mercredi 29 avril 2015

Le brevetage du vivant non-modifié lui aussi autorisé (Sott)

Catherine MORAND
Mediapart
 
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Les brevets de Monsanto et Syngenta sur les plantes et les animaux mettent en péril la sécurité alimentaire du monde.

Le 25 mars dernier, l'Office européen des Brevets - qui se trouve à Munich en Allemagne - a pris une incroyable décision, qui a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le ciel européen. Après de longs mois, voire même des années d'attente, la sentence est tombée : il est désormais possible de breveter des variétés de tomates et de brocolis sélectionnées de manière conventionnelle, ne présentant aucune invention particulière. Il s'agit donc là d'une véritable révolution, qui vide de sa substance le droit des brevets existant. Selon le droit en question en effet, les procédés de sélection conventionnelle des plantes et des animaux ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'un brevet, déposé, par exemple, par l'une ou l'autre géant de l'agrobusiness, tels que Syngenta ou Monsanto, lesquels sont de facto les grandes gagnants de cette décision hallucinante.
Autrement dit, suffit-il de découvrir un lien entre une séquence génétique existant naturellement dans une plante cultivée, et un caractère particulier de cette plante pour devenir propriétaire de toutes les plantes exprimant ce caractère ? La Grande Chambre de Recours de l'Office européen des Brevets a osé répondre oui le 25 mars 2015.
Les sociétés multinationales disposant des moyens technologiques de décoder les séquences génétiques des plantes cultivées et des animaux d'élevage vont désormais pouvoir s'approprier tout ce que nous mangeons. Les paysans ne pourront plus semer ou faire naître des animaux sans avoir obtenu une autorisation au préalable, et avoir payé une taxe.
« C'est un bond en arrière de 3 siècles qui rétablit la dîme versée par les paysans aux seigneurs du Moyen Age, et la porte ouverte à une biopiraterie généralisée », dénonce Michel Metz, administrateur du Réseau Semences Paysannes en France.
De fait, depuis cinq ans que le Français Benoît Battistelli préside l'Office européen des brevets (OEB), le nombre de brevets accordés est en progression constante. Les organisations non gouvernementales (ONG) membres de la coalition internationale « Pas de brevets sur les semences » ont d'ailleurs demandé à plusieurs reprises sa démission, en raison de son empressement à servir les intérêts de multinationales agrochimiques. Cette décision porte en elle la chronique d'une catastrophe annoncée puisqu'elle met très directement en péril la sécurité alimentaire de la planète et favorise une concentration croissante du marché des semences, qui tend à devenir la propriété exclusive de sociétés privées telles que Monsanto, Syngenta, DuPont, et quelques autres.

Pourtant, pour pouvoir faire face aux défis du futur en matière d'alimentation, ou à ceux posés par le changement climatique, les paysans du monde entier devraient plus que jamais pouvoir accéder sans entraves aux semences, et continuer à les améliorer, comme ils le font depuis des temps immémoriaux, sans qu'un brevet, obtenu par une société privée, ne vienne les en empêcher. Le saviez-vous ? Plus d'un milliard et demi de paysans dépendent des semences issues de leur propre récolte pour leurs cultures. Si les semences sont brevetées, ils devront les racheter au prix fort à leurs fabricants. Ce qui, dans un contexte de grande précarité économique, représente un véritable désastre.

L'octroi de tels brevets bafoue une décision du Parlement européen datant de 2012, qui demande expressément à l'Office européen des brevets de renoncer à accorder des brevets sur des plantes ou des animaux fruits d'une sélection traditionnelle. La récente décision de l'OEB, qui donne libre cours à des multinationales telles que Syngenta et Monsanto pour breveter le vivant, et faire main basse sur les semences du monde, est un véritable camouflet à l'égard du Parlement européen. Certes, les ONG vont continuer à s'époumoner pour dénoncer cette forfaiture et la menace qu'elle fait courir à la planète. Reste qu'il est grand temps que les États donnent de la voix, prennent leurs responsabilités et fassent interdire définitivement l'octroi de brevets sur les plantes et les animaux.