) donné, tout le monde va s’y mettre, les chercheurs, les industriels, les ménages ».
 
Il se garde toutefois de préciser que les industriels auront la possibilité de répercuter le coût de la taxe carbone dans leurs prix de vente tandis que les ménages n’auront plus qu’à payer plein pot, si, par exemple , il n’ont pas d’autre possibilité que d’utiliser leur voiture pour aller au travail. A la question de savoir comment rendre un tel accord contraignant pour des pays qui ne voudraient pas prendre d’engagements à Paris tout en profitant des efforts faits par les autres , Antoine Frérot avance la proposition suivante : « Et même si on n’y arrivait qu’au niveau de l’Union européenne, on pourrait taxer les produits qui entrent dans l’Union en fonction de la quantité de carbone émise pour les produire et les acheminer. Ce serait une taxe carbone à la frontière».
 
Réplique immédiate de Jean Tirole : « Les taxes aux frontières, c’est à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de la décider, pas au gouvernement français ou à l’Europe. On ne peut pas être juge et partie, il faut faire attention à cela. Même si je pense, bien sûr, que les pays qui n’ont pas de prix du carbone ou des prix très faibles font du dumping environnemental ». Ce demi-aveu de Jean Tirole mérite un développement auquel les lecteurs du Monde n’ont pas eu droit.
 
Il faut ici faire un peut d’histoire et rappeler ce que fut la conclusion du cycle des négociations commerciales de l’Uruguay round qui s’est achevé par l’accord de Marrakech en 1994. Basé sur des baisses de tarifs douaniers aux frontières, surtout à celles des pays capitalistes développés, cet accord a favorisé les délocalisations de productions industrielles vers les pays à bas coûts de main d’œuvre. Les industriels ont joué à fond et jouent toujours la carte du dumping social et environnemental, tandis que les grandes enseignes de la distribution ont accentué la pression pour obtenir des prix d’achats toujours plus bas afin d’avoir des marges bénéficières toujours plus élevées. C’est de cette manière que le coût de la main d’œuvre pour la production d’un tee-shirt vendu 29€ à Paris n’était que de 18 centimes Dacca au Bengladesh, tandis que la marge du distributeur s’élevait à 17€ comme l’avait montré un reportage « d’Envoyé Spécial » de France 2 en 2014. C’est aussi cette nouvelle forme d’esclave qui a fait mourir 1.135 personnes lors de l’effondrement d’une usine textile de la banlieue de Dacca le 24 avril 2013, laquelle approvisionnaient certaines de nos grandes enseignes commerciales.
 
Dans l’industrie comme dans la production agricole, le bilan carbone des délocalisations a été désastreux. Appliquées selon la vieille théorie des avantages comparatifs conceptualisée par le spéculateur anglais David Ricardo au début du XIXème siècle, les délocalisations ont augmenté de plusieurs manières les émissions de gaz à effet de serre. Des forêts continuent d’être rasées pour développer des cultures de rente tandis que les importations ruinent nos paysans. Des grandes et des petites usines en bon état de marche ont été détruites dans les pays développés pour être remplacées par d’autres dans des pays à bas coûts de main d’œuvre. Ce que certains économistes libéraux qualifient trop rapidement de « destruction créatrice »en reprenant à leur compte la théorie de Joseph Schumpeter sur le rôle destructeur de certaines innovations créatrices de nouveaux emplois, ne devait souvent rien à une quelconque innovation. Le choix de la délocalisation était seulement fondé sur une différence de coût de la main d’œuvre.
 
Autre élément aggravant concernant le bilan carbone de ces délocalisations, dans ces pays d’accueil à bas coûts de main d’œuvre on produit de l’électricité en brûlant du charbon tandis que les rejets de polluants se font dans la nature, surtout au détriment des cours d’eau, faute de normes environnementales. Il faut ensuite réexpédier ces productions délocalisées vers les pays consommateurs qui sont souvent les pays capitalistes qui avaient délocalisé leurs productions. Si le transport maritime par conteneur est peu émetteur de gaz à effet de serre, il n’en va pas de même avec la ronde des camions en amont et en aval des ports d’embarquement. 
Voilà ce que gomme délibérément le prix Nobel d’économie de 2014. C’est en cela qu’il raisonne comme un abruti. Reste à savoir pour quelles raisons, voire en fonction de quels intérêts ?
 
 
(*) Journaliste et auteur, Dernier ouvrage paru : « L’écologie peut encore sauver l’économie », une coédition de Pascal Galodé et de l’Humanité. 

La police a parqué et brutalisé des manifestants non-violents à Paris (reporterre via chaos contrôlé)

La police a parqué et brutalisé des manifestants non-violents à Paris

Des incidents ont éclaté dimanche 29 novembre à l’issue de la chaine humaine pour le climat. Mais les « hommes en noir » qui les ont suscités ont rapidement disparu. Et la police a ensuite parqué et brutalisé des centaines de citoyens non-violents qui occupaient la place de la République. Reporterre était là et a filmé.
Dimanche, entre 13 h et 14 h : alors que la chaîne humaine qui a joint les places de la République et de la Nation se dissout, la tension monte place de la République. Vers 14h30, quelques dizaines de personnes cagoulées et tout de noir vêtues – pour éviter les polémiques autant que les risques d’instrumentalisation, Reporterre a décidé de ne pas catégoriser cette frange d’activistes violents – se confrontent avec la police.
Ils échangent des projectiles avec les CRS, se servant au passage allègrement auprès du mémorial au pied de la statue de la République, les bougies devenant ainsi des munitions.

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Assez rapidement pourtant, les fumées des gaz lacrymogènes et les grenades assourdissantes ont mis fin aux échauffourées. Aucune vitrine cassée n’est d’ailleurs à déplorer. Les manifestants cagoulés disparaissent sans qu’apparemment aucune interpellation n’ait lieu.
La place est occupée par des centaines de personnes. Il est environ 15h30 quand le cordon policier s’organise concrètement, dans l’angle nord-ouest de la place rectangulaire de la République, à Paris. Un peu plus loin, l’entrée du boulevard Magenta est entièrement bloquée par plusieurs véhicules policiers. En quelques minutes, toutes les issues se sont refermées. C’est une prison à ciel ouvert qui attend désormais, pour plusieurs heures, ces centaines de manifestants qui chantaient et dansaient alors pour le climat.
De l’autre côté de la rangée de CRS, d’autres sont encore libres de leur mouvement, dans un périmètre pourtant très largement encadré par les forces de l’ordre. Séparés d’une cinquantaine de mètres par le cordon policier, la solidarité s’établit par chants interposés. « Libérez nos camarades » entonne-t-on du côté libre. Puis les captifs entament un « C’est à babord, qu’on gueule le plus fort » auquel le « tribord » répond immédiatement, en chœur.
L’ambiance est encore bon enfant. Des clowns et des fleurs tentent de faire résonner un autre message face aux boucliers policiers. Des jeunes et des moins jeunes s’asseoient alors en rang, du côté libre. Quelques instants plus tard, leur pacifisme ne récolte que les coups de matraque et les gaz lacrymogènes. Reporterre a pu filmer l’une de ces exactions policières.

- Voir la vidéo :

Dispersée, la foule se replie et découvre un peu plus loin un autre groupe de manifestants encerclés par les camions et les policiers. Au niveau de la rue du faubourg du Temple, une centaine de personne est ainsi parquée par les CRS. Pendant plus d’une heure, ils vont être exfiltrés un à un – pas toujours avec douceur, bien entendu – avant d’être embarqués dans de grands bus aux vitres à moitié blanchies. Hagards, sans aucun autre moyen de révolte que la sidération, les spectateurs « libres » assistent à ces interpellations inexpliquées.

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Le bus policier pour les interpellations.
Tandis que quelques caméras de télévisions étrangères filment la scène, on découvre les profils variés des dangereux suspects : des personnes à l’âge aussi avancé que les cheveux ne sont blancs, des groupes d’amis séparés violemment, des jeunes qu’on devine à peine étudiants… Pourquoi eux ? Un activiste roumain venu travailler dans le cadre des négociations partage son émotion : « Ce sont des abus très graves, il n’y a même pas eu de sommation. D’autant plus que ce ne sont visiblement que des militants climatiques ! ».
Il n’y avait dans les zones de parcage policier aucun des « hommes en noir » qui ont suscité les incidents au début d’après-midi. Peu importe, ils ont servi sur un plateau cette logique de répression non moins violente.« C’était malheureusement à prévoir, dit un organisateur de la Coalition Climat 21, qui avait justement déconseillé de manifester pour cette même raison. Il suffisait du moindre débordement, incontrôlable, pour justifier toute une ligne de sécurité et de répression ».
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« Nous ne sommes pas venus pour les COPs (’flics’, en anglais), nous sommes venus pour la COP. Devons-nous les ignorer ?
Pendant plusieurs heures, trois à quatre cents manifestants ont donc été séquestrés, dans des conditions difficiles selon les différents témoignages que Reporterre a pu recueillir. « Certains ont été blessés par des grenades désencerclantes, et n’ont pas pu recevoir de soins malgré leurs plaies ouvertes. Pendant quatre heures, nous avons dû rester immobiles, dans le froid et la nuit, sans eau ni toilettes, pendant que les flics se comportaient comme des sauvages », dit le journaliste Gaspard Glanz.
Jointe par téléphone alors même qu’elle était bloquée dans le même périmètre, Léa Vasa, conseillère municipale du 10e arrondissement de Paris, insiste sur le sang-froid des otages : « C’est très calme et pacifiste, on joue un peu de musique en attendant de voir qui est le prochain à se faire embarquer. Cela semble totalement arbitraire ». D’autres responsables politiques, comme Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste, se sont eux aussi retrouvés prisonniers, ainsi que plusieurs journalistes, français et étrangers.
Hier soir à 21h, la préfecture de police indiquait à Reporterre les derniers chiffres : 289 interpellations et 174 garde-à-vue. Un bilan qui se voulait « provisoire », avant la nuit. La liste des militants écologistes visés par la police pourrait bien encore s’allonger.

Source : Barnabé Binctin pour Reporterre

Vidéo : © Barnabé Binctin/Reporterre

Photos : © Barnabé Binctin/Reporterre sauf manifestants cagoulés : ©Éric Coquelin/Reporterre

Votre pouvoir d’achat au service de la consolidation d’une monnaie unique transatlatique + (news360)


Votre pouvoir d’achat au service de la consolidation d’une monnaie unique transatlatique +

Avant-propos: Votre pouvoir d’achat au service de la consolidation d’une monnaie unique transatlatique, Lhk
L’article ci-dessous de Bruno Bertez est hautement important car il explique très simplement toute la spoliation dont sont victimes les populations de la planète, voire l’humanité elle-même.
Pour faire simple, que vous travailliez ou que vous perdiez votre emploi, le système que nous appelons sur ce blog « la haute finance internationale » et que Bruno Bertez appelle « Communauté spéculative mondiale » s’enrichit. Un système redoutable a été mis en place qui reprend à son compte « le casino gagne toujours ».
Le problème est qu’un casino classique reçoit des clients qui ont fait le choix d’y laisser éventuellement leur chemise. Mais dans le cas de la politique économique mondialiste, c’est un casino d’un nouveau genre qui s’infiltre à TOUS les niveaux de la société pour vous prendre au moins votre chemise, voire plus…
La mise en place et le succès de ce système n’auront été possibles que grâce à l’ignorance, la crédulité ou la trahison des élus. L’exemple le plus patent est celui de la Suisse.
On a fait croire aux Suisses que leur monnaie était trop forte, que cela pénalisait l’industrie de l’exportation et que la dévaluation du franc suisse préserverait la santé économique du pays. On leur a aussi fait croire que la création monétaire se faisait via une simple écriture qui ne leur coûterait rien.
Ce discours a été et continue d’être un cumul de mensonges.
La preuve est la récession dans laquelle se trouve la Suisse flanquée d’une déflation depuis 2011. Mais personne n’en parle. On continue de surfer sur le grotesque leitmotiv du « franc fort ».
La situation est moins catastrophique sur le plan visible de l’économie à cause du bétonnage du pays. Cette construction intensive qui flanque des bâtiments-si possible moches- partout a freiné les ravages réelles de la politique monétaire d’une banque centrale toute dédiée à la cause d’intérêts étrangers au pays.
Entretemps, on a ruiné les finances publiques.
On a esquinté le pouvoir d’achat.
Quant aux personnes vulnérables (personnes âgées, handicapées, chômeuses, …), on a détourné le regard de leur paupérisation…
Comme tout ceci ne suffit pas, on va se servir dans vos comptes et vos caisses de retraite en toute ILLEGITIMITE puisque la légalité est soumise à ceux qui organisent le grand pillage des peuples.
In fine, le but ultime à tout ceci aura été double:
  1. Sauver le soldat dollar américain du naufrage qu’il méritait. Il a fallu pour cela détruire toutes les monnaies qui servaient de miroir à son image dépravée. Ce faisant, la monnaie d’outre-atlantique s’est retrouvée requinquée. Du phagocytage….
  2. Englober ces monnaies dans une monnaie unique.
Nous y arrivons à cette monnaie unique transatlantique -devise du nouveau marché unique transatlantique- qui a besoin de la parité de l’euro avec le dollar. La Suisse, en première de classe y est déjà.
Bref, on a cassé VOS oeufs mais vous ne toucherez pas à l’omelette.
Liliane Held-Khawam
A lire également:

La parité US dollar et euro en cours de réalisation permettra la création d’une monnaie unique transatlantique en soutien au marché unique transatlantique

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L’euro va être dévalué, Bruno Bertez

La devise européenne a terminé la semaine en légère baisse vendredi, les marchés tablent chaque jour davantage sur l’annonce de nouvelles mesures d’assouplissement de la part de la BCE. Vendredi soir, l’euro évoluait sous le seuil de 1,06$, à 1,0594$ (-0,1%), au plus bas depuis plus de 7 mois. Sur la semaine, l’euro a reculé de 0,5%. Il abandonne près de 7% depuis la mi-octobre, et plus de 12% depuis le début de l’année, où il évoluait autour de 1,20$. En mars dernier, l’euro avait frôlé la parité de 1 euro pour 1 dollar, au moment où la Banque centrale européenne avait lancé son programme de rachat d’actifs de 60 milliards d’euros par mois.
L’actualité de ces dernières semaines a incité les investisseurs à anticiper de nouvelles annonces fortes de la part de la BCE, qui se réunira jeudi prochain, le 3 décembre
C’est par une conspiration « spontanée », que l’on mystifie les gens . Ainsi , voici un bon exemple! La politique de la BCE soutenue par tous les gouvernements y compris l’hypocrite Allemand consiste à pratiquer une dévaluation de l’euro, dévaluation classique. Nulle part, vous ne le voyez écrit.
Cette dévaluation remplace les tentatives de dévaluations internes du début de la crise, ces dévaluations internes ayant échoué car on s’est trompé sur le multiplicateur fiscal.Voir les travaux de Blanchard qui était encore au FMI à l’époque.
Donc maintenant on fait des dévaluations externes classiques et le moyen mécanique pour obtenir que les marchés produisent cette dévaluation classique est de créer beaucoup d’Euros en excédent, une masse de Mistigris, et d ‘en faire chuter la rémunération. De la sorte on incite les gens à s’en débarrasser et ainsi on obtient sa baisse; c’est mathématique, c’est mécanique. C’est efficace et presque … discret.
D’autant que l’on a des complices constitués par la Communauté Spéculative Mondiale. La Communauté Spéculative internationale est la courroie de transmission de la politique des banques Centrales et des Gouvernements. Elle a une fonction systémique,c’est pour cela que les USA qui eux, comprennent le Système, ne veulent pas de taxe Tobin sur les transactions financières, cela gênerait la transmission. A celle ci, à cette Communauté, on téléphone la future baisse voulue de l’euro, elle prend ses positions spéculatives, colossales, il suffit de savoir lire les positions publiées, et elle joue la devise à la baisse, puis empoche la différence. Au passage cette spéculation a tondu les marchés et singulièrement les citoyens européens. Mais c’est la règle du jeu: tondre les citoyens pour enrichir les kleptos, tout le monde le sait n’est ce pas.
Le comble est que ceci n’est analysé nulle part, personne (…) ne s’avise de décortiquer le phénomène et de montrer en quoi il est scandaleux. Ils sont tellement contents quand on leur dit que l’on fait cela pour faire baisser le chômage, qu’il en perdent leur capacité à comprendre les phénomènes. Ils n’ont pas compris, ces malheureux, que le monde est plongé dans une mécanique folle de dévaluations compétitives, et que personne ne gagne, sauf les ultra riches, les cumulards de dettes et les banquiers. Il n’y a jamais de rééquilibrage, quand on baisse le pouvoir d’achat à l’infini. L’équilibre est toujours plus bas, ce n’est pas le « toujours plus », c’est le « toujours moins ».
Vouloir rogner le niveau de vie de son peuple alors qu’il y a tant de capacités de production inemployées, tant de gens démunis et de travailleurs au chômage ne semble révolter personne.
On se fait à tout, y compris au scandale. Le système est ainsi (dé)fait que l’eau des égouts passe pour de l’eau claire, la merde monétaire pour l’or et le vice pour la vertu, la lâcheté pour le courage, c’est le système de l’inversion de tout. Les va-t-en guerre criminels passent pour des protecteurs des citoyens et des défenseurs de la paix etc.
(…)
Donc profitant des évènements du mois d’aout provoqués par la crise de la Chine, on a préparé une nouvelle dévaluation de l’euro et on l’a claironnée, faisant ainsi passer le change de 1,13 contre dollar à 1,05 en ce moment.
L’objectif nous dit-on est de réussir cette fois à casser la parité, on voudrait que l’euro s’installe sous la parité de 1 pour 1 dollar. On va peut être y parvenir, peut être pas, car les USA renâclent à laisser faire, ils savent comme l’a redit Jack Lew, que la hausse du dollar est « un vent contraire » pour eux.
Nous vous rappelons que l’on vient d’un cours d’équilibre qui, avant les mesures scélérates se situait entre 1,37 et 1,39 ! Imaginez à quel point vous êtes plus pauvre internationalement en raison de cette manipulation. En deux coups de cuiller à pot, ils ont fait chuter la valeur cristallisée de votre travail de 1,38 à 1,05 et lorgnent vers les 1,00. Et vos soit disant défenseurs (…) prétendent être du coté des spoliés et des laissés pour compte et ils sont incapables de dénoncer cet appauvrissement réalisé d’un coup de baguette magique. Au profit des ultra riches qui eux, n’ont que des biens réels dont la valeur monte, et n’ont que des dettes dont la valeur baisse.
Les incapables qui vous représentent ne sont pas fichus de démystifier les arguments des kleptos qui consistent à dire: il faut être compétitifs! Il sont incapables de vous faire comprendre que l’on n’est compétitif qu’en relatif. Que la compétitivité, ce sont les jeux de l’arène, du cirque d’antan dans lesquels on vous fait vous affronter entre vous pour savoir qui acceptera d’être le plus pauvre. Pour savoir qui plaira le plus au Maitre qui pour le récompenser, lui laissera la vie sauve, c’est à dire lui consentira un emploi. On n’est compétitif que par rapport à quelqu’un d’autre et, si lui aussi, a pour objectif d’être compétitif, c’est le tonneau des danaïdes, la vis sans fin. Chacun baisse. Chacun perd.
On vous trompe en invoquant la tarte à la crème de la compétitivité. La valeur de ce que vous produisez existe en elle-même et si vous vendez le produit de votre activité en dessous de son prix, alors quelqu’un empoche la différence. Et cette différence , elle sert à maintenir en vie du capital fictif, non productif , du capital qui appartient à des couches sociales parasites qui veulent pas lâcher le morceau.
La compétitivité est le mécanisme par lequel on casse les pouvoirs d’achat globaux de ceux qui travaillent afin de maintenir les taux de profit du capital excédentaire, du capital périmé et pourri et surtout improductif.
La compétitivité est un leurre utilisé contre vous. La soit disant science économique est une couverture qui masque des rapports sociaux de spoliation, cela n’a jamais été aussi vrai que maintenant. Les dévaluations que l’on vous impose, le chômage dans lequel on vous plonge sont la manifestation de la plus colossale défaite des classes moyennes de l’histoire. Et aussi la plus cynique.
La politique dite scandaleusement économique est en réalité très coûteuse, et elle se résume à vouloir faire rétrograder le pouvoir d’achat international des européens, à les rendre plus compétitifs en abaissant la valeur du change.
Le change c’est votre pouvoir d’achat, c’est votre pouvoir de prélèvement sur la richesses mondiale et leur but est de vous appauvrir; il faut, selon eux, faire de la place à d’autres, leur laisser ce qui vous revient.
Ils luttent contre la déflation, c’est à dire qu’ils empêchent les prix de baisser, ils ne veulent pas qu’avec votre argent vous puissiez acheter plus, ils veulent vous priver des gains de productivité qui résultent de l’efficacité de plus en plus grande de votre travail et de vos innovations. Non, ces gains de productivité doivent être confisqués, empochés par d’autres, devinez qui ?
Ils veulent faire chuter la valeur d’échange votre monnaie, de celle que vous avez en stock , la valeur de ce que l’on appelle vos économies pour votre retraite, bref la valeur de votre travail ancien en amputant la valeur de l’euro. Il s’agit non seulement de vous voler dans le présent mais aussi de vous confisquer rétrospectivement ce que vous avez gagné, comme s’il s’agissait d’un bien mal acquis. Ils veulent revenir en arrière sur tout, et en particulier sur ce que vous réussi à prendre lorsque le rapport des forces sociales vous était favorable.
Posez vous la question , tout ce que je perds, qui le gagne ? (…)

TTIP: Quand le business est affaire d’Etat, le peuple boit la coupe jusqu’à la lie! (news360)

TTIP: Quand le business est affaire d’Etat, le peuple boit la coupe jusqu’à la lie!

Liliane Held-Khawam


Pour la énième fois, le Conseil fédéral pratique la politique de « there is no alternative » à la Thatcher. Pire, il veut imposer au peuple le fameux TTIP ou « traité transatlantique » dont strictement personne ne veut.
Mais voilà, ce traité géré dans le plus grand secret par les Etats-Unis est honni par les populations européennes. En 60 jours, un million de signatures avait été collecté pour organiser une audition publique au parlement européen. Cette démarche appelée ICE pour « initiative citoyenne européenne », prévue pourtant par les règles européennes a été balayée par la Commission européenne.
En 2015, on a remis ça pour bien marquer le rejet. Selon Le Monde, une « coalition d’organisations de la société civile, de syndicats et de citoyens défavorables au traité transatlantique Tafta/TTIP ont en effet remis à la Commission européenne une pétition signée par 3,2 millions d’Européens appelant à l’arrêt immédiat des négociations de cet accord de libre-échange géant entre l’Europe et les Etats-Unis. »
Bien que la 2ème opération était menée à titre symbolique, dénier la demande de débat public à 3,2 millions de citoyens est un acte fort et puissamment anti-démocratique.L’institution bruxelloise aurait même justifié son refus par son incapacité à stopper le processus basé sur un mandat octroyé par l’ensemble des Etats membres…
Que craint-on au juste de ce traité? Les divergences sont bien sûr nombreuses. Mais nous retiendrons deux points. Le premier qui semblerait poser de gros problèmes aux citoyens européens concerne la capitulation des normes européennes face à celles présentes sur territoire américain. L’exemple qui symbolise la tension est le poulet américain à la Javel.
Par ailleurs, même l’étiquetage des aliments pourrait être revu, pour éviter de favoriser l’industrie locale…
Le deuxième point concerne les arbitrages entre firmes transnationales et Etats. Alain de Benoist explique que « le différend serait arbitré de façon discrétionnaire par des juges ou des experts privés, en dehors des juridictions publiques nationales ou régionales. Le montant des dommages et intérêts serait potentiellement illimité (c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de limite aux pénalités qu’un tribunal pourrait infliger à un État au bénéfice d’une multinationale), et le jugement rendu ne serait susceptible d’aucun appel. »
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Un peu plus loin, A de Benoist cite quelques exemples, effets vécus avec d’autres traités mis en place dans d’autres régions du globe: « Grâce à des mécanismes de ce genre, des entreprises étrangères ont d’ailleurs déjà engagé des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte, ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou ! La multinationale Lone Pine a demandé au gouvernement canadien de lui accorder 250 millions de dollars de « réparations » pour les profits qu’elle n’a pu réaliser à cause du moratoire sur l’extraction du gaz de schiste mis en place dans la vallée du Saint-Laurent. En 2012, l’OMC avait déjà infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM). Plus de quatre cent cinquante procédures de ce genre sont actuellement en cours dans le monde. »

Bruxelles, présence puissante des lobbies

C’est pourtant dans ce contexte de rejet massif par les populations que se poursuivent les tractations avec l’institution européenne. Rappelons au passage que la politique s’y déroule sous la présence attentive et massive des lobbyistes. L’opacité qui entoure cette présence avait été relevée par l’ONG Alter EU. Elle avait accusé « la Commission d’échouer dans sa mission sur la transparence financière des lobbies, en ne révélant pas le nom et les opérations de nombre d’officines.«
Mais quelques chiffres impressionnants de sommes versées par des entreprises du genre de Goldmann Sachs, UBS ou Deutsche Bank donnent le vertige. Cette dernière aurait à elle seule fait passer son budget de 2 à 4 millions en 2014 …
Fut un temps pas si lointain où ces versements portaient le nom de corruption et les personnes investies d’autorité publique auraient dû démissionner. Dans des pays comme l’Islande, la prison les aurait même accueillies.
Mais tout n’est pas perdu puisque récemment de nouvelles règles interdisent aux commissaires européens et aux représentants des sociétés de se réunir.

Qu’en est-il en Suisse?

La RTS, média d’Etat en Suisse relaie l’information qui lui provient du Conseil fédéral au sujet du traité transatlantique. En voici 4 extraits:
1.- « Après un échec en 2006, la Suisse se prépare à signer un traité de libre-échange avec les Etats-Unis (TTIP), dans le sillage de l’accord transatlantique que les Américains entendent conclure avec l’Union européenne. »
Ce point est absolument FAUX. Il n’y a pas eu d’échec en 2006! Nous avions eu l’occasion déjà en 2013 de présenter un document signé par M Deiss en 2006 dont la totalité est reprise ci-dessous (sous Annexe).
signature deiss
Le document est en anglais. Il s’agit d’un Forum de coopération tant au niveau des échanges commerciaux que des investissements. C’est une sorte d’accord bilatéral entre les deux pays qui fait la part belle aux acteurs privés. Les deux pays sont partenaires à tous les niveaux du processus. Un 3ème partenaire est officiellement inclus dans l’accord : les firmes privées. Ce document est entré en force le 25 Mai 2006!
2.- « On a demandé à chaque occasion d’être informés, ces dernières années, et ce qu’on a régulièrement entendu c’était qu’on recevrait un jour les résultats et que cela serait à prendre ou à laisser ».
Le Conseil fédéral utilise inlassablement une stratégie de communication envers le peuple suisse qui ne lui laisse plus aucune chance de négocier quoi que ce soit. Cela fait une dizaine d’années que cette stratégie de communication déploie TOUS ses effets pour mener les négociateurs suisses vers un échec garanti. Mme Widmer-Schlumpf en a fait de nombreuses fois l’expérience.
3.- « Il semble donc bien en l’état que la Suisse n’aura aucune marge de manœuvre, reconnaît le ministre de l’Economie »
Une fois de plus l’image de l’impuissance est caricaturée par ces paroles navrantes et humiliantes. Il est vrai que avec un accord déjà signé en 2006, il n’y a en réalités plus rien à faire que d’adopter la forme définitive de l’Union Européenne pour rentrer dans les rangs.
4.- « Le Conseil fédéral devra aussi convaincre l’opinion publique, car il y aura à coup sûr des résistances – à commencer par les milieux paysans, déjà sous pression aujourd’hui. »
M le Conseiller fédéral a raison. Il faudra convaincre un peuple qui ne veut pas de la privatisation du pouvoir et des institutions publiques…
Ce genre d’assertion cherche à prévenir toute initiative populaire…
Quant aux paysans suisses, ils ont d’ores et déjà été tellement trahis depuis les années 2000 avec les accords bilatéraux européens qu’ils sont à genoux. Quant à leurs champs, ils servent de terrain à bâtir des hangars commerciaux qui défigurent le paysage et amoindrissent les capacités de la Suisse à être autonome au niveau agricole.
Mais c’est bon pour le business, spécialement celui qui donne des petites couleurs pas durables au PIB.
Nous ajouterons un 5ème point. Il convient de republier ici un extrait de l’accord qui s’appelle Safe Harbor qui s’appuie sur le précédent accord. Il y est dit ceci:
« Dans le cadre du Forum de coopération sur le commerce et les investissements Suisse – Etats-Unis, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a signé aujourd’hui un échange de lettre établissant un «U.S.-Swiss Safe Harbor Framework». Ce cadre bilatéral pour la protection des données simplifie le transfert de données personnelles d’entreprises établies en Suisse vers des entreprises aux Etats-Unis. Il facilite non seulement les procédures administratives pour les entreprises, mais renforce également les droits en matière de protection des données des personnes concernées.«
Dès 2008, le secret bancaire et autres données personnelles ont été gracieusement offerts à nos partenaires commerciaux américains. Ce que la Finma a fait en 2009 était une formalité au vu de cet accord.
Même la Cour de Justice de l’Union européenne a invalidé récemment ce document. Mais pour notre Conseil fédéral le business a des impératifs supérieurs à ceux des individus.
Enfin, pour décrire la lune de miel imposée avec nos amies multinationales de Wall Street, le contribuable suisse serait probablement intéressé de savoir que 3 des 4 liquidateurs de la structure qui a sauvé avec l’argent public UBS et qui porte le nom de SNB StabFund, sont Américains et que le 4ème est britannique.
liquidateurs stabfund
Quand le business devient affaire d’Etat, le peuple doit boire la coupe jusqu’à la lie…
Liliane Held-Khawam
Annexe
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Parole libre : La COP21 vue par Verdier. Photo de famille (news360)

Pourquoi la photo d’ouverture de la COP21 est cruciale pour les Nations Unies et François Hollande. Enjeux politiques et diplomatiques priment l’aspect climatique.
Découvrez le point de vue de Philippe Verdier, journaliste et auteur du livre «Climat Investigation» qui interviendra tous les jours pour RT France pendant la durée du sommet international sur les changements climatiques.

Modifier les océans, manipuler l’atmosphère : ces techniques qui visent à refroidir la terre (basta)

Modifier les océans, manipuler l’atmosphère : ces techniques qui visent à refroidir la terre

par , Sophie Chapelle
Gestion du rayonnement solaire, captation et séquestration du CO2 dans les océans ou dans le sol, ces technologies, dites de « géo-ingénierie », font partie des solutions étudiées par la communauté scientifique pour lutter contre le réchauffement du climat. Elles ont même fait leur entrée dans les négociations internationales et à la COP21. Sauf que le recul nécessaire à leur évaluation est insuffisant pour envisager de disséminer des produits dans l’atmosphère ou de manipuler l’environnement sans risques. Basta ! en partenariat avec La Revue Dessinée, à paraître le 4 décembre, a enquêté sur ces projets qui ne relèvent plus tout à fait de la science-fiction.
Un chiffre va être martelé dans les médias tout au long de la conférence de Paris sur le climat : + 2 °C. Soit le seuil limite d’augmentation de la température à ne pas dépasser par rapport à la période préindustrielle, afin de contenir les effets irréversibles du changement climatique. Dans les faits, les températures du globe ont déjà augmenté de 0,85 °C entre 1880 et 2012 [1]. La marge de manœuvre de l’humanité, d’ici la fin du siècle, n’est donc que de 1,15 °C... La partie est loin d’être gagnée, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). « Admettons que nous stoppions toute émission de gaz à effet de serre dans trois secondes : trois, deux, un... Maintenant ! Et bien l’augmentation des températures à la surface du globe ne commencerait à ralentir que dans dix ans, au minimum », résume une vidéo de DataGueule.
L’adoption de modes de vie très sobres apparaît donc essentielle mais insuffisante. En parallèle, le bilan des vingt dernières années de négociations internationales est catastrophique, avec une explosion des émissions de gaz à effet de serre en 2013 (lire notre entretien avec Amy Dahan). Dès lors, comment inverser la tendance ? Sur la Toile, un remède miracle est préconisé : « la géo-ingénierie ». Ce concept renvoie, selon le Giec, à « toute technique de manipulation délibérée et à grande échelle de l’environnement, dont le but est de contrecarrer le réchauffement climatique ». Certaines de ces techniques semblent tout droit sorties d’un livre de science-fiction, comme le montre notre enquête sur la géo-ingénierie à paraître le 4 décembre dans La Revue dessinée, brillamment illustrée par Sébastien Vassant.

La gestion du rayonnement solaire à l’étude

« Accorder une trop grande attention à ces projets pour les tourner en ridicule donnerait une image biaisée des programmes de recherche en géo-ingénierie », tient à nuancer Clive Hamilton, auteur du livre Les Apprentis sorciers du climat (éditions du Seuil, 2013) [2]. Olivier Boucher, climatologue au laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/UPMC), fait partie des rares chercheurs en France qui étudient la géo-ingénierie, en vue de définir les potentiels et les risques inhérents au déploiement de ces techniques [3]. Il distingue deux classes de techniques de géo-ingénierie. D’abord, la gestion du rayonnement solaire, « qui consiste à rendre la Terre plus réfléchissante aux rayons du soleil, ce qui induit un refroidissement ».
C’est dans ce cadre qu’Olivier Boucher étudie dans son laboratoire l’injection d’aérosols dans la stratosphère. Il se base sur les observations passées et sur les modélisations. L’exemple souvent cité en référence est celui de l’éruption volcanique du mont Pinatubo, aux Philippines, en 1991. Les gaz projetés se transforment en particules et assombrirent suffisamment la Terre pour la refroidir d’environ 0,5 °C pendant une année. Avant que la situation ne revienne à la normale une fois le nuage de particules retombé au sol. Il serait donc possible de refroidir le climat. Mais à quel prix ?
Plusieurs études alertent sur les conséquences de l’injection intentionnelle et artificielle d’aérosols soufrés. Impacts sur le niveau de précipitations, altération de la couche d’ozone... « On se rend compte que l’on ne peut pas modifier quelque chose sans toucher autre chose », souligne Olivier Boucher, qui pointe d’autres failles. Imaginez que les gouvernements recourent à l’injection d’aérosols soufrés pendant plusieurs décennies, tout en poursuivant l’émission de gaz à effet de serre. « Que se passerait-il si l’on arrêtait soudainement la géo-ingénierie ? On verrait là un phénomène de “rattrapage climatique”, c’est-à-dire qu’en l’espace de une ou deux décennies, on rattraperait tout le réchauffement climatique évité auparavant avec la géo-ingénierie, analyse Olivier Boucher. Il y a donc un risque de changement climatique très élevé, avec des impacts importants et une adaptation beaucoup plus difficile. »

La captation et séquestration de CO2, solution miracle ?

Autres techniques de géo-ingénierie à l’étude, celles visant la captation et séquestration du CO2 de l’atmosphère. Des expérimentations ont été menées depuis les années 90 pour fertiliser ou modifier chimiquement les océans. Des tonnes de fer ont par exemple été déversées pour dynamiser la croissance des phytoplanctons, afin d’augmenter la captation de carbone organique. Mais, selon la Fondation sciences citoyennes, qui regroupe des chercheurs, toutes ces expériences ont montré des rendements extrêmement faibles – de l’ordre de 200 tonnes de carbone captées pour 1 tonne de fer déversée. « À ces niveaux de rendement, ce sont donc quelque 50 millions de tonnes de fer qu’il faudrait déverser annuellement dans les océans pour compenser les émissions humaines de carbone (autour de 10 gigatonnes par an) », analyse la fondation. De nombreux risques sont également pointés comme l’illustre cette planche extraite du prochain numéro de La Revue Dessinée :
Plus connue et déjà mise en pratique, la reforestation fait également partie des techniques de capture et de séquestration de carbone. Les opérations telles que le parrainage d’arbres dans les pays du Sud sont particulièrement sponsorisées par les grandes entreprises pour compenser l’impact environnemental de leurs activités. Mais elles ont une limite : « ce puits de carbone n’est que transitoire puisqu’une fois arrivée à maturité, la forêt émettra autant de carbone qu’elle en absorbera », indique Olivier Boucher. Autre technique prisée : la capture et la séquestration de carbone dans le sol. D’anciens puits de pétrole, de gaz ou de charbon sont utilisés pour stocker le CO2 émis aux abords des usines, par exemple. Outre les risques de fuites observées notamment sur un site gazier à In Salah, en Algérie, les détracteurs pointent le coût élevé de cette technique.

La géo-ingénierie dans les négociations ?

Ces projets de manipulation délibérée et à grande échelle du climat ont récemment fait leur entrée dans les arènes des négociations internationales. Deux techniques de géo-ingénierie – la gestion du rayonnement solaire et l’élimination du dioxyde de carbone – ont été mentionnées dans le « Résumé à l’intention des décideurs » du rapport du Giec, rendu public en septembre 2013. Des climatologues reconnaissent à demi-mots que, pour ne pas dépasser un réchauffement de 2 °C d’ici la fin du siècle, plusieurs modèles avancent la nécessité d’émissions négatives vers 2080. Ce qui suppose de pomper du CO2 présent dans l’atmosphère et de recourir, de fait, à des techniques de géo-ingénierie.
Pour autant, le Giec apporte de nombreux bémols. « Il existe peu d’éléments permettant d’évaluer quantitativement et de manière complète [ces] techniques [...] ainsi que leur incidence sur le système climatique », note-t-il. Manque de connaissances, risques de « modification du cycle mondial de l’eau », « effets secondaires indésirables »... À l’heure où une réflexion éthique devrait accompagner les recherches sur la géo-ingénierie, seul un moratoire a été adopté en 2010 sur les expérimentations de fertilisation des océans. Si ce texte est un premier pas, il n’est pas contraignant. Et laisse la porte ouverte à la croyance qu’une régulation du thermostat de la planète est possible, sans même que les sociétés tentent au préalable de reprendre leur avenir en main.

Illustrations : © Sébastien Vassant / La Revue Dessinée

Retrouvez l’intégralité de notre enquête sur la géoingénierie dans le numéro 10 de La Revue Dessinée, diffusée dans les librairies à partir du 4 décembre. Ce sujet a été proposé initialement par la Fondation Sciences Citoyennes dont l’objectif est de stimuler le débat sur les questions technoscientifiques. Basta ! interviendra le 2 décembre de 18h à 20h au Place To Brief pour présenter cette enquête autour du thème "Quel est le rôle des technologies dans la transformation du monde ?”. Plus d’informations ici

Digression sur l’ennemi, le complot, l’argent et le peuple (le grand soir)

Digression sur l’ennemi, le complot, l’argent et le peuple

"sans l’argent, nous serions tous riches"
Nous sommes aujourd’hui pris entre deux feux : celui d’une armée d’ombres qui dit vouloir nous détruire et celui d’un empire qui prétend, pour nous protéger, inviter sa lumière dans tous les recoins de notre existence. Pourtant nous sommes nombreux à pressentir que nous n’avons en fait, sous ces deux visages, qu’un seul et même ennemi. Un ennemi qui veut nous soumettre par la peur, la gestion de nos petites et de nos grandes peurs, à une abdication définitive et quasi volontaire de notre liberté. Depuis qu’ils forment leur duo, le terrorisme prospère partout et tout autant que le délire paranoïaque et belliqueux qui prétend nous en défendre. Et tandis que ces deux personnages mettent en scène leur combat, il est aisé d’observer que leurs positions respectives ne font que se renforcer. Dans une guerre entre deux partis, celui qui renforce sa position le fait automatiquement au détriment de l’autre. Ce n’est pas le cas ici. Ce qu’ils gagnent de territoire, c’est à nous, aux hommes, aux civils, aux autochtones, ou à la Terre qu’ils le prennent. Le combat qu’ils prétendent se livrer l’un l’autre est vraiment une guerre menée contre nous. Une guerre de conquête dont nos lieux de vie et notre esprit est le champ de bataille.
Quand se présente cette situation, dans l’Histoire, fleurissent alors, les théories du complot. C’est bien normal. En se posant la question d’usage d’une enquête : qui bono ? A qui profite le crime ? Et en remarquant que le bénéfice d’un crime revient également aux deux partis opposés, on suscite automatiquement un délire spéculatif, fondé sur la logique déductive, qui désigne un seul ennemi sous une opposition de façade. Mais dans le flou que laisse ces opérations occultes, forcément menées dans le plus grand secret, chacun va alors reconnaître le visage de son ennemi éternel. Le complot fonctionne sur le mode de la rumeur : Invérifiable par essence, sa force de contagion se mesure à sa capacité d’offrir une théorie en laquelle les gens veulent croire. Le succès d’une théorie est fonction du choix du bouc émissaire qu’elle désigne. Et en ce sens, toute rumeur, aussi fantaisiste soit elle, nous livre, au moins, toujours une vérité : celle que les gens veulent croire parce qu’elle donne une forme à leur intuition et à leur souffrance. Celui qui sait écouter les rumeurs en apprend plus que par tous les sondages, il connaît le cœur d’une communauté : ce qu’elle désire, ce qu’elle craint, qui elle s’apprête à frapper. Car la rumeur donne un visage à un adversaire qui est toujours déjà visé sous le signe du soupçon.
Que ce soupçon remonte aujourd’hui vers quelques obscures éminences, religieuses ou non, richissimes en tous cas, n’est pas très étonnant quand on regarde l’organisation du monde. C’est une évidence qu’aujourd’hui, le pouvoir (et le savoir) sont inégalement réparti dans l’Humanité. Dans un système hiérarchisé comme le nôtre, en remontant la chaîne des causes et des effets, on remonte le long d’une pyramide où trône un œil omniscient. Mais quelle est la nature de cet œil ? Qui gouverne et dirige vraiment ? C’est une obsession constante de penser qu’un ou plusieurs hommes avancent sciemment, froidement, les pions de l’Humanité entière, à une époque où celle-ci se déchire comme jamais et emporte dans sa chute toutes les richesses de la Vie. Mais l’effet castrateur de toute théorie du complot, c’est qu’en nommant des crimes qu’elle ne peut pas prouver, elle se donne un ennemi qu’elle ne peut pas combattre. Elle a bien vu qu’il y avait un seul ennemi et elle pressent qui il est, mais elle se condamne à le fantasmer et elle emploie son énergie à accumuler les preuves douteuses qu’un esprit maléfique est à l’œuvre et à la manœuvre derrière les gesticulations officielles.
Il y a pourtant, autour de nous, tant de preuves tangibles de la réalité, de l’affreuse consistance de cet esprit... L’air que nous respirons, les fruits que nous mangeons, les eaux, les créatures, les paysages, les choses de l’art et de la science, notre esprit même est le siège d’un attentat permanent. Un attentat contre tout ce qui est beau et tout ce qui veut vivre. Pourquoi demander plus de preuves, si ce n’est pour justifier notre inaction ? N’est-ce pas assez pour se permettre la puissance d’agir ? Avant de désigner d’obscurs coupables, ne devrions-nous pas voir comme c’est d’abord chacun de nous, qui, par ses gestes quotidiens, par les répercussions de son travail, de son mode de vie, par les idioties dont il s’abreuve et qu’il relaie, par ce découragement si profond et si partagé pour toute action libre et collective, collabore et continue de nourrir cette folie ? Avant de savoir qui sont les ultimes responsables, et de les juger, ne devrions-nous pas d’abord, d’urgence, reprendre nos territoires ? Celui des paysages, celui de la pensée, de l’art, de la nourriture, de l’énergie ? Car ceci nous pouvons le faire. Je veux dire que nous pouvons commencer à le faire.
Finalement, que ces sbires obscurs se disent ouvertement entre eux ce qu’ils pensent de l’homme et comment ils prétendent le refaire à leur image, qu’ils parlent ou non de nous réduire en poudre ou de nous dissoudre dans le poison ; que le Calife ait d’abord fait son stage en Californie, qu’ils invitent ou non des enfants à être le festin de lugubres cérémonies, qu’ils servent tel ou tel nom de dieu ou du démon ; finalement, tout cela ne nous concerne pas plus que la triste vie sexuelle d’un people à la mode. Ce que nous voyons, ce que nous ne pouvons pas ne pas voir, ce sont les effets réels, concrets, les preuves irréfutables et les dégâts souvent irréparables de ce qu’il faut bien nommer un Esprit. Un esprit de mort et de destruction, un esprit de négation, de violence, un esprit sourd, muet et brutal dont l’impact n’est amorti que par les lubrifiants et les drogues qu’il emploie pour pénétrer nos consciences de toutes ses ramifications.
Les complotistes ont sans doute raison quand ils entourent leurs spéculations de magie et de rituels : Il s’agit bien d’une guerre magique, sorcière, d’une guerre de manipulation et d’influences. Mais en désignant, au bout de la chaine, un ou des hommes, ne sont-ils pas encore trop naïfs ? Ne sous-estiment-ils pas, encore, leur ennemi ? Si notre ennemi est si puissant, c’est peut-être qu’il n’est pas un homme. Notre ennemi, en réalité, celui auquel nous faisons face chaque jour sous ses mille et mille visages, est bien plus terrifiant qu’un, ou que plusieurs hommes. Devant un homme on peut s’exprimer, argumenter ou frapper et finalement vaincre en lui tout notre mal, croyons-nous. Mais dans ce monde, quand nous voulons nous tourner vers les vrais coupables, nous ne trouvons que des êtres affreusement banals, des politiques incultes et visiblement peu intelligents, des patrons avides et vulgaires et des banquiers libidineux, servis par une armée émasculée d’employés de bureau. Nous voyons beaucoup de ses représentants, mais jamais nous n’apercevons le mal en personne. Bien sûr, quand nous voyons apparaître un oligarque mystérieux dans le coin d’un écran, nous nous pressons de croire que nous tenons enfin notre grand initié. Mais nous savons bien que déjà notre enquête se perd dans d’autres méandres obscurs du pouvoir.
N’est-ce pas terrifiant, en effet, de penser que si notre ennemi n’apparaît jamais en personne, ce n’est pas parce qu’il se cache, mais parce qu’il n’est pas un homme ? Qu’il n’existe pas à la manière d’un homme. Que, tout comme un esprit, il n’a pas de corps propre mais la capacité de faire de chaque corps l’antenne-relais de ses intentions ? Et pourtant, ne le voyons-nous pas, chaque jour ? N’est-ce pas, d’abord, un esprit, un état d’esprit qui condamne ces foules immenses à traîner toute leur vie d’esclavage dans la mélancolie ? Quoi d’autre qu’un esprit pour s’emparer et se nourrir de la joie naturelle des corps ? Pour les condamner à accomplir, dans leur travail, le processus de leur propre destruction ? N’avons-nous pas, dans la société capitaliste, un cas avéré, et hautement contagieux, de possession ? De possession collective ? Une gigantesque opération, non pas secrète, mais à ciel ouvert, de manipulation mentale, d’influences comportementale par les médias, la publicité, l’architecture ? N’est-ce pas par l’esprit que nous sommes, d’abord, enchaînés ? Les choses que nous nous empêchons de faire ou de penser, ne sont-elles pas d’abord arrachées à la racine par un conditionnement permanent, écrasant, de notre pensée ? Un militant disait récemment que le problème climatique et écologique actuel est d’abord un problème d’ordre psychologique. Le décalage entre nos discours, nos valeurs et nos actes est tel, selon lui, qu’il relève en droit de la pathologie mentale. Quelle force peut elle nous conduire à un tel déni, et nous condamner à une telle impuissance, si ce n’est un genre d’envoûtement ?
C’est par notre corps que cet esprit existe, c ‘est par nos actes qu’il prospère et par nos paroles qu’il s’exprime. Cet ennemi sans visage, ne faisons pas semblant de ne pas le connaître, ne le cherchons pas trop loin, ne lui prêtons pas trop vite les traits du diable ou du bouc. Il s’est bien souvent glissé en nous. L’esprit d’avidité, de revanche, de compétition, de négation, cette paresse de la création, cette tristesse hargneuse qui se réjouit de chaque nouveau malheur comme de la confirmation de sa théorie morbide, nous le connaissons tant que nous avons même parfois bien du mal à nous en dissocier. Et ce n’est pas la furie barbare de quelques uns, mais la torpeur de tous, cette paresse ennuyée, cette indifférence nonchalante et dépressive, cette apathie hantée de gestes mécaniques et presque détachés, qui entraine le monde et l’homme dans la chute. Ce n’est pas sur l’air des Walkiries que notre bateau sombre, mais sur les refrains et les slogans débiles d’une radio quelconque, rythmé par le bip des articles à la caisse.
Comment se battre contre un esprit ? Comment se réveiller d’un envoûtement ? En fait, un rapide examen logique de notre situation et de notre comportement suffit à faire tinter la cloche du retour à nous-mêmes, et nous nous sentons alors, un instant seulement, prêts à en découdre quoi qu’il en coûte. Ce qui nous manque à cet instant, pour prolonger cet état de grâce, ce n’est pas la raison ou le jugement, mais le courage. Notre premier acte de résistance doit donc être un acte de sécession. Le monde est vaste, les solutions multiples. Démissionnons joyeusement de tout travail qui ne reflète pas nos valeurs. Cessons définitivement de nourrir nos empoisonneurs en consommant les fruits pourris de leur industrie létale. Cessons de nous considérer comme les sujets d’une Histoire écrite par d’autres. Jetons nos costumes de yogi et d’imam, de curé et de shaman, et contemplons notre égale nudité. Ce n’est qu’ensemble, bien sûr, que nous reviendrons à nous-mêmes. Evidemment, si nous sommes seul, nous sommes foutus. Chacun le sait bien. Nous sommes dans la situation d’une foule pétrifiée devant quelque chose et nous regardons autour de nous pour lire, au delà du langage, dans les yeux des autres, des signes muets de reconnaissance, des appels, ou non, à l’action. Et il nous faut rompre, ensemble, notre stupeur pour agir avant qu’il ne soit trop tard.
Il y a tant de volontaires pour travailler à leur propre ruine. Mais tant que la technologie du pouvoir passe par les corps humains, il existe potentiellement un pouvoir qui, s’il se constitue, est invincible, c’est le peuple. On se demande sans arrêt ce que c’est qu’un peuple, c’est à dire à quoi ressemble un peuple, de l’extérieur ? Mais nous ne savons ce qu’est un peuple que de l’intérieur. Un peuple ce n’est pas un ensemble de groupes qui se tolèrent autour d’un vague contrat de non-agression mutuelle ou de prospérité. Un peuple, ce sont des gens qui se connaissent, ou qui se sentent assez bien pour se faire un tout petit peu confiance. Et qui reconnaissent leurs intérêts communs par le fait qu’ils partagent la même condition. Enfin c’est un ensemble qui détermine communément son destin et discute ses valeurs pour coordonner son action. Nous ne sommes pas un peuple. Si nous sommes déterminé à le devenir (et si nous ne le sommes pas, nous nous condamnons pour toujours à être des pions) nous devons donc d’abord apprendre à nous connaître. Notre première stratégie devrait donc se formuler ainsi : ALLONS A NOTRE RENCONTRE ! DISSIDENTS DE TOUS LES DOMAINES, PROFITONS DE NOTRE EXCLUSION POUR NOUS RENCONTRER AUX MARGES DE L’EMPIRE !
Par quoi ce peuple est-il aujourd’hui séparé de lui-même, divisé en cellules rivales ? Par une évidence si écrasante que nous n’osons même plus interroger son existence. Par la magie de l’argent. On dit souvent que c’est l’argent qui fait tourner le monde, mais l’argent n’est un dieu que pour ceux qui n’en ont pas. Pour les autres, c’est avant tout une technologie. L’argent est tout de suite pensé comme une technologie de contrôle. Car créer l’argent, c’est créer en même temps le manque d’argent. Celui qui dispose de l’argent peut donc répartir le pouvoir comme bon lui semble, il a divisé tous les autres comme les concurrents d’un même jeu, qui se mesurent à une même valeur dont lui dispose d’une provision infinie, puisque c’est lui qui le crée. Mais surtout c’est lui qui décide des directions effectives des affaires humaines par les chantiers qu’il engage. L’argent est avant tout un pouvoir de direction et d’orientation du monde.
Tu veux construire quelque chose ? Tu veux voyager ? Tu veux expérimenter ? Tu veux faire ton film, tu veux aider quelqu’un ? Tu veux faire quelque chose de gratuit ? Il va te falloir de l’argent. Ça veut dire : il va falloir que l’ordre qui te régit passe ton projet au crible de ses standards, que tu formules ton projet pour qu’il entre dans ses tubes, qu’il passe par toute une série de contrôles, d’approbation, de révisions et de corrections jusqu’à ce que ton projet ne soit plus que l’épitaphe, ironique, de ce qu’on t’as volé. C’est ainsi que l’empire, grâce à l’argent, boit la substance de nos rêves, consomme notre énergie créatrice, en la retournant contre nous, en la suçant et en nous épuisant.
Je ne parle pas là du pouvoir d’achat, qui n’est pas le pouvoir de l’argent lui-même, et qu’on nomme ainsi justement pour bien les séparer. Le pouvoir d’achat n’est que le nom de ce qu’on laisse chaque jour au travailleur pour qu’il recommence le lendemain en ayant tout dépensé. L’argent commence à devenir un pouvoir quand on ne le dépense pas, et qu’il s’accumule en trop grande quantité pour rester matériel. Le vrai pouvoir de l’argent est un pouvoir abstrait. Nous comprendrons mieux ceci, et la terrible efficace de sa puissance de contrôle, quand toutes les transactions se feront de manière électronique et qu’il sera devenu intégralement ce qu’il est : un pur système de données garantissant une équivalence. Tout échange devra alors passer par les canaux de distribution officiels, et il suffira, à tout moment, de débrancher quelqu’un pour le neutraliser. Mais plus pernicieusement, le pouvoir d’achat pourra alors être indexé sur n’importe quoi d’autre que le travail effectif, comme par exemple, notre bonne conduite...
Dès lors, notre deuxième stratégie devrait consister à nous déprendre, nous passer, au maximum, de l’argent. Ou tout au moins, tant que l’argent existe, de le convertir en des choses qui nous permettrons de nous en passer. Ces choses, ce sont d’une part des infrastructures, habitats, cultures, organisations parallèles. Sur le terrain de l’énergie, des circuits de nourriture et de biens de premières nécessités, il y a beaucoup à faire. Mais d’autre part, la condition première pour nous passer d’argent est de mieux nous connaître pour pouvoir commencer à compter les uns sur les autres, au lieu de compter le peu d’argent qui nous reste. Nous ne parlons pas ici d’autonomie. L’autonomie n’a aucune valeur en-soi, sauf pour ceux qui ont des penchants communautaires. Nous ne cherchons à être autonomes que par rapport aux circuits de productions impériaux. Ce que nous voulons, plutôt que l’autonomie, c’est une interdépendance, une mise en intelligence, une association libre de bonnes volontés complémentaires. Ça tombe bien, nous cherchions justement une occasion pour nous rencontrer.
Ce n’est peut-être pas l’amour qui remplacera l’argent, mais c’est surement la confiance. En réalité, l’argent est très exactement le substitut de la confiance des êtres les uns envers les autres. Il fonctionne comme une assurance : l’assurance que tel bout de papier vaut pour certaine quantité de biens, et l’assurance que ce bout de papier vaut la même chose qu’un autre bout de papier de même unité. Pour le comprendre, faisons appel à une utopie : un monde où les êtres se feraient confiance n’a absolument pas besoin d’argent. Dans un monde où l’on a la certitude que tous les échanges seront respectés réciproquement, la nécessité de l’argent disparaît. Celui qui donne au monde, par son travail ou sa simple existence, est assuré en retour de trouver partout gracieusement ce dont il a besoin. Simplement parce que la personne qui donne elle-même est assurée en retour de disposer gracieusement et partout de la même faveur. Les mêmes transactions pourraient continuer (enfin, presque les mêmes, on imagine mal un trafic d’armes dans un tel monde), si l’on retirait cet élément. Je ne dis pas qu’un tel monde est possible ni même souhaitable, mais en le concevant, nous découvrons que la vraie nature de l’argent est de se substituer à la confiance des hommes entre eux.
C’est en cela que l’argent est le premier obstacle à la constitution d’un peuple. Il faudra donc nous passer d’argent. Comment faire ? A cette question, la réponse n’est pas : impossible, mais plutôt : compliqué. Apprenons à aimer ces complications car toutes les réponses que nous apporterons à cette question seront les actes de création de notre nouvelle force. Allons chercher nos semblables, traversons les races, les classes et les frontières. Tissons des liens avec tous ceux qui sont visés par cet ennemi à deux visages (ça fait beaucoup de monde) Ne cherchons pas notre peuple sous les cendres d’anciens pouvoirs tout aussi corrompus. N’essayons pas de retrouver des racines perdues sous les décombres des royaumes et des nations ; aucun peuple ne peut survivre longtemps, en tant que tel, sous la bannière d’une nation, il redeviendra vite le nuage d’atomes que nous sommes : une population. C’est par le milieu, rhizomatiquement, que naîtra notre force ; et notre association, parce qu’elle se doit d’être mondiale, tout comme la guerre que nous mène ce Janus, n’a pas, dans l’Histoire, d’antécédents.

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