samedi 22 décembre 2012

Quand la France sacrifie les cours d’Histoire au nom de la repentance et du politiquement correct (MediaBeNews)

Quand la France sacrifie les cours d’Histoire au nom de la repentance et du politiquement correct

Publié le 21/12/2012
 
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Repentance et lois mémorielles: Pourquoi la France se déteste-t-elle ?
Pour Dimitri Casali, aucun autre pays au monde ne sacrifie autant sa propre histoire, au nom de la repentance et du politiquement correct que la France. Dans « L’histoire de France interdite » (JC Lattès), l’auteur dénonce ce sentiment bien français qui cultive la repentance et qui ne parvient pas être fier de son histoire. Extraits .

Dans L’histoire de France interdite, Dimitri Casali explique que l’Histoire est menacée par ses trois plus grands détracteurs. L’Éducation nationale tout d’abord, dans une fuite en avant multiculturaliste qui enterre avec de nouveaux programmes nos principaux héros et la chronologie naturelle, veut faire des élèves des « citoyens du monde » avant d’en faire des citoyens français aimant leur pays. Les groupes communautaires ensuite, qui instrumentalisent l’Histoire à leur profit, d’où la multiplication des lois mémorielles… Les élites intellectuelles et médiatiques enfin, qui s’érigent en ayatollah de la pensée unique.
Aussi déplore-t-il le manque de chronologie dans les manuels scolaires : en 1ère, on étudie la crise de 1929, puis la guerre de 1914. En 3ème, les attentats du 11 septembre précédent le Front populaire de 1936. Seconde surprise, des événements fondamentaux sont évacués, tel le 6 juin 1944. La discréditation de notre passé entretient cette détestation de soi qui sommeille en chaque Français.
Selon lui, il nous manque cette fierté que l’on sent chez les Américains, les Chinois, les Britanniques, les Espagnols et qui est manifeste dans leurs manuels comme dans leur admiration pour leur héritage. Plus qu’un coup de gueule, ce livre est une déclaration d’amour à l’Histoire de France.

Extraits de « L’histoire de France interdite » de Dimitri Casali (JC Lattès)

Nous sommes le seul peuple au monde (à l’exception des Allemands pour les raisons que nous connaissons tous) à cultiver la repentance à un tel niveau. Ce sentiment de culpabilité est devenu symptomatique de l’esprit français contemporain. Faudrait-il que, tous les matins en se levant, les Français se donnent dix coups de fouet pour se faire pardonner d’avoir été d’horribles esclavagistes au XVIII e siècle, des colonialistes monstrueux au XIX e et des collabos au XXe?
Une situation de repentir à sens unique : jamais exigé des autres cultures, des autres régimes, des autres peuples. Pourtant, toutes les civilisations ont été expansionnistes : les Arabes, les Chinois, les Perses, les Mongols, les Incas, les Aztèques. Toutes ont semé le feu, le fer et la désolation, détruisant des religions locales, massacrant des populations entières. Rappelons au passage que les conquêtes mongoles initiées par Gengis Khan (v. 1167-1227) en Asie ont provoqué la mort de quarante millions de paysans et, avec leur disparition, le retour à l’état naturel de 309 000 km 2 entre 1200 à 1380[1].
Citons ici Pierre Nora : « L’Histoire n’est qu’une longue suite de crimes contre l’humanité (…) Deux mille ans de culpabilité chrétienne relayée par les droits de l’homme se sont réinvestis, au nom de la défense des individus, dans la mise en accusation et la disqualification radicale de la France. Et l’école publique s’est engouffrée dans la brèche avec d’autant plus d’ardeur qu’à la faveur du multiculturalisme, elle a trouvé dans cette repentance et ce masochisme national une nouvelle mission[2]. »
Seuls les historiens ou intellectuels étrangers parviennent encore à nous remémorer les anciennes gloires de notre pays. Il n’y a plus un mot, dans les nouveaux programmes, de l’hégémonie politique, militaire et diplomatique de la France sur le continent européen – hégémonie qui commence en 1643, avec la victoire de Rocroi remportée par le Grand Condé, et qui s’achève en 1815 à Waterloo. Plus aucun politique ou intellectuel n’ose rappeler simplement que, pendant ces 172 ans, la France a été la grande puissance, sinon la première puissance mondiale. Comme l’ont été l’Espagne au XVIe siècle, l’Angleterre au XIXe, les États-Unis au XXe , et comme le sera la Chine au XXIe siècle. Mais de cela, on ne parle pas, l’historiographie est systématiquement sélective, elle doit être politiquement correcte, compassionnelle et teintée d’angélisme.
Assez d’hypocrisie. Refusons ce chantage mémoriel, puisé dans les souffrances du passé pour instrumentaliser l’histoire par des approximations et des analogies douteuses et dangereuses. Avec toute cette haine de soi, nous nous mentons sur nous-mêmes et nous nous fermons aux autres. Avec cette perte d’estime de soi, sans laquelle aucune grande nation ne peut exister, nous perdons toute confiance en nous. Albert Camus écrivait, en 1958 : « Il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle peut avoir de s’estimer elle-même. Il est dangereux, en tout cas, de lui demander de s’avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle. »
Jadis, le temps n’effaçait pas la trace des hommes hors du commun. Or, c’est l’inverse que nous constatons en France aujourd’hui : le temps efface désormais et irrémédiablement le souvenir de nos grands hommes.
Pourquoi, au moment où la fréquentation des musées explose, où les revues, débats radiophoniques, émissions de télévision, jeux vidéo, prouvent le succès de l’histoire de nos grands personnages, pourquoi assiste-t-on, sans rien dire, à leur suppression, voire à leur mise à l’écart ?
Notre société est de plus en plus méfiante à l’égard des grands hommes, et plus encore à l’égard de ceux qui ont prouvé leur forte personnalité, voire leur autorité. Il est certain qu’une société idéale composée de citoyens unis, moraux, éduqués, cultivés n’aurait pas besoin que soit édifiée une histoire unificatrice. Mais la société idéale n’existe pas. Les idées abstraites et les grandes thématiques choisies dans les nouveaux programmes scolaires prennent l’allure d’un enseignement rébarbatif, alors que les mêmes contenus passeraient mieux si on les transmettait à travers des exemples vivants et personnifiés, en évitant les anachronismes et la mythologie, car l’histoire bien enseignée est toujours la meilleure réponse au mythe.
La République a donc plus que jamais besoin des grands hommes, car l’Histoire est plus influente qu’on ne le croit et qu’on le veuille ou non, elle émet des jugements de valeur, institue des règles, des principes ; en un mot, elle est normative.
À l’heure de la mondialisation, nous assistons à une uniformisation de nos modes de vie, de nos histoires et de nos façons de penser. Pour nos dirigeants politiques, il est indispensable que la France s’ouvre aux autres cultures du monde et que l’enseignement de l’Histoire s’adapte aux nouvelles populations immigrées.
L’exemple de Louis XIV est édifiant. Ce n’est pas seulement le Roi-Soleil qui est réduit à la portion congrue, mais aussi l’œuvre considérable de tous les principaux acteurs de son règne : Molière, Vauban, Colbert, La Fontaine, Corneille, madame de Sévigné, La Bruyère, Bossuet, Fénelon, Lully, Le Nôtre, Hardouin Mansart… Certes, il y a déjà bien longtemps que Turenne, le Grand Condé, Jean Bart, DuguayTrouin n’existent plus, et il n’est pas nécessaire de souligner la disparition de Du Guesclin ou Bayard. Le grand Pasteur ou Victor Hugo ne sont plus étudiés en Histoire comme ce fut le cas pendant plus d’un siècle dans les écoles de la République.
Nos enfants vont-ils devenir amnésiques ? Tous ces grands noms qui ont participé à la culture et au rayonnement de la France à l’étranger risquent de disparaître à jamais dans les oubliettes de l’Histoire. Nous ne prônons pas, bien sûr, le retour à une lecture hagiographique, épique ou patriotique des « grands personnages ». Au contraire, il faut présenter aux élèves toute la complexité de ces hommes inscrits dans leur époque.
Dimitri Casali

[1] Selon une étude du département d’écologie de l’université de Stanford en Californie.
[2] Liberté pour l’Histoire, éditions du CNRS, 2008.