vendredi 15 juin 2012

Le point de non retour par Bernard Dugué (sur Agoravox)

Le point de non retour par Bernard Dugué    vendredi 15 juin 2012

sur Agoravox

La chaleur estivale ne se prête pas aux activités intenses, y compris celles dites intellectuelles. Quoique, la chaleur n’y est pour rien. Mon cerveau est en vérité refroidi après la douche froide reçue par la pluie de dépêches et autres commentaires de bistrot servis suite à un seul tweet envoyé par celle qu’on désigne comme première dame. Je n’ai pas réagi, me contentant d’observer le déroulement des événements médiatiques. J’ai vu venir le buzz, dès que ce tweet fut inscrit en bas de l’écran de BMFTV dans la rubrique alerte info, inscription qui ne garantit aucunement l’importance de la nouvelle annoncée mais qui a de l’importance pour cette chaîne de la télé numérique qui fonctionne avec le mode du tweet comme du reste sa concurrente ITélé dont les journaux sont presque identiques à quelques éditorialistes près. L’affaire du tweet a ainsi largement débordé la case potin pour arriver à la une de tous les journaux, télé, radio, papier et même le Net s’est emparé de quelques mots lancés sur des réseaux idiots qu’on prétend être sociaux. L’onde a été terrible, se propageant dans l’espace, jusqu’au journaux étrangers, et dans le temps. Ce matin, sur les ondes d’Inter, Laurent Fabius invité à commenter le tweet, puis ce fut le tout des humoristes ennuyeux de se moquer de François en parodiant une émission d’écoute à la personne et pour finir, les zéditocrates distingués de Pascale Clark se sont coltinés le sulfureux tweet. Et ce n’est pas tout. Des instituts de sondages ont interrogé les Français sur l’attitude de la première dame. Bref, une folle transe s’est propagée plus vite qu’un virus grippal et la gent médiatique s’est trouvée atteinte de convulsions délirantes, crise d’épilepsie collective, ou d’épineptie. Vous voyez, ce précédent impose de créer un néologisme. Epilepsie, épiphanie, épineptie ou la propagation démesurée d’une ineptie car c’est bien une ineptie que d’accorder tant d’importance à quelques mots lancés sur des réseaux idiots.
Du calme ! Dit l’observateur. Ce petit événement est révélateur. De quoi au fait ? La meute médiatique, sevrée après la fin de partie du candidat Mélenchon, a trouvé un nouvel os à ronger dans la belle ville de La Rochelle où les observateurs se sont dépêchés pour détecter une ambiance de haine envers Madame Royal, une émotion complètement irrationnelle, alimentés par quelques potins et surtout les relais médiatiques qui croyant dénoncer un fait ne font que l’alimenter. Je me demande s’il n’y a pas quelques relents de perversité dans cette médiatisation d’un tweet. Peut-être suis-je trop soupçonneux mais je ne peux m’empêcher de rapprocher cette mécanique médiatique du désir de punir, d’humilier et peut-être, de prendre plaisir à voir l’ancienne adversaire de Nicolas Sarkozy en 2007 chuter et être châtiée par la nouvelle première dame et compagne de son ex-compagnon devenu président de la république. Le plaisir à voir l’autre démoli, on le trouve chez les pervers narcissiques et c’est même le ressort de leur minable existence. Alors, perversion narcissique dans les médias ? Peut-être pas mais sûrement quelque chose qui y ressemble et qui ne sent pas forcément bon, ne laissant rien augurer de radieux dans notre pays déclinant en crise spirituelle et morale. Si on enlève la perversion il reste le narcissisme. Oui, là c’est à peu près certain, les responsables et autres chroniqueurs médiatiques en vue pèchent par narcissisme, pas tous, pas avec la même intensité, mais on trouve ce trait chez nombre de personnalités dont le métier dépend d’une exposition médiatique et ce narcissisme, il est aussi un trait contemporain de nos sociétés individualistes. Je pense qu’il n’y a plus rien à dire. Le journalisme a atteint un point de non retour avec cette affaire de tweet. Cessons de parler de réseaux sociaux. Ce ne sont que des réseaux narcissiques, des salles numériques décorées de miroirs par millions.
Les médias ne peuvent pas tomber plus bas. Quelque part, ce sentiment du point de non retour rappelle les années 1920 et 1930. La montée des extrémismes. Rien n’était joué d’avance mais à un moment donné, un point de non retour était franchi. En 2012, les crises de nerf autour d’un tweet ne sont qu’un indice masquant d’une part l’indigence médiatique et d’autre part les réalités géopolitiques et notamment ce qui se trame en Syrie. La chaleur du moment incite à faire une association d’idée avec les incendies d’été, la canicule et l’embrasement d’une région proche orientale qui selon certaines sources, serait disputée entre le bloc Otan et un bloc assez flou mais intégrant deux puissances, l’une plutôt militaire, la Russie, l’autre plutôt économique, la Chine. Les médias ne sont plus fiables mais l’ont-ils été par le passé. La Libye, la Syrie, mêmes désinformations et jeux de propagande. Le monde est ouvert aux manipulations, avec des acteurs plus ou moins officiels, parfois agents de l’ombre ou bien réseaux mafieux et autres marchands de canons. Le monde pourrait passer hors de contrôle si jamais la région s’embrasait. Les puissances stabilisatrices sont importantes mais nul ne sait si à un moment donné, le point de non retour est franchi, auquel cas les événements se succéderaient telle une réaction en chaîne dans un réacteur dont les réactifs ont assez d’enthalpie pour allez au résultat final. Je crois que je vais reprendre mes recherches en biologie et me consacrer à quelques chroniques musicales tout en jetant un œil sur la kabbale et la mécanique quantique. C’est bien plus passionnant que l’actu qui a franchi un point de non retour dans mon esprit. Le gâtisme est presque définitif. Irréversible.