vendredi 26 octobre 2012

Quand Christine Lagarde dénonçait les mauvais grecs (Bakchich)

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mar, 23/10/2012 - 14:15

Quand Christine Lagarde dénonçait les mauvais grecs


Repérés par Bercy sur la fameuse liste HSBC volée en Suisse, 1991 grecs détenant un compte en Suisse ont été dénoncés fin 2010 par Christine Lagarde alors ministre de l’Economie des Finances et de l’Emploi, à son homologue Yorgos Papakonstantinou.

C’est vendredi 19 octobre que le ministre grec des finances a du se rendre à l’évidence. Dans un courrier aux 2 procureurs financiers qui souhaitent y jeter un coup d’œil, Yannis Stournaras a du admettre que malgré des recherches approfondies dans toutes les armoires de son ministère, il n’a été trouvé aucune trace de réception ni d’enregistrement dans quelque répertoire que ce soit, d’un CD contenant la « liste Lagarde ».
Dans la mesure où tout indique à Athènes que la liste en question a bien été remise par Paris au ministère des finances sous la forme d’un CD officiel comprenant un numéro de protocole, il faut donc en conclure qu’il s’est malencontreusement égaré…Damned.
Flash back : Hervé Falciani, informaticien de son état et voleur occasionnel, dérobe en Suisse en 2008, une liste de 8993 noms d’évadés fiscaux français de la banque HSBC. Il quitte à la sauvette le pays du chocolat le 23/12/2008 avec tout son matos’ et se réfugie dans le midi de la France.
Vexés et inquiets, les Suisses nous demandent dès le 3 février 2009 qu’on leur restitue les fichiers originaux volés.Sauf qu’après bien des péripéties et de solides garanties d’impunité au voleur, la liste des évadés fiscaux présumés est remise à Bercy le 9 juillet 2009.

Le fichier qui valait 1,2 milliard

Elle va donner lieu à la création du mythique fichier « Evafisc » qui va faire rentrer dans les caisses près de 1,2 milliards d’euros. Dit-on. Les helvètes eux, attendront jusqu’au 21 janvier 2010 pour récupérer des copies des données.
Mauvais perdants, ils iront même jusqu’à affirmer que les fichiers originaux ont été bidouillés, histoire de transmettre un message subliminal aux malheureux recensés d’Evafisc selon lequel, s’ils niaient tout en bloc, ils ne risquaient juridiquement pas grand chose…Trop tard semble-t-il.
On savait que l’amitié indéfectible franco-espagnole nous avait conduit à remettre à Madrid, les noms de ses présumés fraudeurs trouvés en Suisse par Falciani. On ignorait cependant que nos amis grecs avaient également eu droit aux mêmes faveurs et que les noms de près de 2 000 citoyens ayant ouvert des comptes dodus à la succursale de Genève de la HSBC leur avaient été remis.
Yiannis Kapeleris et Yiannis Diotis, les deux anciens gros bonnets de l’Unité de Répression du Crime Economique et Financier (SDOE) doivent d’ailleurs être entendus la semaine prochaine par le procureur économique et financier Grigoris Peponis à ce sujet.
Pour le fun, on se souvient de l’initiative de Kapeleris à l’automne 2011 bénéficiant d’un soutien public appuyé de la part du ministre des finances Evangelos Venizelos, d’utiliser Google Earth pour repérer les piscines non déclarées ainsi que de sa requête auprès d’EDF made in Greece, pour connaître les adresses des résidences privées où les compteurs révélaient de méga-consommations de courant. Indignés à plus d’un titre, les employés de l’entreprise publique de fourniture d’énergie avaient d’ailleurs refusé d’obtempérer malgré les menaces et l’avaient envoyé se faire voir chez…
Il faut croire qu’à la longue, il s’était fatigué de son rôle de terreur des malfaisants (« les médecins, les notaires, les ingénieurs civils, presque l’ensemble des professions libérales, mais aussi les boites de nuit et les commerces des zones touristiques où l’émission de factures est rare, sont dans mon collimateur… ») puisqu’en janvier 2012, le même Procureur Grigoris Peponis l’accusait au terme de deux mois d’enquête, de s’être montré trop conciliant avec les trafiquants de fuel domestique. Un manque à gagner pour le trésor Athénien de 15 millions d’euros qui l’avait conduit à démissionner, lâché par son ministre…Les retrouvailles entre Peponis et Kapeleris risquent donc d’être chaudes…
Pour en revenir à la « Liste Lagarde » égarée dans les méandres de la bureaucratie grecque, Evangélos Venizélos, aujourd’hui président d’un Pasok à l’agonie dans les sondages, y a fait allusion en ces termes au début du mois : « La polémique publique sur cette liste fait trop de bruit ; le ministre de l’Economie de l’époque, Yorgos Papakonstantinou, affirme qu’il l’a reçue fin 2010 et l’a transmise à la police financière (SDOE) en juin 2011. mais cette affaire compromet l’image de notre pays sur la scène internationale et nuit aux efforts que nous faisons pour conclure un accord multipartite avec la Suisse concernant la taxation des dépôts des ressortissants grecs. C’est pourquoi dans l’intérêt du pays, je pense qu’il est nécessaire de clarifier les éléments suivants… »

Communiqué d'urgence

Suivait une explication des plus confuses selon laquelle, Diotis, co-dirigeant du SDOE avec Kapeleris, l’aurait reçue en Août 2011 de manière « informelle » des mains du ministre Papakonstantinou. Lequel est de plus en plus ouvertement soupçonné par le Parti des Grecs Indépendants d’avoir tenté d’étouffer le scandale dans lequel serait impliquée une nuée d’hommes politiques de tous bords. Mais aussi que ledit Diotis qui va en répondre la semaine prochaine, l’aurait transmise de manière tout aussi « informelle » à Vénizélos lui-même…
Sentant monter la pression de la rue, le service de presse de Vénizélos publiait il y a quelques jours, un communiqué qui en dit long sur les chances du pays de recouvrer rapidement un minimum de considération sur la scène internationale : « Quand Mr. Vénizélos a constaté au travers d’annonces récentes qu’aucun service public n’était en possession de ce matériel, il a envoyé au premier Ministre Samaras, tout ce que Mr. Diotis lui avait transmis. Il est inconcevable de donner l’impression que ce matériel se serait perdu après être passé de mains en mains dans les services publics et parmi des personnalités politiques »..
Pour être complet, ajoutons que Théodoros Dravillas, administrateur en chef des services de renseignement intérieur qui vient à son tour de lire dans la presse qu’il détiendrait la liste Lagarde, a fait savoir tout le bien qu’il pensait de la pitrerie ambiante : « Je n’ai jamais eu connaissance, sous forme imprimée, électronique ou autre, d’aucune liste de noms de Grecs ni d’étrangers possédant des comptes à l’étranger ou en Grèce. Jamais et de personne. »
C’était vraiment pas la peine que Christine elle se décarcasse…