mardi 12 janvier 2016

"Fiasco économique" : Piketty fustige les "grosses conneries" de Macron (Marianne)

Mardi 12 Janvier 2016 Louis Hausalter
Partisan d'une primaire à gauche, l'économiste pointe les erreurs commises selon lui par François Hollande et celui qui, avant d'être ministre de l'Economie, était son conseiller économique au début du quinquennat.
Signataire de l'appel pour "une grande primaire des gauches et des écologistes", lundi 11 janvier dans Libération, Thomas Piketty en a assuré le service après-vente, ce mardi matin sur RMC et BFMTV. L'occasion pour l'économiste star, qui manque rarement une occasion de distiller ses critiques sur la politique de François Hollande, d'en remettre une couche sur les choix économiques du gouvernement. Et de désigner nommément celui qui est, selon lui, l'un des responsables de l'échec de l'exécutif : Emmanuel Macron.
Alors certes, Emmanuel Macron, 38 ans, est un gage de rajeunissement salutaire, concède Thomas Piketty. "La popularité de Macron montre le besoin de renouvellement incroyable. Les gens, dès qu'ils voient une tête jeune, ils se disent : 'Enfin !' Donc c'est très bien, c'est une très bonne chose", admet l'auteur du best-seller Le Capital au XXIe siècle.
Mais Thomas Piketty n'en est pas moins sévère avec les orientations économiques d'Emmanuel Macron : "Maintenant, le bilan de Macron, écoutez… Il est quand même co-responsable d'un énorme fiasco de la politique économique", lâche-t-il. Et l'économiste de remonter aux débuts du quinquennat, lorsque la zone euro était agitée de graves convulsions. "Si la France retombe en récession en 2012-2013 avec l'ensemble de la zone euro, ce n'est pas pour un problème d'horaires d'ouverture de magasins ou de lignes de bus", ironise-t-il en référence à la fameuse loi Macron. Pour lui, "en 2011, 2012, 2013, on a tenté de réduire les déficits beaucoup trop vite en France et en zone euro, avec des augmentations d'impôts beaucoup trop massives".
Des choix regrettables, selon Thomas Piketty, portés notamment par le couple Sarkozy-Merkel puis Hollande-Merkel. "Sans la France et l'Allemagne, les choix budgétaires de 2012 auraient été différents", affirme-t-il. Or, "Macron dans tout ça, où est-ce qu'il était ? Il était secrétaire général adjoint de l'Elysée, principal conseiller économique de François Hollande. Après, il peut arriver trois ans plus tard en disant : 'Quand même, on n'a pas tout fait'…" Une allusion à une grande interview donnée le 6 janvier au Monde par Emmanuel Macron, titrée : "On n'a pas tout fait pour l'emploi", dans laquelle le ministre de l'Economie en appelle à de nouvelles réformes. Conclusion de l'économiste : "Si, on a fait des grosses conneries !"
Thomas Piketty pointe une autre erreur commise d'après lui en 2012 par François Hollande et son conseiller Macron : la suppression des baisses de cotisations patronales mises en place par Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat, "qui étaient plutôt une bonne chose", selon lui. "Hollande et Macron ont commencé par les supprimer et six mois plus tard, ils ont inventé cette usine à gaz invraisemblable qui est le CICE, qui consiste à rembourser avec un an de retard une partie des cotisations qui ont été payées un an plus tôt par les entreprises. Donc évidemment, personne n'y comprend rien."
Et l'économiste de conclure en fustigeant les louvoiements du quinquennat du locataire de l'Elysée :"L'an dernier, Hollande a fini par dire : 'Vous avez raison, c'est un peu compliqué, mais d'ici 2017, je vais revenir à des baisses de cotisations patronales qui soient plus lisibles'... On n'est même pas sûr qu'il va le faire. Mais même s'il le faisait, cela voudrait dire qu'on met un quinquennat à réparer la bêtise qu'on a faite au début !" Reste à savoir si l'hypothétique candidat qui sortirait de la tout aussi hypothétique primaire de la gauche ferait mieux.