Michel Collon ressortait à propos en septembre dernier ce texte de 2012…
L’intellectuelle Nadia Khost, figure très respectée et
estimée en Syrie, est l’auteur de ce texte dense, brillant, porté par le
souffle de son indignation vis-à-vis de ceux qui s’emploient
aujourd’hui à détruire son pays et son indépendance, que nous avions
publié initialement le 10 février 2012. Nadia Khost dénonce le cynisme
de l’Occident. Il convient de relire ce texte à l’heure où la coalition
qui comprend la France « frappe » les terroristes de l’EIIL en Irak
alors qu’il y a un an Paris voulait frapper le gouvernement Assad qui
les combattait.



Se préparant à envahir l’Irak, Bush envoyait au monde ce message menaçant : « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ! ». Cette même dictature brutale utilise aujourd’hui ce même langage sous prétexte de promouvoir la « démocratie ».
N’est-ce pas ce que signifie le « dégoût » exprimé par la
représentante des États-Unis, au sujet des vétos russe et chinois ? Il
n’est même pas permis à de grandes nations comme la Chine et la Russie
d’avoir une vision différente de celle des États-Unis ! Quant au
président français, Nicolas Sarkozy, il ne reconnaît que la seule
décision occidentale légitimant l’ingérence en Syrie !
Conformément à cette vision de la « démocratie », le projet occidental a déterminé les caractéristiques de l’État Syrien qu’il veut fabriquer :
1) Il n’a pas exigé des élections qui révéleraient l’État que les citoyens Syriens acceptent et celui qu’ils refusent.
Cela, malgré le fait que la nouvelle loi sur les élections a garanti le droit des représentants des candidats de surveiller les urnes du début des élections, jusqu’à l’ouverture des urnes.
2) Il ne s’est pas soucié des millions de Syriens qui ont manifesté en Syrie en criant « non à l’ingérence ! ».
1) Il n’a pas exigé des élections qui révéleraient l’État que les citoyens Syriens acceptent et celui qu’ils refusent.
Cela, malgré le fait que la nouvelle loi sur les élections a garanti le droit des représentants des candidats de surveiller les urnes du début des élections, jusqu’à l’ouverture des urnes.
2) Il ne s’est pas soucié des millions de Syriens qui ont manifesté en Syrie en criant « non à l’ingérence ! ».
Ceux qui ont suivi les manifestations savent que c’est la réponse des
Syriens au projet de l’Occident et du Golfe, et aux bandes armées. Ils
remarqueront également que les femmes au foyer ont participé avec ardeur
à ces manifestations.
Les dirigeants occidentaux ont ignoré les choix et les volontés du
peuple syrien ; ils ont fermé les yeux sur les gangs armés, même après
que les observateurs de la Ligue arabe aient consigné leurs crimes.
Une première manifestation de « démocratie » donnée par le Conseil de salut national d’Istanbul [1] a
consisté à frapper à coups de bâtons la délégation d’artistes et
d’intellectuels et la délégation des opposants syriens de l’intérieur, à
l’entrée du siège de la Ligue Arabe au Caire, parce que ces deux
délégations refusaient l’ingérence extérieure dans les affaires internes
de la Syrie.
Et à la suite du débat sur le dossier syrien au Conseil de sécurité de l’ONU, les partisans de ce Conseil d’Istanbulont
attaqué les ambassades syriennes au Caire, au Koweït, à Athènes, à
Amman, à Berlin, à Londres. Ils ont saccagé ou pillé les locaux ; ils
ont frappé le personnel qui s’y trouvait.
Quelle belle expression de « démocratie » !
D’où viennent ces « démocrates » soudainement apparus ? La rue syrienne n’a pas entendu leur voix avant mars 2011 !
Alors que nous, les Syriens de l’intérieur, nous avions critiqué la
politique qui a conduit à l’économie de marché, et les responsables de
cette politique. Nous avions souligné la continuité entre la politique
et l’économie, et la relation entre la position politique nationale et
les droits de l’Homme. Nous avions mis en garde quant aux conséquences
dangereuses de la privatisation. Et nous avions affirmé que le salut de
la nation passe par la garantie du secteur public.
Nous, les Syriens de l’intérieur, avions également rappelé l’œuvre de
Khaled ALAZEM, l’économiste de la bourgeoisie patriotique qui, dans les
années 50, avait participé à la mise en place d’un système public
puissant, avec l’aide de l’Union Soviétique. Et nous avions dénoncé
publiquement la tutelle exercée par certains hauts fonctionnaires,
notamment les maires, et combattu l’expropriation des maisons privées.
Et à cette époque, après avoir participé à des congrès, à des
réunions, ou après avoir écrit des articles, nous rentrions chez nous en
toute sécurité, même après minuit. Nous allions au théâtre, à des
conférences culturelles. Nous nous déplacions entre Damas, Alep et
Lattakié. Nous allions chercher l’eau pure de la source Boukein, et
cueillir les coings et les pommes de Zabadani. [2]
Tandis qu’aujourd’hui, grâce aux méfaits du projet de « démocratie »
occidental et Qatari, le citoyen syrien ne peut plus se rendre en
voiture à Alep, car les brigands armés les mitraillent et qu’ils
risquent de subir le sort des ouvriers du textile dont le car a été
soufflé à l’explosif à Idleb. Ou le sort de l’ambulancier tué à Rastan.
Ou le sort du médecin kidnappé à Hama. N’importe quel citoyen syrien
peut être tué, pendant que ses tueurs « démocrates » le filment et reçoivent, du Qatar ou de l’Arabie Saoudite, le salaire des images atroces qu’ils livrent à Aljazeera ou Al Arabiya [Leurs commentaires disant que ce sont les forces de Bachar el-Assad qui les ont tués. -NdT].
La Syrie n’a jamais connu un tel mépris de l’être humain !
Et l’Occident et ses laquais du Golfe prétendent débarrasser son peuple d’une dictature ?
Et l’Occident et ses laquais du Golfe prétendent débarrasser son peuple d’une dictature ?
Pourquoi donc ne connaissions-nous pas la peur avant mars 2011 ?
Nous nous promenions sans peur. Nous allions de Damas à Lattakié, sur
la route de Bloudan [la même route qui conduit à Zabadani – Ndt]
embouteillée par les sorties du week-end. Nous allions nous promener à
la Ghouta [les vergers autour de Damas – Ndt] durant la floraison des
pêchers et subissions parfois les embouteillages sur la route de
Lattakié à Damas.
Pourquoi cette « démocratie » est-elle venue semer la peur
avec ses tirs, ses explosifs, nous interdisant de voyager, de sortir en
excursion en fin de semaine ? Pourquoi répand-t-elle la terreur sur la
route aux environs de Talkalakh, en ces lieux où des gangs de tueurs et
de trafiquants d’armes peuvent à tout moment attaquer les voyageurs ?
Pourquoi les hôtels de la côte et les routes verdoyantes sont-ils
maintenant désertés ? [dans le nord de la Syrie - Ndt] Pourquoi
n’avons-nous plus de soirées pour agrémenter nos nuits ? Même dans le
quartier paisible de Mezzé, [banlieue résidentielle de Damas – Ntd], une
voiture piégée a été déminée hier.
Qui peut oser s’opposer aux bandes armées là où elles déploient leur
menaçante influence ? Combien de commerçants dans la banlieue de Damas
n’ont-ils pas été tués parce qu’ils ont refusé de fermer leur commerce
de manière à simuler une grève générale spontanée contre le régime ?
Nous découvrons, sur les écrans télévisés, qui sont ces opposants qui, en Syrie, mettent à exécution par les armes le projet « démocratique » programmé par les pays du Golfe et l’Occident.
Voici par exemple le cas d’un Libanais qui vivait de la contrebande
de marchandises vers la Syrie et qui a perdu son « travail » suite à la
crise au Liban. Un autre libanais lui a alors proposé un trafic d’armes
et de drogue vers la Syrie. Trois transports lui ont rapporté la somme
de 20 000 livres syriennes !
Il y a de quoi méditer sur la situation de détresse, de pauvreté et
d’ignorance qui conduit un homme à accepter de devenir une machine à
tuer, pleine de haine. Consacrées au financement de projets
constructifs, les sommes versées à des bandes armées par les pays du
Golfe auraient pu arracher à la misère cette classe sociale déchue.
Aucun doute possible : ces gangs ne sont pas une « armée libre » qui se sacrifie pour sa patrie. Ce sont des criminels ; des mercenaires. A-t-on jamais vu une « armée libre » se réjouir en démembrant ses frères et sœurs, ou en les jetant dans le fleuve Oronte, têtes coupées sanguinolentes ?
A-t-on jamais vu dans l’Histoire humaine une « armée libre »
faire exploser des trains, détruire des gazoducs, des oléoducs, des
réseaux d’électricité, brûler les immeubles, les biens publics, piller
des camions transportant du sucre, du riz ou du mazout, au détriment de
son peuple ? A-t-on jamais vu une « armée libre » assassiner
les techniciens, médecins, scientifiques, et professeurs d’Universités ;
enlever leurs frères et sœurs pour ensuite demander à leurs pauvres
parents une rançon en contrepartie de leur libération ?
A-t-on jamais vu dans l’Histoire humaine, des princes et des tyrans financer une « armée libre »
patriotique ? Est-il pensable qu’une armée arabe patriotique puisse
être équipée d’armes fabriquées par l’État d’Israël qui occupe le Golan
syrien ? Est-il acceptable que des chaînes télévisées étrangères se
consacrent à filmer et présenter des criminels d’une prétendue « armée libre » sous un angle élogieux !?
Radwan Zyiadé, membre du Conseil de salut national, a demandé que le
dossier Syrien soit étudié sous l’article 7 [de la Charte des Nations
Unies –Ndt], qui autorise une intervention militaire étrangère contre la
Syrie. Y a-t-il jamais eu des mouvements de libération dans le monde
qui ont vu leurs dirigeants réclamer une intervention militaire contre
leur propre pays ?
Tout au contraire, les mouvements de libération ont été créés pour empêcher l’ingérence !
Donc, le différend entre la Syrie, les dirigeants occidentaux et
leurs acolytes syriens, ne porte pas sur la démocratie. Ces États, qui
soutiennent les régimes tyranniques du Golfe, qui ont envahi la Lybie,
qui ont commis des crimes à Abou Ghraïb, qui ont tué plus d’un million
d’Irakiens, et qui garantissent l’impunité des criminels de guerre
israéliens, ne défendent pas la démocratie.
Le célèbre journaliste Mohamed Hasanein Haikal nous dit : « Ce
que vit le monde Arabe actuellement n’est pas un printemps, c’est un
nouveau Sykes Picot pour le diviser et se partager ses richesses et ses
positions stratégiques. »
Je puis en témoigner. Je fais partie des onze membres, d’horizons
différents, qui ont rédigé la nouvelle loi sur les médias ; le premier
résultat obtenu sur le chemin des réformes. Nous nous sommes inspirés
des lois établies en Occident pour garantir le respect de la liberté de
l’information qui, découvrons-nous, ne sont pas respectées par les
médias occidentaux qui cachent à leurs peuples la vérité sur les
événements en Syrie. Nous avons entendu des représentants des Nations
Unies, et des médias égyptiens et libanais. Nos réunions étaient très
animées, les différents avis s’affrontant. Nous avons su nous mettre
d’accord sur la loi qui garantit le droit à l’information,
l’interdiction d’emprisonnement. Et qui exige la transparence et la
déclaration du financement des médias et l’interdiction d’autorisation à
n’importe quel média qui serait fondé sur des bases confessionnelles ou
ethniques. Et nous nous sommes mis d’accord pour que la relation avec
les chaînes, les journaux et les radios ne dépende plus du Ministère de
l’information, mais d’un « Conseil national de l’information à créer ».
Ce conseil a vu le jour le 20 novembre2011. Il est composé de
personnalités variées ayant une expérience dans les médias, et qui
partagent l’objectif de protéger la liberté d’expression sous le toit de
la patrie. Ce conseil a organisé des rencontres avec diverses
personnalités médiatiques, qui ont fait part de leur expérience et de
leur critique pointue de la réalité médiatique et politique, et qui ont
exprimé leurs points de vue et leurs propositions. Le Conseil a pris
note de tout cela pour en tenir compte dans la rédaction de la politique
relative aux médias.
Dans le bâtiment où nous nous rencontrions, se réunissait aussi la
commission chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution, composée
de personnalités venues de la société civile, des partis politiques
ainsi que de techniciens et de spécialistes. Des articles que l’ont
croyait intouchables ont été complètement modifiés. Le texte de la
nouvelle Constitution sera publié et soumis à référendum.
Pendant ces mois orageux, a été rendue publique la Loi sur les partis
qui interdit qu’ils soient créés sur des bases religieuses,
confessionnelles ou ethniques, et qui exige la transparence de leur
financement. Quatre nouveaux partis ont été constitués. La loi sur les
élections a déjà été publiée. Ces lois sont les bases d’une nouvelle vie
politique. Pouvons-nous l’ignorer ?
Nous ne pouvons pas ignorer non plus un événement d’une grande
importance : la rencontre consultative qui a réuni 200 personnalités
syriennes, représentant les divers courants politiques et idéologiques,
présidée par le vice-président de la République. J’y ai participé en
tant qu’écrivain indépendant. Nous avons entendu des interventions que,
je pense, aucune institution politique arabe dirigeante ne supporterait.
Certaines ne réclamaient pas seulement la suppression de la
constitution du paragraphe relatif à la gouvernance du pays par le parti
Baath, mais demandaient la suppression du parti lui-même, en feignant
d’ignorer ce que ce parti a apporté en matière de santé publique,
d’éducation nationale et d’aide économique dont jouit le peuple syrien,
sans oublier sa politique étrangère d’indépendance nationale et
patriotique… en feignant aussi d’ignorer les bandes armées qui sévissent
actuellement sur notre territoire !
N’importe quel politicien objectif ne peut ignorer que le parti Baath
est la colonne vertébrale de la vie politique syrienne aujourd’hui, et
que sa suppression ou sa dissolution entraînerait un chaos semblable à
celui qu’a connu l’Union soviétique après sa chute. Ceci ne nie pas la
nécessité nationale de l’épurer des opportunistes et des corrompus. Et
ceci s’applique aussi aux autres partis.
Et c’est ainsi que se sont déroulées, durant les derniers mois, des
réunions pour étudier les événements en Syrie, dont une réunion
rassemblant environ 400 anciens diplômés de Russie et des États de
l’ex-Union soviétique, dont beaucoup se sont exprimés avec extrémisme et
dureté. J’ai parlé du libéralisme économique qui a créé une couche
sociale pauvre que l’ingérence étrangère a instrumentalisée. J’ai
critiqué les partis politiques qui se sont éloignés du peuple, le
laissant aux mains des imams des mosquées. J’ai demandé la mise en
jugement du ministère du tourisme, de l’ancien gouverneur de Homs, et la
mise à l’écart du président de l’Union des écrivains.
Malgré tout cela, nous sommes rentrés chez nous en toute sécurité.
J’ajoute que je suis intervenue dans les congrès des écrivains,
critiquant la manière de diriger le pays, les membres de cette
direction, et la corruption. Nous étions de nombreux écrivains à aller
dans le même sens lors du dernier Congrès des écrivains, avant les
événements. Dix sept écrivains ont critiqué sans réserve les
institutions politiques.
En outre, nous avons combattu l’expropriation de la rue du Roi Fayçal
par la municipalité qui voulait tout démolir. Nous avons arrêté le
projet. Nous avons arrêté la destruction d’un ancien quartier arabe que
les Français connaissent et étudient, au cœur de la ville moderne de
Damas.
Nous combattons les promoteurs, la corruption des mairies, et
l’infiltration sioniste par des prix attribués à l’élite culturelle de
Damas.
La lutte apparaît ainsi complexe, pas seulement reliée aux divers
courants politiques, mais également aux intérêts de divers groupes, ou
aux visées de certains. C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité
de faire prévaloir la compétence et la loyauté à la patrie, et non pas
la loyauté au parti. Les autres partis aussi – et pas seulement le parti
Baath – mettent en avant la loyauté au parti.
Nous répétons le dicton : le droit ne meurt pas tant qu’on le
revendique. Je crois que la démocratie se construit pierre par pierre,
et ne s’importe pas.
Qu’amène aujourd’hui le projet « démocratique » de
l’Occident et des pays du Golfe ? Il ne fait que rajouter à nos soucis
ses bandes armées et sa guerre médiatique ! Il n’écoute pas les millions
de Syriens qui crient : « non à l’ingérence ». Sa démocratie commence là : « avec nous ou contre nous. »
Parce que nous refusons cette ingérence et que nous croyons que tous
les courants doivent participer à la vie publique pour la corriger, et
améliorer la vie en Syrie.
L’opposition extérieure, exactement comme les bandes armées, accuse
ceux qui ne sont pas d’accord avec eux, d’être à la solde du régime.
Quoi que pensent ces prétendus « démocrates » des Syriens qui
refusent l’ingérence étrangère et arabe, nous disons en toute franchise
que les Conseils qui sont créés dans le giron de l’occupant occidental,
avec l’argent qatari, sont coupés du peuple syrien.
Je n’arrive presque pas à croire qu’un intellectuel comme le chef du Conseil national d’Istanbul, ne sache pas que « couloir humanitaire »
signifie intervention militaire ! Qu’il ne sache pas que le Conseil de
Sécurité a décrété l’embargo contre l’Irak, mais n’a pas libéré le
Liban, et n’a pas utilisé l’article 7 pour empêcher l’État d’Israël de
massacrer le peuple palestinien ! Qu’il ne sache pas que les « négociations » n’ont pas amené les Palestiniens à libérer un pouce de leurs terres, et n’aboutiront jamais à la libération du Golan !
Que ces prétendus « démocrates » nous permettent de refuser un tel comportement.
Nous répétons, avec le peuple syrien : ce qui ce passe en Syrie n’est
pas une révolution mais crimes, chaos, et destruction d’un pays qui
connaissait la sécurité. Le changement en Syrie est refusé s’il est
imposé par une ingérence extérieure, et accepté s’il est obtenu par la
voix des urnes.
L’attaque contre les ambassades syriennes n’est pas une action politique ; c’est l’œuvre de voyous et de malfrats.
Je répète ce que j’ai dit dans un débat télévisé : les constitutions
sont modifiées pour correspondre aux évolutions des peuples, mais
doivent l’être avec respect car elles font partie de la mémoire des
peuples. Le changement en Syrie ne se fondera pas sur le mépris du passé
et les courbettes aux dirigeants politiques extérieurs.
En tous cas, ce n’est pas l’amour de la démocratie qui fait se
précipiter les princes du pétrole et les dirigeants occidentaux de
l’occupation pour organiser les bandes armées, encenser la façade
syrienne émigrée, et acheter les décisions de la Ligue arabe.
Cette démocratie n’est qu’un papier d’emballage trompeur, enveloppant
un projet de réorganisation de la carte de la région par la force ; et
qui vise à arracher la pierre syrienne du mur de la résistance arabe.
Ces propositions sanglantes cachent la stratégie occidentale sioniste et
protègent les crimes des bandes armées.
La séance du Conseil de sécurité sur le dossier syrien nous a montré
les représentants de la trahison suprême, face à la dignité syrienne en
la personne de Bachar Al Jaafari, de sa culture, son honnêteté et sa
douleur.
La vraie discorde porte sur notre droit de souveraineté nationale, et
notre refus de l’occupation israélienne. Un droit lié à nos traditions
nationales et à notre Histoire syrienne ; que nous avons hérité de
Choukri Al Asali, député de Damas au parlement turc en 1911, qui a
démasqué l’infiltration sioniste en Palestine. Ceci fut l’une des
raisons pour lesquelles il a été exécuté ainsi qu’une élite
d’intellectuels et d’hommes politiques de la bourgeoisie syrienne.
La Palestine est dans le cœur des Syriens
Depuis le Congrès Syrien de 1920 qui a déclaré l’indépendance de la
Syrie et le refus du pays sioniste – en passant par la révolution
syrienne qui a donné à la Palestine Al Kassam, qui y a organisé la
résistance, et fut tué en 1935, et l’insurrection simultanée syrienne et
palestinienne contre l’occupation en 1936 – des Syriens se sont dévoués
pour protéger la Palestine, dont Said El AAS, le penseur
révolutionnaire, qui y est tombé en martyr.
La Palestine est dans le cœur des Syriens ; il n’y a pas de Syriens
de la génération de l’Indépendance qui n’aient pas participé à la
défense de la Palestine et il est difficile de compter les martyrs
syriens en Palestine.
M. DEBJEN qui était à l’orphelinat islamique de Homs, que mon beau
père a fondé, m’a raconté qu’avec deux de ses amis, il s’est engagé pour
lutter contre l’occupant sioniste en 1948 ; ils étaient très jeunes, le
troisième n’est pas revenu.
En 1949, le dictateur Hosni al Zaïm a déclaré qu’il nouerait des
contacts avec l’État d’Israël ; le prince Adel Arslan, ministre des
affaires étrangères, lui a aussitôt répondu : je ne reconnaîtrai pas cet
Etat et je ne rencontrerai pas son ministre des affaires étrangères et
je ne permettrai à aucun fonctionnaire de mon ministère de le
rencontrer. Ce sont les contacts d’Hosni al Zaïm avec Israël qui ont
conduit à son assassinat.
La mémoire de chaque Syrien est pleine de noms et d’images
inoubliables de la lutte arabo-israélienne. En raison de ce passé
sanglant, les Syriens sont convaincus qu’Israël, en plus d’être un État
raciste, est une base militaire d’occupation qui protège le projet de
domination occidental dans la région, comme l’ont prouvé ses attaques
agressives et expansionnistes. En tant que Syriens notre résistance à
l’expansionnisme est dans notre âme ; et notre vie même est tressée
autour de cette lutte. C’est ainsi que notre destin personnel est lié au
destin de la Syrie, qu’on veut arracher à la résistance arabe.
Dans son discours du 4 février, l’ambassadeur de Syrie à l’ONU, M
Bachar JAAFARI, a cité deux vers du poète Nizar KABBANI rappelant des
certitudes profondément ancrées dans l’âme syrienne. Car Nizar KABBANI,
n’est pas seulement l’enfant adulé de la bourgeoisie damascène, connu
pour ses poèmes d’amour ; il a porté comme chaque Syrien, les valeurs du
panarabisme ; il a écrit : « la poésie est lâche si elle n’est pas portée par la colère ».
Sa colère s’adressait à ceux qui se sont précipités pour signer des
accords avec Israël et aux hommes corrompus du pétrole. C’est pourquoi
ses funérailles ont donné lieu à un grand hommage populaire. Un avion
privé syrien envoyé par le président avait transporté sa dépouille de
Londres à Damas. Les Syriens se sont emparés du cercueil et l’ont porté
sur leurs épaules dans un cortège populaire que Damas n’avait plus vu
depuis les funérailles de Fakhri Al Baroudi, l’homme de l’indépendance,
le compositeur des hymnes que les peuples arabes se sont transmis.
Les gens l’ont porté jusqu’à la mosquée des Omeyyades, le plus
important monument construit par les Omeyyades à Damas ; ils ont prié et
l’ont porté à nouveau sur leurs épaules jusqu’au cimetière, traversant
Damas du nord au sud, à pieds, car KABBANI a mêlé sa loyauté à sa ville,
à la loyauté au panarabisme. Il a incarné l’âme syrienne par sa douleur
pour la Palestine, par son refus du sionisme, par son mépris des
dirigeants pétroliers et par sa fierté de la civilisation syrienne.
Bachar JAAFARI a exprimé cette essence profonde lorsqu’il a cité ces deux vers du poème de Nizar : « ô Damas, trésor de mes rêves et de mes escapades, me plaindrai-je à toi de l’arabisme ou des arabes ? »
Si les représentants du Qatar et de la ligue Arabe étaient cultivés,
ils auraient su que la suite du poème leur rappelle qu’en trahissant la
Syrie ils trahissent aussi la Palestine.
KABBANI dit dans ce poème : « Ils ont abreuvé la Palestine de
rêves colorés, ils l’ont nourrie de paroles vaines et de discours, ils
ont vécu en marge des événements et n’ont pas bougé pour la terre volée
et l’honneur violé. Ils ont laissé Jérusalem nue à même la boue, livrant
ses seins à tout venant ».
Qui sont-ils ceux là qui gaspillent l’argent et ne secourent pas la
Palestine ? KABBANI les a énumérés : Ceux qui se sont baignés dans des
mers de pétrole, ceux qui ont bu le sang des hommes libres ! Et leurs
représentants au Conseil de sécurité siégeaient en face de JAAFARI : le
Qatari et sa suite, le président de la Ligue arabe dont le fils
travaille au Qatar !
Il est donc impossible d’imaginer un État syrien coupé de son
Histoire et de sa mémoire ! Impossible car le peuple porte sa mémoire
dans son âme ; ce ne sont pas des pages de livres d’histoire. Il y a là
un fossé entre des millions de Syriens fiers de leur Histoire, et une
poignée d’intellectuels inconnus avant que les médias occidentaux ne
leur battent les tambours, et ne les poussent en avant comme des « représentants légaux » de la Syrie, le Qatar ayant financé leurs réunions, leurs hôtels et leurs déplacements.
L’utilisation de l’ancien drapeau dans leur réunions, imitant les
Libyens à qui le Qatar a apporté des milliers de drapeaux royaux, n’est
pas passé inaperçu aux yeux des Syriens.
Par contre, ceux qui l’ont brandi n’ont pas remarqué que c’est le
drapeau de la résistance contre l’occupation française ; le drapeau de
la souveraineté nationale ; le drapeau des Syriens qui ont combattu le
sionisme et Israël ; notre drapeau que le président Chukri Al Kouatli a
mis de côté en cédant son siège à NASSER, au nom de l’Unité Arabe.
La rencontre et le dialogue sont-ils possibles entre ces deux camps ?
La condition du dialogue est la position envers l’Etat d’Israël et le
sionisme, et vis-à-vis de l’ingérence extérieure. En Syrie, il y a des
opposants honnêtes, non corrompus par l’argent du Qatar ou de l’Arabie
Saoudite, n’ayant touché aucun pot de vin occidental, n’ayant pas bradé
la souveraineté nationale, et ayant une position claire vis-à-vis
d’Israël et du sionisme.
Ceux-là affichent leur rejet de la corruption politique et
financière. Ils exigent une transparence qui, peut être, ne peut
exister. Ils peuvent avoir des points de vue irréalistes, mais ils se
distinguent par leur maturité politique et leur courage. Le Dr Faez
FAWWAZ et Salim KHEIRBEK ont passé plus de dix ans en prison. Malgré
cela, ils ne sont pas tombés dans la haine qui pousse à la vengeance,
jusqu’à la destruction du pays.
Ce sont des opposants de cette trempe qui sont les garants de la
démocratie et de la droiture, à même de préserver la souveraineté et de
protéger le peuple contre le fléau de la corruption, capables d’empêcher
qu’un homme corrompu comme l’ex- gouverneur de Homs [3] puisse
trahir son pays en fermant les yeux sur la construction [par des
rebelles] d’un réseau de tunnels souterrains, participant ainsi aux
préparatifs devant servir à la rébellion.
La position envers Israël, le sionisme, et l’ingérence extérieure,
est pour les Syriens la condition pour le dialogue national ; c’est
pourquoi le politicien Qadri JAMIL [figure de l’opposition de
l’intérieur - Ndt] a annoncé : « Nous ne participerons pas à un dialogue où le Conseil d’Istanbul serait présent ».
C’est ainsi que les Syriens rejettent ceux qui rencontrent la
télévision israélienne, ceux qui font appel au sioniste Bernard-Henri
Lévy, pour qu’il fasse en Syrie ce qu’il a commis en Lybie ; ceux qui se
sentent honorés de rencontrer Clinton, Sarkozy et Juppé.
Ceci n’est pas qu’une question politique, c’est une question de conscience et de morale, et les Syriens en sont fiers.
Enfin, c’est le droit des Syriens, après avoir regardé la séance du
Conseil de sécurité sur le dossier syrien, de se sentir fiers d’être
plus humains, et plus cultivés, et plus démocrates que ces menteurs
représentant les forces d’occupation occidentales qui ont versé le sang
des Libyens, des Irakiens, des Libanais. Il est de leur droit de
mépriser ces politiciens menteurs qui, hier, affirmaient que l’Irak
possédait des armes de destruction massive, et qui affirment aujourd’hui
que l’armée syrienne tue les civils alors que des dizaines de soldats
syriens sont tués chaque jour.
Lorsque l’on compare Bachar al-ASSAD aux chefs d’États occidentaux
qui, par le mensonge, dissimulent les buts de leur guerre contre les
peuples, la différence est énorme. Ces derniers se moquent de la « démocratie occidentale » : SARKOZY n’a pas supporté la révolte des jeunes des banlieues et les a pourchassé, et la « démocratie » d’OBAMA n’a pas toléré les Indignés pacifiques contre la voracité capitaliste. Ce sont ces « démocrates » qui demandent aux Syriens de supporter les crimes de bandes armées !
En suivant la séance du Conseil de Sécurité, les Syriens ont vu des
hommes de grande stature face à des nains. Ils ont vu des personnalités
occidentales -qui n’ont probablement pas lu le « Faust » de GOETHE cité
par Bachar JAAFARI- qui mentaient, sans honte aucune, devant lui. Et les
représentants russe et chinois qui eux ont appuyé la Syrie par leur
veto, signifiant à l’Occident colonialiste qu’il n’avait plus les mains
libres pour imposer sa démocratie sanglante.
Dr Nadia Khost, écrivaine syrienne – auteur de nombreux ouvrages,
d’essais, et de nouvelles portant sur l’histoire, l’architecture, la
conservation et la protection du patrimoine de la Civilisation Arabe –
vit à Damas.
[1] Le Conseil de salut national a été élu par l’opposition syrienne le samedi 16 juillet 2011 à Istanbul
[2] Boukein et Zabadani sont des lieux de villégiature proches de Damas,
dans les montagnes sur la route du Liban ; la vallée de Zabadani est
réputée pour ses vergers.
[3] L’ex-gouverneur s’est enfui au Qatar où il a été récompensé pour sa
trahison. Il a causé un tort inestimable à son peuple à Homs, pour avoir
permis à des groupes islamistes -bien avant mars 2011- de creuser des
tunnels, les reliant à des installations en sous sol préexistantes, pour
y aménager des entrepôts d’armes et de ravitaillement devant servir à
l’acheminement par les rebelles des armes et du ravitaillement.
Publié le 10 février 2012 par silviacattori.net : http://www.silviacattori.net/articl…