Christian
DELARUE
ATTAC-CADTM Maroc a écrit « à plusieurs mains » un riche ouvrage collectif
qui a pour titre « Accords de libre échange, des accords coloniaux
contre les peuples » .
Le livre porte sur les ALE de l’UE (Accords de libre-échange de Union
européenne) avec le Maroc et principalement sur l’aspect non démocratique.
Refuser la conception campiste du monde.
Ce livre évoque à propos de ces Accords de libre-échange (ALE) entre l’Union
européenne et le Maroc un aspect d’accord colonial . Cela mérite réflexion et
débat sur l’impérialisme d’aujourd’hui. Non pas que la formule « accord
colonial » soit fausse mais elle peut laisser entendre à tort qu’une vision du
monde historiquement dépassée perdure comme l’exprime à raison Renaud Duterme
dans son article « Quand le Sud rattrape le Nord... Et vice et versa » (1).
Il faut dire et répéter qu’il est faux de poser de façon idéologique un
schéma binaire (le campisme) avec un Nord méchant et prédateur et un Sud
totalement victime de ce Nord ou de l’Occident ou de la Triade, ces
terminologies se recoupant parfois largement, à peu de chose près. Il est plus
juste de dire qu’il y a du Nord au Sud (grosso modo les 1% d’en-haut) et du Sud
au Nord (soit les peuples-classe à grosso modo 99% d’en-bas). Mais ce n’est pas
encore suffisant. Il est encore plus « scientifique » de souligner l’existence
d’un rapport conflictuel de prédation plus ou moins visible - souvent caché -
d’une triple nature 1) anti-social (austérité notamment), 2) oligarchique
(mépris démocratique) et 3) anti-écologique (mépris écologique) entre ceux
d’en-haut et les peuples-classe, et ce dans chaque pays ou nation. S’y ajoutent
le racisme et le sexisme.
L’autre démocratie en réponse à la prédation
oligarchique.
C’est l’analyse concrète qui doit préciser dans le détail ce rapport de
prédation. Les peuples-classe ont vocation à s’émanciper via une
« alter-démocratie », via une autre démocratie que celle réellement existante
(celle dite « représentative »). L’autre démocratie que le peuple-classe peut
porter serait plus « chargée » en justice sociale et fiscale, plus anti-raciste
et anti-sexiste mais aussi et surtout en appropriation sociale, et notamment en
socialisation des banques.
L’idée d’appropriation sociale et de socialisation n’est jamais omise par les
« progressistes » qui maintiennent la perspective d’une transition
éco-socialiste. Lire ici le dernier chapitre de Bancocratie. Comme Éric
Toussaint - l’auteur de Bancocratie" aime à le souligner, « le secteur bancaire
est trop important pour être laissé aux mains du privé ». D’ou la socialisation
des grandes banques. Et cette idée-force vaut pour tous les peuples-classe, ceux
du Nord comme ceux du Sud. On dira qu’il s’agit d’une revendication transversale
(aux frontières) ou internationale. Parfois c’est la nationalisation qui est
appliquée par les élites avec l’appui plus ou moins fort des syndicats. Cette
démarche peut être positive que si elle va jusqu’au bout. Si elle demeure
l’affaire des élites il y a risque de bureaucratisation et donc blocage de la
pleine appropriation sociale, blocage de la socialisation. Le rôle des syndicats
et celui des associations de citoyens est décisif en la matière.
Au Maroc, qui est à la manoeuvre ? Ceux d’en-haut !
Ceci étant précisé, revenons au livre. Les ALE sont « l’affaire des milieux
d’affaire » et des technocrates, pas des peuples au sens des 99% d’en-bas.
Ce que met en avant l’ouvrage c’est l’inexistence d’accord (de libre échange)
impliquant les peuples ou plus précisément les peuples-classe, soit les 99%
d’en-bas car les accords sont le fait des puissants et possédants des deux
bords, tant marocain qu’européen, mais la « puissance de feu » des experts
d’appui de l’oligarchie européenne est largement supérieure à celle des milieux
d’affaire du Maroc. Mais globalement ceux d’en-haut du Maroc et ceux d’en-haut
de l’Union européenne partagent la même conception du monde néolibérale et
visent à renforcer les uns comme les autres leur position sociale avantageuse
face aux peuples-classe qui eux vont subir de plein fouet les ALE .
Christian Delarue
Secrétaire du CADTM France
1) « Quand le Sud rattrape le Nord… Et vice et versa » de Renaud Duterme
2) « Bancocratie » d’Eric Toussaint (avec une préface instruite de Patrick
Saurin) complète avantageusement un autre bon livre qui est « Le livre noir des
banques » (ATTAC et Basta).
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