lundi 24 janvier 2011

Exclusif: les fromages scolaires de l'Elysée - marianne 2



Ils sont 22. Nommés par décret présidentiel, les inspecteurs d'académie de Paris, touchent jusqu'à 4500 euros par mois pour un travail plus que modeste.
Ils sont de droite, mais aussi de gauche. Ils ont sans doute beaucoup de qualités, mais aucuns des titres qui leur permettraient de prétendre à la fonction qu’ils occupent. Et d’ailleurs cette fonction, ils ne l’occupent pas puisqu’elle a tout de l’emploi fictif. La frappe de la Cour des comptes est chirurgicale : elle ne concerne que 22 personnes. Mais elle est sans pitié. Parmi les trésors que recèle le dernier rapport testament légué par Philippe Séguin, on trouve une vraie petite bombe qui illustre ces cadeaux que s’échangent trop souvent ceux qui nous gouvernent au mépris des usages d’une République vertueuse.
Pour les magistrats de la Rue Cambon, les 22 heureux titulaires des postes d’inspecteurs de l’académie de Paris occupent un emploi… qui ne correspond à « aucun besoin particulier de l’académie de Paris ». Ils n’ont d’ailleurs aucune activité précise correspondant à cette mission. Pourtant, ils sont de plus en nombreux. La cour note en effet que ces nominations ont subi une vraie inflation entre 2001 et 2008 alors que les inspecteurs ne furent que six au cours des deux siècles précédents. Surtout, ces nominations, « caractérisées par de simples motifs de proximité politique », ont été « réservées à des collaborateurs de diverses autorités politiques (président de la République, Premiers ministres, ministres chargés de l’Education, autres ministres…) ».
Un job introuvable pour 4500 euros par mois !

Un « boulot » introuvable donc, mais une rémunération confortable : au moins 4 500 € net par mois ! Et le statut de la fonction publique en prime ! Traduit dans le langage empesé de la Cour des comptes, cela donne : « L’objectif de ces nominations n’était pas de faire exercer des fonctions d’inspection au sein de l’académie de Paris, qui sont d’ores et déjà assurées par des personnels compétents, mais de garantir aux personnes ainsi nommées une rémunération pérenne, quels que soient l’endroit et la manière dont elles exerceraient par la suite leurs activités. »
Nommés par décret du président de la République, ces 22 bienheureux héritent, le plus souvent, de ces copieux fromages au moment d’un changement au sommet du pouvoir. Lionel Jospin a multiplié les nominations entre le 19 et le 24 avril 2002 : Nicole Baldet, sa secrétaire particulière, Christophe Borgel, un fidèle de Dominique Strauss-Kahn actuellement membre de la direction du PS aux côtés de Martine Aubry, ou encore Claude Roiron, secrétaire nationale du PS chargée de l’éducation et présidente du conseil général d’Indre-et-Loire. C’est une ancienne du cabinet de Jack Lang, tout comme Christophe Degruelle, qui fut le directeur de cabinet de l’ancien ministre de l’Education.
A droite aussi...

A droite, on trouve 12 heureux gagnants de ce joli loto : 9 nommés sous Jacques Chirac, 3 par Nicolas Sarkozy. Parmi eux, Anne Peyrat, qui occupa la fonction de conseillère à la culture au cabinet de Chirac, Fabrice Larché, chef de cabinet de Valérie Pécresse au ministère de l’Enseignement supérieur, ou encore Arnaud Teullé, conseiller à l’Elysée, qui, sans doute pour le remercier d’avoir cédé un canton de Neuilly-sur-Seine au prince Jean en mars 2008, fut lui aussi nommé inspecteur de l’académie de Paris le 2 mai 2008. Le même jour, David Teillet, délégué général de l’UNI de 1998 à 2002, et actuel chef de cabinet de Xavier Darcos au ministère du Travail, hérita de la même promotion.
Autant de personnalités dont les profils correspondent bien à la vocation de ces inspecteurs qui n’inspectent rien : « N’importe quelle personne peut être nommée dans ces fonctions, qu’elle ait ou non obtenu un diplôme, qu’elle ait ou non déjà exercé dans la fonction publique, qu’elle ait ou non acquis une expérience professionnelle dans le domaine de l’éducation, et quels que soient son âge ou la nature des fonctions précédemment exercées. Ces nominations ne sont en rien justifiées par un quelconque besoin de recrutement exprimé par l’académie de Paris, et le recteur n’est consulté ni sur le nombre, ni sur le profil des futurs inspecteurs. » Merci, qui ?
Vendredi 12 Février 2010  Emmanuel Lévy- Marianne
Source :http://www.marianne2.fr