par , le 5 novembre 2012
Rarement les médias (ou du moins certains d’entre eux) ont été, de tous côtés, aussi contestés que pour leur traitement de l’ouragan Sandy et de ses effets dévastateurs : pour la disproportion outrancière (et proprement scandaleuse) entre les informations fournies sur les États-Unis et celles dont ont chichement bénéficié les autre pays. Trop, c’est trop quand c’est à ce point flagrant.
Ce fut en particulier le cas dans les médias audiovisuels qui bénéficient de la plus large audience. En choisissant ici de conforter les impressions par des observations précises des JT de France 2, nous n’entendons pas exonérer tous les autres médias (et certainement pas TF1). Sur France 2, donc…
Ce fut en particulier le cas dans les médias audiovisuels qui bénéficient de la plus large audience. En choisissant ici de conforter les impressions par des observations précises des JT de France 2, nous n’entendons pas exonérer tous les autres médias (et certainement pas TF1). Sur France 2, donc…

Et 32’30 environ plus tard, après deux sujets sur les USA (« Pourquoi Barak Obama vote avant le jour des élections », « Se soigner au supermarché : un moyen de payer moins cher »), on apprend, images à l’appui, que l’ouragan est « en route vers les États-Unis » et que des mesures préventives ont été prises. Et en une phrase, mais sans images : « l’Ouragan Sandy a déjà fait 28 morts sur son passage, notamment en Haïti ». C’est tout ? C’est tout.

Pourtant, au cœur de ce « sujet » d’1 mn 15, quelques phrases, prononcées à grande vitesse (20 secondes), informent, images à l’appui : « Juste en face, dans l’Atlantique, dans l’archipel des Bahamas, Sandy est déjà passé. Voici les résultats : ravages des vents et montée de l’océan. Mais rien de dramatique, comme ici à Cuba. C’est à Santiago que les destructions ont été les plus impressionnantes. Bilan : 11 morts. Pire encore : en Haïti un pont a même été emporté. La subite montée des eaux a causé la mort de 26 personnes, dont des enfants. » C’est tout ? C’est tout. Il est temps en effet de passer au sujet suivant : l’impact possible de l’ouragan sur le scrutin présidentiel, en direct avec Maryse Burgot, depuis les USA ? Un direct suivi d’un « sujet » sur le « microciblage électoral » ; durée ? 2 mn 55.

1 mn 05 d’annonce des titres et « Direction d’abord les États-Unis » ; pour 7 mn d’informations et de reportages : « Les dernières images », « Les dernières informations : l’ouragan Sandy s’approche de New-York », « Arrivée imminente de l’ouragan Sandy dans le New-Jersey », « New-York et Washington retiennent leur souffle » ». Puis, plateau : « Ouragan Sandy : pourquoi fait-il si peur ? ». Rien sur les conséquences de l’ouragan dans les autres pays.

Et rien sur les conséquences de l’ouragan dans les autres pays.

« Avant de revenir sur ces titres, un cri d’alarme ce soir, le cri des oubliés de l’ouragan Sandy. Quelques heures avant de toucher les côtes américaines, la tempête a fait des ravages sur l’île d’Haïti. Mais la situation n’a pas fait l’objet de la même couverture médiatique. Pourtant un drame de plus est en train de se jouer pour cette population déjà meurtrie. Elle est désormais menacée par le manque de nourriture »Cette présentation très indirectement et très allusivement autocritique valut aux téléspectateurs de bénéficier d’un reportage correctement informé (malgré sa brièveté : 1 mn 30 environ) sur « Les victimes oubliées de Sandy » : les 50 morts recensés, les maisons, les routes, les hôpitaux détruits, le million d’habitants menacés par le manque de nourriture, l’agriculture sinistrée, le développement du choléra, etc.

Mais les questions demeurent.
Les « victimes oubliées », mais par qui ? Pourquoi se borner à déplorer vaguement la couverture médiatique sans dire un mot de la couverture effectuée par France 2 ? Par timidité ?
Les « victimes oubliées », mais pourquoi ? À cela plusieurs explications possibles qui peuvent se combiner. D’abord puisque depuis le 11 septembre 2001, selon leurs dires, « Nous sommes tous américains », ou plus exactement états-uniens, rien de ce qui arrive dans ce pays ne doit nous rester étranger. Quant aux autres pays, c’est selon… Ensuite, et par conséquent, la couverture de l’élection présidentielle aux États-Unis focalise l’attention des responsables des rédactions et justifie à leurs yeux la multiplication des envoyés spéciaux : de quoi faciliter la couverture de l’ouragan dévastateur. Enfin, tout dépend de l’abondance des images, de préférence spectaculaires. Et pour ça les États-Unis sont mieux lotis que Cuba ou Haïti. « Dis-moi ce que l’on trouve dans les banques d’images et où sont les caméras, je te dirai ce qui mérite qu’on en parle. »
Que peuvent contre tout cela, qui produit machinalement de redoutables effets, des bilans critiques qui, quand ils existent, sont aussi maigres que celui de France 2 ?
Henri Maler