mercredi 10 juillet 2013

La cagnotte du Parlement à 150 millions d'euros enfin sur la place publique (Le point)

Point.fr- Publié le - Modifié le

Un citoyen militant a rendu publique ce mercredi la liste des dépenses "exceptionnelles" réalisées par les parlementaires en 2011 au nom de leur "réserve".

Bernard Accoyer a bénéficié le plus de cette réserve, dont l'opacité vient d'etre vaincue par la ténacité d'un citoyen.
Bernard Accoyer a bénéficié le plus de cette réserve, dont l'opacité vient d'etre vaincue par la ténacité d'un citoyen.
 

La cagnotte du Parlement enfin sur la place publique


Il a fallu deux ans, entre refus administratif et décision judiciaire favorable, pour qu'Hervé Lebreton obtienne gain de cause. Cet enseignant en mathématiques, fondateur de Pour une démocratie directe, milite pour que toute la lumière soit faite sur la réserve parlementaire, ce fonds sans encadrement législatif, utilisé à la seule discrétion des députés et des sénateurs. La motivation de ce citoyen ? Tout électeur a le droit de savoir ce que font ses représentants de l'argent public.
Résultat : le ministère de l'Intérieur a été obligé de lui fournir, sur décision du tribunal administratif de Paris, la liste pour l'année 2011 des subventions sollicitées par les députés et les sénateurs en faveur des collectivités locales. Après avoir transmis à plusieurs rédactions ce document de 1 038 pages, Hervé Lebreton vient de le rendre disponible à tous sur le site de son association. Vous pouvez y découvrir, par vous-même, un saupoudrage de subventions sur des projets en tout genre - estimés pour cette seule année-là à environ 146,26 millions d'euros -, avec comme principal critère le bon vouloir des élus nationaux...

Un système opaque et clientéliste

En survolant cette liste, qui ne contient pas la part des subventions allouées aux associations - environ 10 % de la réserve parlementaire -, plusieurs choses étonnent. Tout d'abord, certains élus, qui occupent des postes-clés des institutions (voir ci-dessous), sont - drôle de coïncidence - les mieux pourvus. En 2011, l'écart était ainsi tout simplement phénoménal entre le député Patrick Roy (30 000 euros) et le président de l'Assemblée nationale de l'époque, Bernard Accoyer, doté d'une enveloppe de 11,9 millions d'euros. Une preuve de plus du caractère arbitraire de l'utilisation de cette "réserve".
Le gouffre est tout aussi grand quand on se plonge dans le détail des projets. Quand le sénateur Marc Laménie (UMP) débloque la modique somme de 50 euros pour un boulodrome à Angecourt, son homologue Gérard Larcher engouffre 200 000 euros dans l'aménagement du parc de Groussay, à Rambouillet. Ville dont il est le maire.
Au fil des pages, on discerne ainsi deux types de comportement chez les élus : soit ils financent, selon les moyens alloués, leurs communes ou circonscriptions, soit ils choisissent des causes nécessiteuses loin de leurs fiefs, comme le fait Laurent Fabius sur... son lieu de vacances ! Le ministre des Affaires étrangères a versé deux subventions, pour un montant total de 50 000 euros, à la mairie du Carla-Bayle (Ariège), pour qu'elle réalise quelques menus travaux. Quoi de plus naturel : comme le rappelle Francetv info, Laurent Fabius possède dans ce charmant village une résidence secondaire.

Pas de suppression en vue

Alors que les élus de la nation sont censés défendre l'intérêt général et non, justement, quelques intérêts locaux, la levée du voile sur la réserve parlementaire fait tache. Pas très républicain ? Que penser alors, comme l'a pointé Mediapart, qu'environ 7 millions d'euros de cette enveloppe ont été utilisés pour rénover des églises ? Ce qui dénote une conception de la laïcité à géométrie variable chez nos élus...
Certes, de très petites communes ont de sincères besoins de financement. Serge Virsolvy, maire de Beaumont (115 habitants), en Corrèze, nous confie qu'il n'a pas honte d'avoir bénéficié d'une aide exceptionnelle de 4 000 euros pour rénover la toit de sa mairie en ardoise de pays. "Ça fait vraiment la différence quand on n'a pas beaucoup de moyens", explique-t-il. Une aide débloquée à l'époque par un certain... François Hollande, député et président de conseil régional. Mais, dans ce cas comme dans tous les autres, où est la limite ? Pourquoi là et non ici, sinon du seul fait du prince ?
La démarche d'Hervé Lebreton a aussi réveillé les consciences. Plusieurs élus ont décidé de publier l'utilisation de "leur" argent. Claude Bartolone, le président de l'Assemblée nationale, a promis de rendre totalement transparente l'utilisation de cette réserve d'ici la fin de l'année. Mais pas question pour l'instant de la supprimer, alors qu'elle n'a cessé d'augmenter chaque année sous la droite, passant de 100 millions d'euros en 2008 à près de 150 millions aujourd'hui.
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Le classement des députés les plus dépensiers

Presque hors compétition, Bernard Accoyer remportait en 2011 la palme de la plus grosse réserve, avec près de 12 millions d’euros. Au menu des dépenses : une Maison de la danse, l’aménagement d’un stade de football ou encore la construction d’une crèche, avec chaque fois un chèque de 200 000 euros. En deuxième position, Gilles Carrez, député du Val-de-Marne et rapporteur général de la commission des Finances de l’Assemblée, avait à sa disposition 3,85 millions d’euros. L’ex-président du Sénat Gérard Larcher ferme le podium, avec 3,1 millions d’euros. À noter que la répartition de l’enveloppe entre majorité et opposition était aussi très inégalitaire. Les députés UMP avaient en moyenne cinq fois plus de moyens à leur disposition que les élus PS. Pas revancharde, la majorité socialiste a décidé que chaque élu devait désormais disposer de la même somme, soit 130 000 euros par tête.