dimanche 13 décembre 2015

Pierre Conesa : “On ne lutte pas contre le terrorisme avec des moyens militaires” (les crises)





Pierre Conesa : "On ne lutte pas contre le... par www-touteleurope-eu

1° Comment définir la radicalisation ?
Le sociologue définit la radicalisation comme la posture de légitimation ou de passage à l’acte dans le domaine de la violence.
Donc si on prend cette définition, ça veut dire que la radicalisation touche beaucoup de domaines aujourd’hui, qui sont le domaine politique avec une radicalisation d’extrême gauche ou d’extrême droite, avec les identitaires, avec les black blocs, ça touche les domaines religieux puisque l’Islam n’est pas la seule grande religion touchée par les phénomènes de radicalisation, ça touche aussi des domaines tout à fait inattendus comme la défense des animaux etc.
La radicalisation est un phénomène générique, qui d’ailleurs pose des problèmes à toutes les sociétés démocratiques, mais évidemment la radicalisation qui nous préoccupe le plus pour le moment à cause des attentats terroristes est évidemment la radicalisation djihadiste.
2° La France pourrait-elle prendre exemple sur les programmes de déradicalisation mis en place ailleurs ?
Toutes les analyses de radicalisation ne tiennent pas compte de la dimension de politique extérieure, parce que je considère que ce qui caractérise la radicalisation musulmane ou disons la radication sectaire salafiste djihadiste, si on la compare à d’autres sectes, c’est que c’est une mobilisation qui se fait sur des thèmes internationaux : les musulmans sont victimes, le complot judéo-américano-français etc., donc toute la théorie du complot, et la dimension de la politique extérieure est très importante dans la mobilisation.
Quand vous trouvez sur des sites djihadistes « 2000 morts à Gaza on fait rien, 4 occidentaux égorgés on envoie l’armée », vous ne pouvez pas avoir de contre argument face à ce type de posture diplomatique.
Donc, tant qu’on ne prend pas en compte cette dimension de politique extérieure, une des causes de cette mobilisation et radicalisation ne sera pas arrêtée.
3° Qu’attendez-vous de la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme ?
J’ai bien peur que les européens oublient cette dimension, c’est-à-dire on ne lutte pas contre le terrorisme avec des moyens militaires.
Ce n’est pas vrai, c’est un mensonge qui a été énoncé par George Bush après le choc de 2001, mais vous avez vu le résultat de la guerre en Irak, ça a été une catastrophe absolue.
Moi je pose une question de fond, c’est-à-dire pourquoi aller se battre contre l’état islamique parce qu’il égorge les gens, il coupe les mains des voleurs, il opprime les femmes, il interdit les autres religions pour défendre l’Arabie Saoudite qui coupe les mains des voleurs et décapite, opprime les femmes et interdit les autres religions.
Il y a une espèce de schizophrénie si vous voulez, dans laquelle je ne comprends pas quelle est la légitimité ou la conditionnalité politique de notre intervention.
Et tant qu’on n’a pas une conditionnalité politique forte en disant « on intervient si vous changez de votre coté, si vous faites l’effort de faire disparaitre tous vos radicaux, tous vos imams qui nous diffusent à nous des discours de la radicalité », je ne vois pas quelle va être le résultat politique d’une action militaire.
Pierre CONESA.
Source : Toute l’Europe, 12/03/2015