C’est un débat qui progresse depuis quelques années, certains candidats à l’élection présidentielle de 2012 s’étant même emparés de la question. Cette semaine, le gouvernement a reçu un rapport préconisant de le mettre en place, alors que la Finlande pourrait le faire en 2017. Bonne ou mauvaise idée ?
Un égalitarisme inégalitaire ?
Bien sûr, on peut voir dans le revenu universel (une allocation universelle fixe pour tous les citoyens), le moyen de mettre fin à la pauvreté, apportant aussi une forme de sécurité à tous les cotyens, ce qui rendrait la société moins dure et plus humaine, une société décente. C’est ce que défendait l’économiste Alexandre Anizy il y a deux ans. Mais, sans plan détaillé qui permettrait d’étudier les modalités d’application du revenu universel, il faut aussi reconnaître que les plans évoqués posent des problèmes. D’abord, il faut noter que cette idée est souvent défendue dans des milieux très libéraux et que les modalités pourraient en changer fondamentalement les effets, que ce soit le financement (et l’effet sur la progressivité du système fiscal) ou toutes les mesures qui viendraient avec, notamment sur l’emploi.
En effet, si cela est un moyen de permettre une baisse du salaire minimum, cela donne un côté obscur à la mesure. En outre, si ce revenu universel permet, souhait louable, de simplifier les aides d’Etat en les remplaçant, faute est de reconnaître que le revenu universel revient à répartir de manière plus indifférenciée les aides actuelles, soit une baisse pour ceux qui en touchent plus et une hausse pour ceux qui en touchent moins. Mais si ceux qui en touchent le plus sont ceux qui en ont le plus besoin, alors cela reviendrait à diminuer notre protection sociale. En somme, cela ne remettrait-il pas en cause les principes de la Sécurité Sociale, selon lesquels ceux qui travaillent financent retraités et chômeurs, et bien portants ceux qui sont malades ? En fait, tout dépend des modalités de mise en place.
Le diable est dans les détails
En effet, dans le cas où le revenu universel remplacerait un maximum d’aides existantes en étant financé par des impôts uniformes et non progressifs, même si cela instaurerait un filet de sécurité, la mesure peut être profondément inégalitaire. En outre, s’il est faible, ce filet de sécurité pourrait être illusoire et ne pas protéger de la pauvreté. Pire encore, ce revenu universel pourrait participer à la déconstruction des droits sociaux. A contrario, on peut aussi craindre les effets sur la société d’une incitation trop forte à la sortie du monde du travail, qui pourrait rendre le financement de la mesure plus qu’aléatoire. Bref, une telle mesure pourrait aussi avoir des conséquences négatives sur la société, qu’il convient d’étudier en profondeur pour ne pas provoquer un désastre une fois mise en place.
Malgré tout, suivant l’analyse d’Alexandre Anizy, il faut reconnaître que le revenu universel pourrait aussi constituer un progrès considérable pour nos sociétés. S’il permet de mettre fin à la pauvreté, ce serait un progrès extraordinaire vers une société plus humaine. Et s’il donne une sécurité à des citoyens sous la dure menace du chômage depuis des décennies, cela serait également un énorme progrès. Voilà pourquoi il faut sans doute continuer à étudier cette idée mais il convient d’en examiner toutes les modalités précises, et notamment toutes ses implications fiscales, pour ne pas aboutir à rendre la société plus inégale, derrière un égalitarisme de façade. Et on peut penser que l’expérimentation envisagée au Pays-Bas est sans doute la meilleure voie à suivre pour faire avancer cette idée.
Quelle est la nature du revenu universel ? Un pseudo égalitarisme cachant un refus de solidarité surtout individualiste, ou un moyen de reconfigurer nos sociétés pour mettre fin à la pauvreté, et mieux partager les fruits de l’économie ? Et s’il pouvait finalement être les deux ?